Une tribune intéressante tiens, au moment où on s'inquiète des conditions d'incarcération.
Pour info et validité du sérieux et de la légitimité du texte c'est Dominique Simonnot, Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, qui écrit, en lettre ouverte, aux parlementaires.
https://www.lemonde.fr/idees/article/20 ... _3232.htmlEntrez dans les prisons ! Venez découvrir les colonnes de cafards qui cavalent en rangs serrés et les rats qui grignotent dans la cour ! Voyez ces trois hommes dans 4,30 mètres carrés d’espace vital qui montent la télé à fond quand l’un d’eux va aux toilettes. Ecoutez ce que me dit celui-ci : « Je suis dans un trou qui s’appelle une prison, à trois dans une cage pour un. Ils nous ont mis un gamin de 22 ans qui fait crise d’épilepsie sur crise d’épilepsie. On le relève quatre fois par nuit et, à chaque crise, il s’arrête de respirer, on croit qu’il va mourir à côté de nous. » Et celui-là : « J’ai 79 ans et jamais je n’aurais pensé terminer ma vie dans de telles conditions. C’est une ambiance létale. La cellule en dessous de moi, il y a un aveugle, l’autre nuit, il a voulu aller aux toilettes, il est tombé du lit. Il n’a été relevé qu’à 7 heures du matin. » Entendez cet autre qui a fini par percer lui-même l’abcès dentaire dont il souffrait depuis des jours. Impossible de voir un dentiste. Trop longue liste d’attente, trop peu de véhicules d’extraction médicale.
Venez, écoutez les surveillants, les directeurs pénitentiaires dire leur colère, leur désespoir. Vous décrire leurs tâches rendues folles par la folie des cellules qui débordent. Ils vous diront avoir débuté il y a une quinzaine d’années à un surveillant pour 53 détenus, et être passés à un pour 150…
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aujourd’hui, dans les maisons d’arrêt, 1 600 personnes dorment à terre, sur un matelas, et 37 800 sont entassées dans des prisons bondées à plus de 120 % de leur capacité dans le meilleur des cas, et jusqu’à 150, 180, voire 200 % dans les pires. Malgré cette honte – la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme et le Conseil de l’Europe, qui fustigent une surpopulation « structurelle » –, rien n’a été entrepris pour que celle-ci baisse à nouveau.
Effectivement, on a un peu peur pour Balkany
Vous, dont certains, aujourd’hui, réclament pourtant toujours plus de prison, comme si c’était la seule peine qui vaille. Alors qu’il existe un très large éventail d’alternatives à l’enfermement fort contraignantes et contrôlées, tels le travail d’intérêt général, le bracelet électronique, le sursis probatoire ou la libération sous contrainte. Alors qu’un récent rapport de vos collègues députés reprenait un constat déjà énoncé en 2018 [par le contrôleur général des lieux de privation de liberté] : « La peine de prison infligée à des personnes que l’on enferme dans des cellules dégradées et suroccupées perd son sens, voire se révèle contreproductive ». Et n’y a-t-il pas de quoi se questionner quand on y lit qu’il n’y a pas de corrélation entre la hausse des incarcérations et celle de la délinquance ?
Des solutions existent ! Elles ont pour noms régulation carcérale et aménagements de peine, qui permettent d’accorder les incarcérations prononcées au vrai nombre de places, sous le contrôle des magistrats. L’un rentre en surnombre ? Eh bien, un autre, le plus proche de sa fin de peine, sort, sous le contrôle des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Il le faudra, sauf à oser assumer une antique et étrange attirance pour le châtiment corporel. Faut-il, pour convenir, qu’un condamné souffre absolument dans sa chair ? A 105 euros la journée par détenu, cela fait un peu cher pour fabriquer de la récidive. Le changement, je l’espère tant, viendra de la vision et de l’observation de ces lieux si dégradés par ceux qui ont le droit d’y pénétrer. Nous ne sommes pas si nombreux à en avoir le privilège. Alors regardons la prison en face et allons-y !