Quand il pleut à Paris, il bruine à Bruxelles, dit un dicton pour illustrer la proximité de la Belgique – surtout francophone – avec l’actualité française. Après la mort du jeune Nahel à Nanterre, le 27 juin, il n’a pas fallu attendre longtemps pour que le mouvement de révolte qui a émergé en France trouve un écho de l’autre côté de la frontière, où il évoque le souvenir d’autres personnes racisées, et particulièrement de jeunes hommes, tuées par la police.
Vendredi 30 juin, les médias rapportaient quelques échauffourées survenues la veille, notamment dans le centre de Bruxelles, à proximité de quartiers populaires : plusieurs départs de feu ont été signalés, 2 véhicules incendiés et 64 personnes arrêtées (dont une majorité de mineurs), indiquait Le Soir. Et si la police a parlé de “jeunes qui jouent au chat et à la souris avec les forces de l’ordre”, l’attention était vive, à l’entame du week-end, au vu des violences en cours en France et des appels qui circulaient sur les réseaux sociaux.
“Tous des garçons, tous de couleur”
Trois jours plus tard, pourtant, la presse fait principalement état d’un important dispositif policier et d’un nombre conséquent d’arrestations préventives à Liège et à Bruxelles : 94 le vendredi (dont 80 mineurs) et 35 le samedi, rapporte De Standaard. “Il s’agissait d’arrestations préventives de personnes en possession de matériel compromettant et dont on peut présumer qu’elles s’apprêtaient à commettre des dégradations”, affirme la police, citée par le journal.
Le témoignage d’une jeune femme, Hanna Z., ainsi que les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux, donnent une autre impression. Comme elle l’explique au quotidien flamand de référence, elle se trouvait place de la Monnaie, en plein centre de Bruxelles, vendredi après-midi, quand elle a vu des policiers fouiller préventivement, menotter et emmener une vingtaine de mineurs. “Je leur donne 15 ans environ, à peine 13 pour l’un d’entre eux. Ils étaient assis sur des bancs quand la police est arrivée, les autres ont été cueillis sur la place. C’était brutal. C’étaient tous des garçons, tous de couleur.”
D’autres opérations de ce type ont eu lieu dans le quartier, précise De Standaard, tandis que le média bruxellois BRUZZ rapporte le témoignage de quatre garçons, habitants du quartier populaire de Molenbeek, qui disent avoir été brutalement arrêtés samedi soir alors qu’ils se dirigeaient vers un fast-food du centre-ville. “Essayez d’imaginer, dit le militant des droits humains Yassine Boubout à BRUZZ. L’école est terminée, vous chillez avec des amis sur la place de la Monnaie et vous vous retrouvez en cellule. La prochaine fois que ces jeunes croiseront des policiers, il y a de fortes chances qu’ils s’enfuient ou qu’ils refusent de collaborer, parce que cette première expérience aura détruit leur confiance.”
De son côté, le chef de la zone de police Bruxelles-Midi, a assuré sur les ondes du média public VRT : “Nous n’arrêtons pas des jeunes sans raison, nos équipes rassemblent quantité d’informations, notamment sur les réseaux sociaux”. Et d’ajouter que neuf jeunes ont notamment été arrêtés en possession de cagoules et d’une bouteille d’essence, alors qu’“ils voulaient attaquer le commissariat. […] Dans ces cas-là, il faut envoyer un signal fort à certains jeunes pour que ça s’arrête.”
Colle et calicots
Comme l’explique encore De Standaard, “les arrestations préventives ne sont pas une nouveauté” en Belgique. Elles étaient courantes dans les années 1990 pour empêcher les débordements en marge des matchs de football et, depuis, le recours à des mesures préventives s’est étendu. Le journal fait notamment référence à un projet de loi qui permettra de punir les auteurs de violences ou de dégradations lors de manifestations de peines allant jusqu’à trois ans d’interdiction de manifester.
Le journal note enfin que la zone de police responsable du centre de la capitale a été condamnée en mai dernier pour des arrestations préventives qui ont été jugées illégales et arbitraires. Ces arrestations avaient eu lieu quatre ans plus tôt, à l’encontre de vingt-deux activistes du mouvement écologiste Extinction Rebellion, dont la police disait à l’époque qu’“ils étaient en possession de matériel qui laissait soupçonner qu’ils préparaient quelque chose : des brosses, des bombes aérosol, de la colle, des affiches et des banderoles”.