Mediapart (extrait)
Benjamin Griveaux, les vidéos et Mediapart
L’activiste russe Piotr Pavlenski avait contacté Mediapart pour nous communiquer les messages et les vidéos porno attribués à l’ex-candidat à la mairie de Paris. Nous avions refusé toute publication. Voici pourquoi.
« C’est à propos de Benjamin Griveaux et d’une fille. » C’est par ces mots que Piotr Pavlenski s’est présenté auprès de Mediapart, lundi 10 février (voir notre Boîte noire). Il demande à nous rencontrer, nous le connaissons comme un artiste russe, opposant à Vladimir Poutine, nous acceptons. Le rendez-vous est fixé le lendemain, en début d’après-midi.
Sur l’ordinateur qu’il a apporté avec lui, Piotr Pavlenski nous fait lire ce qu’il publiera ensuite sous forme de billet de blog, et nous montre ce qu’il présente comme les captures d’écran originales des messages attribués à Benjamin Griveaux, et les enregistrements de deux vidéos pornographiques.
Le réfugié russe explique qu’il trouve choquant qu’un candidat à la mairie de Paris qui s’affiche avec son épouse, et met en avant sa vie de famille, ait une relation adultère avec une autre femme.
« Dans sa campagne, Benjamin Griveaux souligne à plusieurs reprises sa foi fanatique dans les valeurs familiales. La famille et les enfants sont tout pour lui et donnent un sens à son activité politique », explique Piotr Pavlenski. Qui voit un « paradoxe » avec les messages qu’il aurait échangés avec une « jeune fille ».
À Mediapart, aucune enquête n'est exclue par avance. Il y a d’abord un échange et des questions pour savoir si le sujet relève d'intérêt public.
Nous expliquons ce jour-là à Piotr Pavlenski que le « paradoxe » qu’il voit nous semble, à nous, hors de propos. Que des modèles de famille, il y en a des milliers. Que l’adultère, s’il est avéré, est légal, qu’il relève d’un principe sacré, le respect absolu de la vie privée. Et que ce principe n’est pas seulement un choix moral, il est aussi de droit.
Il y a des cas où la question s’est posée, et où la réponse n’était pas aussi évidente. L’exemple le plus flagrant est celui de François Hollande quand il était président de la République : Mediapart avait alors estimé que si la vie amoureuse de l’homme n’avait aucun intérêt public, le fait qu’il prenne des risques sécuritaires en tant que chef de l’État justifiait un traitement journalistique (lire le billet de blog d’Edwy Plenel).
Les militants LGBTQ, notamment aux États-Unis, ont aussi parfois défendu « l’outing » de personnalités, soit la révélation de leur homosexualité jusque-là cachée, parce que leurs déclarations publiques apparaissaient contradictoires avec leur vie privée. Et dans un contexte tout particulier : celui de l’épidémie du sida qui faisait des ravages dans la communauté gay.
En France, en 1999, Act Up-Paris a publiquement menacé d’« outer » un député UDF présent à une manifestation anti-Pacs.
Le débat avait été relancé, plus récemment, cette fois par la presse people, qui avait publié des photos de celui qui était alors numéro 2 du Front national, Florian Philippot, avec son compagnon de l’époque. Le FN était alors opposé au mariage pour tous.
Alors, mardi 12 février, on se pose la question : Benjamin Griveaux abuse-t-il, dans les documents qu’on nous présente et dont nous n’avons pas vérifié, à ce stade, l’authenticité, de sa position de pouvoir ? De ministre, ou de candidat à la mairie de Paris ? D’ailleurs de quand date la vidéo ? « Deux ou trois ans », nous répond Piotr Pavlenski, qui reste flou.
Griveaux fait-il campagne pour l’interdiction de l’adultère ? Se pare-t-il d’une foi religieuse orthodoxe pour défendre ses convictions ?
À chaque fois, la réponse que nous apportons, ce jour-là, est négative....