Thierry_2 a écrit:c'est très compliqué, en effet
d'un côté, s'il fallait exiger de chaque personne artiste d'être irréprochable, il ne resterait plus grand monde. De l'autre, c'est aussi au "consommateur" deprendre ses responsabilités et de choisir s'il fait comme si de rien n'était où s'il considère que le crime est trop grave.
C'est toute la question de Bertrand Cantat. Noir Désir reste un grand groupe, mais je ne peux faire abstraction de Marie Trintignant.
Dans une moindre mesure, Lou Reed était un assez sale type et savoir que les cris d'enfants dans une de ses chansons (the kids ?) ont été obtenues lorsqu'il a enfermé ses enfants dans une pièces et qu'ils pleuraient pour qu'il les laisse sortir... un peu de maltraitan,ce, quoi. Perso, je ne peux plus écouter cette chanson.
faire la différence entre l'artiste et l'oeuvre, Polanski est un bel exemple. Personne ne peut ignorer ce dont on l'accuse. Cela n'enlève en rien à son talent. Mais on peut légitimement se demander si, sachant tout ce que l'on sait, il n'y a pas une indécence complète à continuer à le financer largement (et le récompenser).
En fait, le réflexe est de prendre le point de vue d'Ellis qui est une victime parce qu'il est boycotté, mais on oublie que tout est parti parce que d'autres victimes ont parlé. On agite la présomption d'innocence pour Ellis, qui équivaut à agiter la présomption de culpabilité des victimes, qu'on soupçonne directement de mentir ou de vouloir nuire à Ellis.
S'il n'a rien à se reprocher, il n'a rien à craindre, comme le martèlent certains sur des sujets similaires
Non non, tu n'as pas compris mon propos : je dis que d'une part, il y a la présomption d'innocence qui doit être respectée pour tout crime ou délit, tant qu'un juge n'a pas statué, et d'autre part, il y a le choix de dissocier l'oeuvre de l'artiste ou non.
Le cas d'Ellis n'est pour moi qu'un cas parmi d'autres (Stewart, beaucoup d'acteurs suite à "#Metoo", ...) où c'est "l'employeur" qui juge lui-même de ne plus travailler avec le "coupable" (je mets des guillements pour sous-entendre la présomption d'innocence), et où l'opinion publique se divise entre d'un côté les fans de l'artiste qui le défendent bec et ongles (souvent avec mauvaise foi et agressivité envers l'autre camp et surtout les victimes, ce qui m'effraie au plus haut point) et ceux qui le démolissent avant même que soit établie juridiquement la preuve de sa culpabilité.
Sur la première partie de la présomption d'innocence, c'est un droit fondamental, donc c'est clairement respecter l'Etat de droit et la démocratie que de l'appliquer. C'est un syllogisme affreux d'associer "présomption d'innocence" du suspect et "présomption de culpabilité" des victimes.
Encore une fois, je le dis et le redis, les victimes doivent être crues et leurs plaintes reçues (ce qui n'est finalement pas souvent le cas) et ça sera au juge d'établir la condamnation ou non.
C'est un sujet d'ordre collectif qui s'applique ici, une importante question de société qui me semble symptomatique d'une mauvaise application de la démocratie, où sous couvert de liberté d'expression, on met sur le bûcher sans vérifier que la sorcière flotte bien.
Sur la seconde partie, la dissociation de l'oeuvre et de l'artiste, c'est un choix qui est personnel à chacun. De mon côté, j'ai du mal à trancher, j'écoute toujours Michael Jackson, j'aime les films de Polanski, mais je n'irai pas les voir au cinéma, et je n'irai pas voir Cantat en concert. Je me demande si je lirai "Voyage au bout de la nuit" de Céline qui est dans ma pile, tout comme je n'écoute pas Zemmour. Pour le coup, c'est à chacun de faire ses choix, soit en fonction de ses principes, soit en balance avec le crime et l'oeuvre.
Et là, si on peut en débattre, je n'ai pas le sentiment que ce soit néfaste pour la démocratie et le système judiciaire, d'un côté ou de l'autre. A moins que ça ne se finisse par de la violence ou des menaces.