de euh... si vous le dites » 08/05/2019 21:53
Le récent fil Ciné-club m'a donné l'envie de me replonger dans une liste de films marquants que j'avais concoctée il y a quelques années sur un autre forum.
Les approches différentes et les visions diverses d'un même film telles que révélées dans le Ciné-club montrent à mon sens l'aspect capital que peut revêtir le parcours cinéphilique de chacun dans la construction de ses goûts.
L'idée qui avait présidé à l'établissement de ma liste n'était donc pas de fournir une liste des meilleurs films mais plutôt de marquer des étapes importantes d'un parcours.
Dans cette liste des films, on trouvera donc certainement des chefs d'oeuvre incontestables mais aussi des films mineurs voire même quelconques qui ne doivent leur présence que par le fait d'avoir été à un moment ou à un autre des films que j'ai considérés comme importants.
La liste comporte 100 films.
Je m'étais imposé les contraintes suivantes : pas de films postérieurs à l'année 2000, pas de documentaires ni de films d'animation et surtout un seul film par réalisateur.
Voilà la liste.
N'hésitez pas à la commenter comme bon vous plaira et à présenter ici votre propre liste (sans nécessairement observer les contraintes que je m'étais imposées).
Partie 1 : de A à D
001 ALTMAN, Robert - John McCabe (McCabe and Mrs Miller) (1971)
Pas très fan d’Altman, mais j’adore ce film.
Un western « révisionniste » qui plonge ses personnages dans la pluie, la neige et la boue dans un campement miteux de chercheurs d’or. L’ambiance mélancolique et hypnotisante est assurée par la somptueuse photo du grand Vilmos Zsigmond et les chansons de Leonard Cohen.
Le couple Warren Beatty et Julie Andrews voué à ne jamais réellement se former est inoubliable.
002 ANTONIONI, Michelangelo – Le désert rouge (1964)
Dernier film italien d’Antonioni avant ses films internationaux et dernier film également avec son égérie Monica Vitti. Par contre, c’est son premier film en couleurs.
Antonioni et moi, c’est une très vieille histoire. Je me souviens encore très bien être tombé par hasard en plein Zabriskie Point à la télé quand j’avais genre 11 ou 12 ans. Les scènes dans le désert m’ont impressionné à tout jamais. C’était la première fois que je pouvais me rendre compte que le cinéma, ça pouvait aussi être des trucs comme ça.
Bien plus tard, même quand j’ai arpenté la filmographie d’Antonioni, cette impression m’est toujours restée.
Et je me rends compte que, moi qui ai souvent tendance à rapidement oublier tout ce qui concerne l’histoire ou les personnages d’un film, ce qui me reste sur le long terme, ce sont des chocs esthétiques.
Avec le temps qui passe, ce qui reste, c’est le style.
Le désert rouge, c’est une expérience esthétique extraordinaire dans le travail sur les couleurs. Certains traitent ce cinéma de cinéma intellectuel, pourtant c’est l’exact contraire, c’est un cinéma de la sensation pure. Il est « difficile » parce qu’il s’affranchit des schémas narratifs classiques, de la psychologie classique des personnages, ce à quoi nous ne sommes pas habitués. Par contre, ça ne prend pas une ride (contrairement à ses films plus ancrés dans leur temps comme Zabriskie Point).
003 ASSAYAS, Olivier – Irma Vep (1997)
Avec Assayas, je sens que je ne vais pas faire l’unanimité. Mais bon, moi, j’aime beaucoup ce cinéaste.
Irma Vep, ça fait vibrer en moi la corde du fan de film de Hong-Kong. Impossible de concevoir une liste de mes films les plus importants sans un seul film avec Maggie Cheung.
Et quel meilleur choix que ce film de fétichiste pour fétichiste… Haaa, la séquence du vol des bijoux avec Maggie en combinaison latex sous la pluie et sur les toits, accompagnée par la musique de Sonic Youth.
C’est la séquence ultime pour le fan.
Parce que oui, le cinéma et la cinéphilie, c’est aussi une question de fétichisme.
004 BERGMAN, Ingmar – Persona (1966)
Je me souviens l’avoir découvert au Musée du cinéma à Bruxelles lors d’une rétrospective Bergman.
Je n’ai jamais vu une salle aussi silencieuse à la sortie d’un film. Tout le monde était sous le choc.
Persona, c’est la veine expérimentale de Bergman et ça fouille profond profond jusqu’au malaise.
Je l’ai revu il y a quelques jours et j’ai retrouvé ce malaise. Mais aussi, je n’ai jamais vu quelqu’un filmer les visages comme dans Persona. Ce film, magnifié par la photo de Sven Nykvist est d’une beauté qui touche au surnaturel.
005 BOETTICHER, Budd – Sept hommes à abattre (1956)
La collaboration entre Budd Boetticher et son acteur fétiche Randolph Scott est le sommet du western de série B (et donc aussi un sommet du cinéma tout court).
7 films ensemble, 7 grands films. Sept hommes à abattre est le premier d’entre-eux. J’ai choisi celui- ci mais j’aurais très bien pu prendre n’importe lequel des 6 autres.
Ce que j’apprécie chez Boetticher, c’est la sécheresse et la concision. Ca ne dépasse pas 1h20, y a pas un gramme de gras, c’est filmé et monté au cordeau. Une leçon d’efficacité narrative qui ne sacrifie pas la richesse des personnages et des thématiques. C’est la série B dans ce qu’elle peut produire de meilleur. Et la série B, j’adore.
006 BRESSON, Robert – Mouchette (1967)
Je parlais de sécheresse avec Boetticher. Ici, on est servi. Bresson est au cinéma d’auteur ce que Boetticher est à la série B (ouais, j’assume le parallèle).
Bresson, c’est un sorcier de la mise en scène. C’est austère certes, mais c’est surtout d’une limpidité exemplaire. Le choix des cadres, le montage, tout est porté à un degré de perfection rarement égalé, et d’autant plus parfait que rien chez lui n’est ostentatoire.
007 CAMERON, James – Terminator (1984)
Jusqu’à passé 20 ans, j’habitais à 30 km du plus proche cinéma (un petit cinéma de campagne en plus) donc je n’y allais jamais. Je n’ai pas de culture cinéma adolescente . Y avait pas de vidéoclub non plus (et de toute façon, y avait pas de lecteur VHS à la maison) mais quand on allait parfois passer le weekend chez mon oncle, on en profitait pour se louer un film. Terminator fut le premier.
Gros souvenir donc . Et putain de film.
Ce que je continue à aimer dans ce film, c’est son énergie, son rythme. Ca garde l’énergie et l’urgence de la série B. Aujourd’hui, on le ferait avec 10X moins d’idées, 10X plus de budget, ça durerait une heure de plus et ça serait chiant comme un rat mort.
008 CAPRA, Frank – La vie est belle (1946)
Le classique qu’on a envie de faire découvrir au monde entier.
009 CARPENTER, John – The thing (1982)
Le classicisme hérité de Hawks porté à son point de perfection pour un vrai film qui fout la pétoche (en tout cas quand je l’ai vu la première fois). L’ambiance est extraordinaire, avec un superbe score de Morricone.
010 CASSAVETES, John – Faces (1968)
Cassavetes, c’est le cinéaste qui m’a fait basculer du cinéma de genre vers le reste du cinéma.
Découvert à l’occasion d’une rétrospective au début des années 90, ce Faces m’a explosé le cerveau. Je n’avais jamais vu quelqu’un qui filmait comme ça ses personnages, au plus près des sentiments.
C’est éprouvant mais c’est dramatiquement inégalable. Opening night, particulièrement, m’avait bouleversé. Mais Faces, que je n’ai plus revu depuis, me reste en tête pour sa manière de coller aux personnages, de faire éclater leur vérité presque uniquement avec des gros plans filmés dans un appartement comme décor unique.
011 CHAPLIN, Charles – Charlot et le masque de fer (The idle class) (1921)
C’est un court-métrage que j’ai vu en salle en prélude à la diffusion d’une version restaurée de The Kid.
Je l’ai choisi pour une scène et pour la réaction qu’elle a suscitée chez un papa et son fils dans la salle.
Dans The idle class, Chaplin joue deux personnages, son perso habituel de vagabond mais surtout pour ce qui nous occupe un personnage riche et oisif qui s’adonne à l’alcool.
A un moment donné, sa femme lui annonce dans une lettre qu’elle le quitte tant qu’il n’aura pas arrêté de boire. On voit Chaplin de dos lire la lettre et puis agiter les épaules de manière irrépressible.
Le petit garçon demande : « Il fait quoi, papa ? ». Le papa répond : « Ben, tu vois, il pleure. »
Sur l'écran, Chaplin se retourne et on se rend compte qu’en fait, il se préparait un cocktail alcoolisé en agitant un shaker.
Je me suis dit, « Putain, c’est ça la force du cinéma. »
012 CHU Yuan – La guerre des clans (1976)
Les films de Chu Yuan pour la Shaw Brothers, c’est un cocktail d’intrigues échevelées, de rebondissements en pagaille, de trahisons multiples,... C’est du cinéma d’aventures naïf comme on n’en fait plus. Chu Yuan se distingue de ses concurrents par un réel sens de l’image et une esthétique de tournage en studio très léchée (qui tombe parfois quand même vraiment dans le kitsch).
Perso, je préfère largement ses films de chevalerie (wu xia pian) aux films de Chang Cheh, l’autre grand réalisateur de la Shaw, dont la célébration exacerbée de l’amitié virile me touche beaucoup moins.
013 CIMINO, Michaël – Voyage au bout de l’enfer (1978)
Un film complètement démesuré et pourtant complètement intime. Cimino réussit la quadrature du cercle.
Mythique.
014 COPPOLA, Francis Ford – Apocalypse now (1979)
Complètement démesuré également. Un projet totalement fou pour un film qui l’est tout autant.
Mythique.
015 CRONENBERG, David – Videodrome (1982)
Ce film, pour moi, c’est le point de départ de tout.
C’est le film qui m’a fait passer du gars qui regarde ce qui passe à la télé sans se poser de questions à celui qui commence à s’intéresser à ce que c’est que le cinéma.
Je ne l’ai pas revu depuis très très longtemps et il est très possible qu’il ait pris un coup de vieux, mais il est tellement important pour moi que je ne pouvais pas en choisir un autre. Avant, j’aimais des films, après Videodrome, j’ai commencé à aimer le cinéma.
016 CUKOR, George – Une étoile est née (1954)
Alors là, on touche à un truc qui est fondamental pour moi : le mélodrame.
J’adore les mélos. Et flamboyants quand c’est possible.
Je défie quiconque de parvenir à ne pas finir ce film en pleurs. Judy Garland et James Mason sont au-delà de tous les superlatifs. La scène finale est une des plus belles de l’histoire du cinéma.
Ce film est un chef d’œuvre absolu.
017 DARDENNE, Luc et Jean-Pierre – La promesse (1996)
Une bombe à sa sortie : Putain, le cinéma belge est capable de sortir un truc pareil !!!
Le cinéma des Dardenne, c’est simple. C’est toujours l’histoire d’un dilemme, d’un choix moral individuel qui agit comme moteur de l’intrigue. Ici, c’est un fils qui doit décider de trahir son père ou pas.
Ce n’est pas du tout du cinéma social (même si le milieu dans lequel se déroulent les films est important), c’est du cinéma moral (mais pas du cinéma qui fait la morale, hein). Pas étonnant si en interview, les frères se revendiquent de cinéastes comme Mizoguchi.
Et en plus, La promesse, c’est la révélation de l’immense Olivier Gourmet.
018 DEMY, Jacques – Les parapluies de Cherbourg (1964)
On revient au mélo, en chansons comme dans Une étoile est née. En chanté, même.
Ce que j’aime, c’est l’artificialité extrême et assumée (décors, couleurs, dialogues chantés,…)
Cette artificialité, c’est l’essence même du mélo, qui l’utilise pour parvenir à la vérité des personnages et la sublimer.
Et quand c’est fait par Demy, ça conserve en plus une légèreté extraordinaire.
019 DESPLECHIN, Arnaud – Esther Kahn (2000)
C’est peu dire que Desplechin était attendu au tournant après son Je me suis disputé sorti en 1996.
Avec Esther Kahn, il botte en touche avec un film tourné en anglais avec des acteurs anglophones et bien lui en a pris.
En règle générale, j’aime beaucoup les films qui utilisent le théatre comme enjeu narratif pour illustrer le parcours d’un personnage (j’ai déjà cité Opening night de Cassavetes, par exemple).
Quand c’est bien fait, c’est dramatiquement très fort. Mais au contraire de Opening night, où le personnage vieillissant joué par Gena Rowlands jouait sa carrière et donc sa vie sur scène, ici, c’est le récit d’une initiation, d’une éclosion. Summer Phoenix (quelle famille !!!) est bouleversante, dans le rôle d’une petite juive pauvre qui découvre son talent et s’ouvre à la vie.
Ca me touche beaucoup.
020 DONEN, Stanley – Chantons sous la pluie (1952)
Classique absolu, évidemment.
J’aime beaucoup les comédies musicales, même quand les histoires sont conventionnelles et répétitives. Et quand, en bonus, on peut avoir comme ici un chouette scénario qui va avec, c’est la fête.
Gene Kelly est impérial. Debbie Reynolds est à croquer.
"Ca ne résout pas vraiment l'énigme, ça y rajoute simplement un élément délirant qui ne colle pas avec le reste. On commence dans la confusion pour finir dans le mystère."
Denis Johnson - "Arbre de fumée"