de francois d » 25/03/2009 17:21
Cela devait être une belle journée…
21 mars 2009
7 heures du matin, presqu’un jour comme les autres, je me lève avec la clarté matinale, le ciel bruxellois est déjà bien bleu, les premiers rayons de soleil laissent augurer une belle journée. Dix minutes plus tard, je sors de la douche, le miroir de la salle de bains me rappelle que je ne me suis pas rasé depuis quelques jours et je lui explique que – promis – ce sera pour demain. Après la vente… Petit déjeuner à trois, une amie de ma compagne loge chez nous pour quelques jours. Je surfe sur internet, consulte une dernière fois le catalogue Million et je recompte mes billets de banque.
Voilà déjà quelques mois que je me constituais patiemment un petit pécule en billets de 50 et 100 pour le jour où je voudrais faire un bel achat. Et cette fois-ci, le jour était arrivé, j’avais jeté mon dévolu sur une demi-planche de F.
Mine de rien, cela fait bien 5 centimètres d’épaisseur, douze mille euros en billets de 50 et 100 ! Je les insère dans une enveloppe que je mets dans une sacoche du type à bandoulière dans lesquelles on range des ordinateurs portables. J’y mets également le catalogue de la vente, mon iPod, mes lunettes et quelques papiers personnels.
9h30, direction gare du Midi. Nous achetons encore quelques cadeaux pour des amis parisiens avec lesquels nous allons déjeuner. 9h55, ma compagne et son amie boivent un café avant de nous diriger vers la voie numéro 6.
10h, nous prenons le tapis roulant qui lentement nous mène à la lumière du jour et nous fait découvrir le convoi prêt à partir sur Paris. Nous nous dirigeons vers la voiture n°2, tout devant, presqu’au bout du quai. Il y a peu de monde dans les voitures. Sur le quai, je croise un homme, la quarantaine, costume noir, chemise blanche, il me dévisage, je fais pareil, il me suit du regard, je n’y prête plus attention, voici la porte où l’on monte dans le train. Places 22, 23 et 25, nous sommes en configuration carrée. Je dépose notre valise sur la galerie au dessus de notre tête. A gauche de la valise, je dépose mon sac noir sur lequel je mets le manteau de notre amie.
10h05, assis côté couloir, je feuillette distraitement un journal, je suis heureux. Ma compagne et son amie regardent par la fenêtre, il fait très beau, ce sera certainement une très chouette journée à Paris. Nous parlons du programme de la journée, après le déjeuner avec nos amis, elles iront au Musée d’Orsay puis au BHV pendant que moi je serai à la vente Million. 10h08, je me lève et me dirige au bout de la voiture pour soulager un besoin pressant. Il y a seulement 5 personnes dans notre voiture, c’est calme. Le calme avant la tempête…
Même pas deux minutes plus tard, je rejoins ma place. Machinalement, je regarde les affaires déposées sur la galerie au dessus de notre tête. Stupeur, mon sac noir n’est plus là ! Je demande à ma compagne où elle l’a mis, pensant à une blague. Elle ne comprend pas. Je lui dis que le sac n’est plus à côté de la valise, ni d’ailleurs le manteau qui était déposé par dessus. Je regarde parterre. Rien. Je regarde autour de moi, les quelques personnes dans la voiture sont plongées dans leur lecture. Quand, tout à coup, je vois le manteau parterre, derrière nos sièges, donc à hauteur des sièges 27-28. Je m’agenouille parterre, regarde en dessous des sièges, nada. Je me dirige vers l’hôtesse de bord, lui signale le vol de mon sac, elle m’indique le chef de bord qui est en bout de voiture. Au même moment, les portes se ferment et le train s’est mis doucement en route. Il est 10h13, je suis à bord du Thalys 9318 et je suis catastrophé.
Je m’adresse publiquement aux voyageurs, la plupart me regardent sans intérêt – je ne parle sans doute pas leur langue – et ils retournent se plonger dans leur lecture solitaire. Le chef de train arrive, je lui explique ce qu’il s’est passé et j’ai droit à la réponse qui m’achève définitivement : « Ah ça Monsieur, ça arrive tous les jours, il faut surveiller vos bagages ! ». Ne comprenant pas encore comment c’était arrivé, je pars avec ma compagne à la recherche de mon sac et peut être de mon voleur. Nous arpentons tout le convoi, de la voiture 1 à 8 et inversement. Rien. C’était illusoire. On me propose un plateau repas que je décline, mon ventre est noué, je ne pourrais rien avaler. Je suis envahi de questions : qui, comment et pourquoi moi ? Personne ne savait ce que contenait mon sac.
Le train a atteint sa vitesse de croisière, nous sommes déjà sur le territoire français. Les réponses commencent à jaillir. Qui ? L’homme qui m’a dévisagé sur le quai, cela ne fait aucun doute. Il arpentait le quai en attendant sa proie et il a jeté son dévolu sur mon sac en pensant que c’était un ordinateur portable. Ce qui explique le pourquoi. Comment ? Soit, il nous a observé de l’extérieur et nous n’y avons pas prêté attention car mes voisines parlaient et moi je feuilletais un journal. Soit, il était déjà à bord en attendant le moment propice pour agir. Ce moment, c’est moi qui vais bêtement lui offrir. En allant aux toilettes pour me soulager, cet individu me soulageait de mes économies. Un pipi de douze mille euros, j’aurais pu quand même me retenir…
Le train égrène tranquillement les kilomètres, insouciant de mon immense désarroi. Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Arrivent alors cinq policiers, deux belges et trois français, police des frontières, contrôle d’identité de tous les voyageurs, rien à voir avec mon vol. Je leur explique ce qu’il m’est arrivé et ils me conseillent de retourner à Bruxelles faire une déclaration de vol au bureau de police de la gare du Midi. J’apprends par la police que ce type de vol est très courant au départ de Bruxelles puisque les non-voyageurs ont un accès libre aux quais de la gare et qu’il n’y a pas de contrôle lorsqu’on monte sur le train (contrairement à l’embarquement Thalys de la gare du Nord à Paris où il faut montrer un titre de transport pour monter dans une voiture). Un policier belge m’explique que le modus operandi des voleurs est de subtiliser une valise ou un sac quelques minutes avant le départ et, une fois leur larcin commis, ils disparaissent dans la nature. Il faut reconnaître le culot monstre de « mon » voleur puisqu’il s’est emparé de mon sac au dessus de nos têtes sans que ma compagne ou son amie ne remarquent quoi que ce soit, trop occupées par leur conversation sans doute. J’ai la réponse à mon pourquoi mais cela reste dur à avaler. Paris n’est plus qu’à quelques kilomètres. Je prends la décision de retourner à Bruxelles. Les femmes continueront leur séjour parisien sans moi. Il est 11h35, le train s’arrête en gare du Nord à Paris, on s’embrasse et je me dirige vers un quai voisin pour prendre un Thalys partant sur Bruxelles vingt minutes plus tard.
Le trajet sera long, interminable. Je ne peux m’arrêter de refaire ce début de journée dans ma tête, et si ceci, et si cela…. Rien n’y changera. Le train reste insensible à ma profonde douleur. Il transporte quotidiennement des milliers d’histoires personnelles qu’il mène d’une ville à l’autre. Il est concentré sur sa route et sa vitesse phénoménale ne peut lui permettre de s’apitoyer sur le sort de ses voyageurs. Et si je n’avais pas fait pipi ?
13h17, le Thalys arrive en gare du Midi, direction le bureau de police. Sas d’entrée. Attente de quinze minutes. Un inspecteur me reçoit. Je lui narre mes déboires. Il m’invite à m’asseoir dans une pièce voisine où je puis consulter quelques 200 photos d’individus tout aussi louches les uns que les autres. Après quelques minutes je reconnais « mon » voleur, l’homme qui m’avait dévisagé sur le quai. L’inspecteur acte dans son procès-verbal. La routine. J’apprends que cela arrive tous les jours, que parfois on les arrête mais qu’on les relâche quelques heures plus tard. Ce ne sont pas de graves délits, donc ils seront convoqués au tribunal au gré du fonctionnement de la machine judiciaire….
14h43, je suis à bord d’un autre Thalys qui reprend la route sur Paris. Il y a peu de monde à bord. Je me suis installé dans la voiture n°2 à la place 23, celle qui était occupée par ma compagne. Je refais tout le trajet en regardant la galerie des bagages au dessus de ma tête. Il n’y aura pas de miracle et le train, dans une régularité implacable, arrive en gare du Nord à Paris à 16h05. Direction les Champs-Elysées. Je fais l’avenue Montaigne à pied et j’arrive enfin à la vente Millon. Il est 16h40, j’ai raté le début de la vente mais pas tellement. Merci Florian de m’avoir déniché un catalogue de remplacement. Merci Pierre-André de m’avoir gardé une place assise. Lentement, trop lentement, les lots s’égrènent au fil des heures. Une belle vente quand même. J’ai eu un gros pincement au cœur lorsque « mon » lot est passé, lot 112, Franquin, demi planche de Modeste et Pompon. Une planche aussi vieille que moi. Adjugé à 9.000 euros. Je m’étais fixé 9-10.000 euros, j’aurais pu l’avoir mais je ne le saurai jamais. Et si…….
fd