tolevau a écrit:
Mais c'est parfois intéressant de débattre sur d'autres sujets que la BD.
Toutafé.
... Or donc :
tolevau a écrit:En effet, on peut rétorquer que dans ce cas précis on est plus dans la création que dans l'adaptation, mais je me permets de te reprendre : A l'origine, il s'agissait d'une prière et uniquement une prière. C'est l'évolution des moeurs et des traditions qui l'a progressivement poussé à être mis en musique, tant et si bien que cette mise en musique est presque devenue la règle.
Pour moi chaque Requiem est donc une adaptation d'un poème liturgique.
Et je vois difficilement comment on peut prétendre que le Requiem est conçu et prévu pour être chanté alors qu'en amont le seul et unique matériel dont dispose l'auteur est une suite de phrases en latin du style "Requiem aeternam dona eis, Domine, et lux perpetua luceat eis. In memoria aeterna erit justus : ab auditione mala non timebit."
Il part avec une partition vierge et doit composer un truc de A à Z avec uniquement ces quelques vers en latin imposés.
Pour moi c'est bien une adaptation musicale de quelque chose basé uniquement sur l'écrit.
Je ne suis pas spécialiste ès archéo-musicologie, j'ignore à quand remonte exactement la première mise en musique du texte et si on en trouve des traces "non chantées" avant cela. Je me suis peut-être en effet un peu trop avancé en affirmant que cela "a toujours été...", formule dangereuse. Bon. Mais a priori, de façon générale, la musique fait partie de la liturgie chrétienne depuis... extrêmement longtemps, et pour s'en tenir aux textes en latin, il me semble qu'on a pu reconstituer des chants liturgiques de l'église romaine datant d'avant la chute de l'Empire. Et je ne parle pas de ce qui se passait côté oriental, ou même des musiques de la Bible.
Disons que je comprends un peu mieux ton argument, mais que ça reste, à mon avis, au minimum, un exemple qui n'est pas le plus évident à faire intervenir dans le débat.
En quoi cela est-il plus propice à une mise en musique qu'à une peinture ornée de ce texte dans une banderole comme ça se faisait énormément, ou à une mise en scène sur les planches d'un théatre ?
J'ai repris ci-dessus spontanément le terme que tu proposes ici et qui me semblé révélateur : mise en musique. Je pense qu'on pourrait proposer de raffiner un peu et de faire la distinction entre la mise en musique et l'adaptation, et que ça pourrait éclairer certaines choses.
Je vais prendre tes dernières propositions à l'envers : en quoi ce texte est-il plus propice à une mise en musique qu'un tableau (comme "source" et non plus "destination", par rapport à ta question) ou une pièce de théâtre, ou encore un roman ? Là, il me semble que c'est évident.
Si je prends une partition du Requiem de Mozart, ou de n'importe quel autre compositeur, et que je retire les notes, je vais retrouver le texte latin que tu citais. Toujours le même, quel que soit le compositeur (avec ou sans le Dies Irae, à la limite). TEL QUEL. Idem si je prends des partitions de lieder ou de mélodies sur des poèmes : j'enlève les notes, je retrouve le poème de Goethe, de Baudelaire ou de Verlaine. TEL QUEL. Il y a eu mise en musique, mais peut-on parler d'adaptation ?
En revanche, si la source est un roman, les choses sont différentes. Au "mieux" (la notion de "mieux" étant discutable ici, d'ailleurs, mais c'est un autre débat), on ne retrouvera que des bribes de l'œuvre première (littéraire) dans l'œuvre seconde (musicale). Une longue description, par exemple, sera rendue par une page musicale développant une certaine ambiance. Il ne s'agit pas seulement d'ajouter un nouveau "langage" esthétique par-dessus un autre (rajouter de la musique sur des mots), mais de le remplacer par un autre, avec ses propres moyens d'expressions. D'où : adaptation.
Cas extrême (mais rare à ma connaissance) : la peinture. Si je retire toutes les notes d'une partition de la symphonie Mathis der Maler de Hindemith, je ne retrouverai rien sur la page du retable d'Issenheim peint par Mathis Grunewald.
Pour revenir à la BD et même au cas d'Alan Moore plus précisément, il me semble intéressant de noter qu'au moment même où on refait dans ce topic (une énième fois) le procès du film Watchmen, la discussion "inverse" a lieu dans un autre topic, à propos de Fashion Beast (adaptation -?- en BD d'un scénario de Moore pour le cinéma jamais tourné). Moore a pensé Watchmen pour la BD, en fonction des moyens d'expression de la BD, et Fashion Beast, originellement, pour le cinéma, en fonction des moyens d'expressions du cinéma. Zach Snyder a fait un copié-collé d'un support à l'autre, sans apparemment se soucier trop de la différence de média. D'où certains passages qui se lisent très bien sur papier et deviennent très lourds à l'écran. Antony Johnston, de son côté, a pris des indications de mise en scène pour l'écran et les a rendues telles quelles sous forme de cases de BD. D'où un certains nombres de "plans" qui n'auraient éveillé aucune attention particulière dans un film (travelling arrière sur un bâtiment dévoilant sa place dans la ville, plan fixe sur une rue vide...) qui deviennent très lourd sous la forme d'une planche de trois ou quatre cases. Dans les deux cas, un sentiment d'insuffisance dans le travail d'adaptation...