Les dédicaces, c'est une suite de malentendus qui s'entrecroisent :
- L'organisateur de salons de BD désire : réunir des passionnés comme lui, animer sa ville, devenir l'ami intime de stars, devenir une gloire locale dans le milieu culturel, justifier ou créer son emploi dans un domaine qu'il affectionne (ou promouvoir sa librairie et vendre des albums). Bref : la passion, la gloire, le fric.
- l'auteur de BD désire : rencontrer des collègues, profiter d'une pause en société, rencontrer des lecteurs avisés et curieux, tester et apprécier l'aura obtenue par sa célébrité. Bref : des vacances, la gloire.
- le lecteur de BD désire : rencontrer ses stars, obtenir une dédicace qu'il pourra montrer (une preuve) ou revendre (un produit), profiter d'une sortie sympa entre fans. Bref : la passion, la gloire par procuration, des vacances, parfois du fric.
- L'organisateur a besoin de visiteurs pour avoir la gloire.
- L'auteur a besoin d'organisateurs pour avoir des vacances.
- Le lecteur a besoin d'auteurs pour avoir une dédicace.
MAIS AUSSI :
- L'organisateur a besoin d'auteurs et de
dédicaces pour attirer les visiteurs.
- L'auteur doit s'astreindre aux
dédicaces pour pouvoir rencontrer ses pairs.
- Le lecteur doit attendre sa
dédicace pour pouvoir discuter avec les auteurs.
Ainsi, la dédicace et devenue le moteur de tout salon de BD, sa raison d'être. Sans elle, pas de public, pas de salon. Elle est incontournable. Elle a le défaut d'être individuelle ce qui ne permet pas vraiment de faire fonctionner correctement ce "happening" qu'est un Salon. La plupart des "sorties en foules" sont centrées autour d'un unique objectif (concert, cinéma...) ou permettent au public de s'amuser seuls (danses, visite de stands). En ce sens, le salon de BD, avec ses dédicaces faites bénévolement, est un peu bâtard.
Pourtant, si individuellement, il ne satisfait pas pleinement les divers intervenants, il a une fonction globale :
- globalement, il permet à la BD d'être reconnue, admirée, encensée (ce qui augmente les tirages... globalement !
)
- globalement, il permet aux lecteurs d'être physiquement impliqués dans leur passion (donc de la maintenir, de la faire vivre, d'acheter, de collectionner toujours plus de BD).
- globalement, il permet aux auteurs de trouver un lieu pour rencontrer à la fois leurs pairs et leurs lecteurs (et c'est leur présence qui entraîne cet immense élan... global).
Bref, la présence d'un auteur dans un Salon pourrait être considérée comme un "acte civique" au service de la Bande Dessinée en général.
Et comme beaucoup d'actes civiques, ce n'est pas forcément récompensé immédiatement ni individuellement.
Les lecteurs devraient donc en prendre plus compte, en limitant leurs exigences et en acceptant de remplacer, parfois, les séances de dédicaces par des rencontres plus publiques.
Et les organisateurs devraient comprendre qu'un auteur ne vient pas principalement dans un salon pour rencontrer des lecteurs, ni pour leurs beaux yeux, mais pour vivre un moment sympa entre collègues (bonne bouffe, bons hôtels, chouettes activités délassantes). Le lien avec le public viendra après, tout naturellement, en récompense !