de Kris » 21/11/2006 20:44
tenez, pour achever le travail (et préciser ce que je citais de mémoire à la fin de ma réponse, mémoire finalement un peu défaillante, on est tous humains...), je vous copie-colle un mail de Pierre Le Goïc, l'historien nous ayant aidé dans nos recherches. Il a profité d'un travail aux archives pour vérifier certains détails. Je vous les livre ici (et ensuite, c'est bon, on aura fait le tour, promis !)
Bonsoir Kris,
j'ai tout simplement été relire Le Télégramme d'avril-mai 50, que Michel Corre n'a pas dû bien lire puisque le journal qu'il cite comme étant sa principale source ruine ses allégations.
La seule affirmation qui tienne peut-être la route est le nombre de 49 blessés parmi les forces de l'ordre : il est effectivement mentionné dans Le Télégramme le jour des obsèques. Dans le rapport du commissariat central, 24 gendarmes et 9 gardes républicains sont mentionnés, mais il y a des blessures multiples : j'arrive en fait à 47 blessures ventilées sur des multitraumatisés ; une confusion a très bien pu se produire entre le nombre des blessures déclarées et celui des blessés. Cela ne change au demeurant rien sur le fond (sauf pour
les blessés !)
Pour le reste :
- le cas du gendarme Gourvès : les journaux parus dans les jours suivants la manifestation évoquent deux visites aux blessés du service d'ordre, soignés à l'Hôpital maritime ; il est bien précisé à chaque fois que leurs jours ne sont pas en danger. Il va de soi que si un gendarme avait été grièvement blessé au point de mourir, même plus tard, des séquelles de la manifestation, cela se serait vu et su à ce moment !
- éléments incontrôlés ? Le ministre de l'Intérieur, Queuille (André Colin n'étant que sous-secrétaire d'Etat) a déclaré : "Il est exact qu'à Brest le service d'ordre a tiré" (le Télégramme du samedi 20 - dimanche 21), arguant d'ailleurs de la légitime défense.
- le tir depuis l'Hôpital ? l'article du Télégramme consacré aux résultats de l'autopsie présente les deux hypothèses liées au trajet de la balle - tir de haut en bas ou attitude d'Edouard Mazé en train
de se pencher au moment du tir sans privilégier l'une ou l'autre, et l'enquête sur la première a été rapidement enterrée, alors qu'elle était la plus favorable au gouvernement qui n'avait certes pas, à ce moment, de "souci d'apaisement" à l'égard de la CGT et du PC.
- le passage de Michel Corre concernant les arrestations et les procès est tout simplement inconsistant. Evidemment Marie Lambert a été arrêtée avant la manifestation et Signor se protégeait dans un renfoncement ; il n'a été arrêté que parce qu'un policier a reconnu en lui sa qualité de député communiste. Mais surtout, Michel Corre s'embrouille complètement dans les procès. C'est le premier procès devant le tribunal correctionnel de Brest qui s'est effectivement déroulé dans un contexte de manifestation d'ailleurs pacifique (le Télégramme du 21 avril). Or ce procès-là n'a pas abouti à la condamnation des députés, la cour se basant sur un usage de la IIIème République qui, en cas de flagrant délit, permettait d'arrêter mais non de condamner des députés avant la levée de leur immunité parlementaire. L'assemblée rappela au
tribunal qu'au contraire l'article 22 de la constitution de la IVème République permettait, en cas de flagrant délit, d'arrêter et de juger les députés. Un deuxième procès eut donc lieu à Brest en mai (Le Télégramme des 20 et 22 mai). Cette fois, aucune manifestation ne fut organisée ; les quelques militants présents assistèrent au procès sans problème, dans la salle d'audience. Les débats furent centrés sur la notion de flagrant délit : Marie Lambert n'avait pas participé à "l'enlèvement" de Prévosto mais seulement assisté au meeting où il
avait été emmené. Signor n'avait pas directement participé aux jets de projectiles sur les forces de l'ordre mais avait eu le tort d'être présent, "à sa place", déclara-t-il.
Leurs condamnations furent purement politiques mais modérées : 5 mois avec sursis pour Marie
Lambert (pour l'affaire Prévosto, et non la manifestation, contrairement à ce que semble croire M. Corre !), 6 mois avec sursis pour Alain Signor.
Il suffit donc de lire le Télégramme pour réduire à néant les affirmations de Michel Corre. C'est tout simple, et c'est tout dire...
Pierre le Goïc