Nous sommes d'accord sur le fond (puisque nous avons les mêmes sources

Par contre, en prenant un peu de recul et en se méfiant de l'effet nostalgie, ce type de capitalisme paternaliste comprenait aussi une bonne dose de cynisme. Oui, le patron était là et s'impliquait personnellement et humainement. Par contre, il exerçait également de fortes pressions et n'hésitait pas, pour ce qui est de Dupuis, à utiliser le chantage émotionnel pour arriver à ses fins (cf. les propos de Franquin). Il faut aussi garder à l'esprit que les auteurs étaient des travailleurs précaires, sous-payés, totalement non-considérés et à la merci de chefs qui pouvaient le saquer pour un oui ou un non (cf. la tentative de syndicat et la mise au placard de Goscinny/Charler/Uderzo). Cette situation encourageait aussi l'effet "chou-chou" où certains opportunistes faisaient tout pour se faire bien voir (quitte à dénoncer leurs camarades).
On rajoute la méconnaissance des artistes pour tout ce qui est business, les contrats évasifs, la comptabilité créatives et on voit bien que derrière la façade de respectabilité, tout n'était pas rose.
Un travail d'un éditeur qui veut développer sa barque est aussi basé sur la construction d'un catalogue et d'une identité. Ça se fait sur la longueur et il faut un peu de flair et de talent. Pour Dupuis, c'est la BD jeunesse (devenue plus ado avec le temps) et l'image "chic type". Au fil des décennies, Dupuis n'a pas changé d'idée en s'adaptant à son public du moment. Le lectorat de 1950/60/70/80/etc. n'est plus le même que celui d'aujourd'hui. La culture manga est installée, les jeunes (des filles en majorité) ne lisent plus de la même façon et la même chose. Dupuis s'adapte (ou tente de le faire) ou meurt. Résultat, le catalogue actuel s'en ressent : des héros.ïnes de nouveaux genres, des problématiques inédites et des ressorts dramatiques utilisant d'autres chemins font leur apparition.
Je finirais en disant que le passé n'est absolument pas oublié. Dupuis a fait un énorme boulot de réédition ces 20 dernières années, dire le contraire est mentir. Des dizaines d'intégrales complètes avec des dossiers passionnants et sans doute à perte pour la majorité des titres. La cadence de parution est obligée ralentir puisque le public n'est pas/plus au rendez-vous (nous vieillissons tous). C'est important de regarder le passé, mais construire le futur est crucial et c'est en lançant de nouvelles séries que ça se fait, en proposant aux lecteurs d'aujourd'hui des histoires qui correspond à leur existence de maintenant et auxquelles ils peuvent s'identifier.