Larry Bambell a écrit:Exciper du sort tragique enduré par les Juifs, du fait du national-socialisme, pour faire un parallèle avec la situation d'aujourd'hui est l'une des lubies récurrentes de Bravo; alors que ce sont les Européens qui tombent aujourd'hui victimes par centaines d'une idéologie criminelle (d'ailleurs alliée au nazisme durant la guerre)…
Comprendre le passé pour ne pas se condamner à le revivre, ce n'est pas une injonction nouvelle.
Elle n'a pas attendu la crise des migrants pour exister et elle ne disparaîtra pas avec elle.
Bravo ne fait que réaffirmer l'importance de la culture et des arts dans ce processus de compréhension.
Bravo : "Je suis persuadé que le totalitarisme est engendré par l'ignorance qui génère le repli sur soi et la peur de l'autre. La culture permet de se connaître soi-même, de s'émanciper pour ne pas se laisser désigner de bouc émissaire, comme le furent les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, les migrants aujourd'hui ou qui sais-je demain. En résumé, l'Histoire, c'est nous... Il faut donc se confronter à notre passé pour se comprendre et éviter de reproduire ce qu'il y a de pire en nous. C'est bien beau d'être humaniste, mais encore faut-il savoir pourquoi on l'est. C'est au fond ce que raconte mon Spirou."
Le même Bravo s'était déjà illustré au début de sa carrière avec Spirou par une charge violemment anticléricale, relevée, à l'époque, par Actua-BD, peu suspect de complaisance dans ce domaine !
Cette courte histoire me parait bien plus subtile que la violente charge anti-cléricale que certains ont voulu y voir.
Elle parle à mon sens bien plus de manière générale des abus de pouvoir que permet toute autorité quand elle peut s'exercer de manière arbitraire. Cette histoire ne s'appelle pas par hasard "La loi du plus fort".
Quand on y songe, c'est bien là que se trouve le thème central de tout le Spirou de Bravo.
Combattre la loi arbitraire du plus fort, c'est là que réside l'humanisme dont Bravo se targue d'être le messager. Et c'est évidemment dès lors sur ce point qu'il peut trouver matière à effectuer des liens entre la période nazie et d'autres périodes de l'histoire, dont celle que nous vivons actuellement.
Ne voir dans "La loi du plus fort" qu'une charge anti-cléricale sans replacer cette histoire au sein de l'ensemble du travail de Bravo sur Spirou, ça me parait très réducteur.
D'ailleurs, "La loi du plus fort" présente trois formes d'autorité qui s'exercent de manière arbitraire, celle du clergé, celle des forces de l'ordre et celle du monde du travail. Il y a une volonté manifeste de la part de Bravo de stigmatiser l'arbitraire partout où il peut s'exercer, pas que que dans le clergé de l'époque.
"Ca ne résout pas vraiment l'énigme, ça y rajoute simplement un élément délirant qui ne colle pas avec le reste. On commence dans la confusion pour finir dans le mystère."
Denis Johnson - "Arbre de fumée"