Au risque de m'en mettre plusieurs d'entres vous à dos, je trouve que le duo Y et V est l'un des plus prometteurs qu'a eu la série Spirou jusqu'à présent. Ce n'était pas gagné après l'impasse scénaristique du tome 50 et un premier spin-of que j'avais tout simplement détesté. A la sortie du 55, j'ai fait un marathon Y et V et j'ai été agréablement surpris ; selon moi, il y en a un qui est raté, un qui se cherche et trois bons qui tendent vers du très bon.
La Vipère fait parti de cette dernière catégorie. C'est donc un
14,5/20 !
Je vous accorde néanmoins que le dessin des plans d'ensembles et des arrières plans est assez approximatif. C'est certainement du à une grosse dead line imposée par Dupuis pour sortir l'album pour les 75 ans. Yoann s'est principalement concentré sur les personnages au premier plan et de ce côté là, il s'en sort très bien. J'ai un peu de mal avec sa Seccotine mais il croque le trio principal avec brio. Il a été aidé pour les designs et c'est que ça apporte un plus à l'album. Certaines cases ont des jeux d'ombres très intéressantes.
L'album, vous l'avez presque tous souligné, brille surtout par son scénario ; la machination de Vehlmann est diabolique, a tel point que la résolution semble presque insensée. Les méchants chez les Spirou de Vehlmann sont souvent des profiteurs de la finance, ce qui les rend particulièrement ridicules et ou antipathiques (à l'inverse de tous les autres méchants de Spirou, à l'exception de Zantafio - même Cortizone est attachant au final). Les gentils sont les victimes de la finance, (ici les habitants des îles marmelades), le discours est caricatural, mais hélas d'actualité. La force du scénario est d'être à la fois d'actualité et d'être baigné de nostalgie (coucou le tome 50) ; je trouve l'idée d'acheter Spirou est une excellente idée pour ce personnage d'éditeur, vendu avec les techniques commerciales qu'on connaît. Le propos sur l'exploitation des licences, l'âge d'or, leurs possibilités financières est très creusé - et justifié, Dupuis capitalise en partie aujourd'hui sur des lecteurs nostalgiques. Aucun auteur de Spirou n'a réussi a porter un regard aussi juste sur la question (quand on voit
La Fille de Zorglub et son "ohlala, y a beaucoup de reboots au cinéma", on se dit qu'un propos subtil sur le sujet, c’est plutôt rare). Le discours sonne d'autant plus juste, quelques semaines à peine après la sortie de l'album, avec le rachat de Marsu production par Dupuis. Ce qui passe peut être moins bien, c'est ce discours sur l'admiration d'un modèle (Gil Coeur Vaillant sort de nulle part et réduit l'implication des autres amis de Spirou). Ce nouveau duo (on y reviendra avec les autres) peine à renouveler l'univers de Spirou, en particulier ces personnages ; ici, on ne retient que la Vipère mais parce qu'il est détestable, il n'a pas une apparence particulière, ni un caractère marquant.
Enfin, il faut parler du cliffhanger :
Je trouve intéressant l'idée d'avoir lié les trois premières histoires du duo (la Vipère a finance le projet de Zorglub sur la lune > permet une bonne introduction de celui-ci). Par contre, depuis la Vipère, les auteurs se forcent à relancer l'intrigue à la fin de chaque album, comme si c'était une série TV. Et plus on avance, plus c’est forcé et mal venu. Pour ce qui est de la révélation de Vito, elle aurait très bien pu arriver dans le 54 ; on n'avait pas besoin de le montrer, ou alors finir juste sur la case dans la pénombre avec un "maledizione" en indice. Au final, son insertion dans l'histoire est aussi inutile que tordue. Surtout pour une dernière case pas terrible, avec un énorme faux raccord téléphone. Dommage.