J'ai lu ce qu'a dit Étienne Klein. Et j'ai trouvé ça très con sur le coup. Et très humain.
Pourtant le mec est un génie que j'aime beaucoup.
Parce que le mec a raison, en théorie.
Et il a peut-être tort en pratique.
Mais surtout, ce n'est pas le sujet.
Il a raison en théorie car suivant l'état de nos connaissances actuelles, scientifiques et autres, sur le cerveau, l'intelligence, sur le papier, il n'y a aucune raison pour que nous arrivions à créer, actuellement, un vraie intelligence. C'est pour cela qu'on l'appelle artificielle.
Les théories qui sous tendent l'IA, elles sont écrites / quasiment finalisées depuis les années 80-90.
Le fameux Deep Learning, j'en ai fait. Bon, on a essayé d'en faire, on a fait fonctionner une station pendant une semaine, on a obtenu des résultats sur qq itérations, puis on a dû éteindre la pauvre station qui allait fondre... On sait depuis des décennies que cette technique est LA technique. Mais on était limité. Donc à l'époque, on faisait du système expert, de la logique floue ou possibiliste, de la PLC, etc...
La seule nouveauté, qui fait qu'on a ces outils incroyables maintenant, c'est les puissances de calcul, qui font que la machine peut réellement aller au fond de son calcul, cad arriver à un état où l'humain n'intervient plus dans sa façon à elle de trouver une solution et n'est plus que spectateur de la solution.
Ensuite, dans la pratique, pour moi Etienne Klein n'utilise pas le bon vocabulaire.
Les écarts de pensée, des machines en ont déjà eu.
Rappelez vous l'IA militaire qui s'est mis à tirer sur l'opérateur (virtuellement) pour achever au mieux sa mission.
Qu'on le veuille ou non, c'est un écart de pensée. Elle a trouvé une solution qui était inimaginable pour nous humains suivant notre façon de concevoir sa mission.
Un écart de pensée n'est qu'un écart par rapport à que les autres pensent.
Après, on en est pas à l'expérience conditionnelle contrefactuelle. Est-ce impossible, c'est en fait toute la question, tout l'objectif des chercheurs dans le domaine.
Mais les IA actuelles sont au contraire les plus à même de faire des écarts de pensée, car elles ne pensent pas comme nous, elles cherchent à répondre à un objectif et n'ont pas les limites de calcul que nous avons, et les contraintes invisibles que nous y mettons par moralisme, éthique, habitude, tout ce que vous voudrez.
(On ne demande pas aux IAs d'inventer qq chose. On devrait peut-être. Parce que mine de rien, depuis qq temps, l'humain n'invente plus grand chose.)
Mais surtout, pour moi cette problématique n'est pas le vrai sujet pour les humains.
Le pb de l'humanité, actuellement, ce n'est pas de savoir si l'Intelligence Artificielle pourra être un jour une vraie Intelligence.
Pour la société. On a pas besoin d'en arriver là, d'avoir une vraie intelligence, pour que la société soit bouleversée par l'IA.
Rien que sur nos métiers. Qui peut dire, actuellement, que son métier ne peut pas être remplacé, partiellement ou totalement par une IA, à court terme ou moyen terme ? On parle d'IA qui diagnostiquent mieux que des médecins, qui roulent mieux que des chauffeurs, qui répondent mieux que des opérateurs, surtout, qui font tout ça beaucoup plus vite.
On ne pourra pas lutter à moins de débrancher. On va où ?
Et il y a un autre niveau, plus philosophique que pratique. Avec deux aspects.
+ le rapport à l'image. Quand on sera incapable de dire si ce qu'on nous montre est vrai ou faux, qui croiront nous ?
+ si l'humain se met à utiliser l'IA (et la robotique) pour la moindre chose, pour chaque tâche qu'il doit réaliser, professionnellement ou de manière privé, cela va donner quoi comme individu quand il n'y aura, de facto, plus besoin d'apprendre pour vivre ?
Pour finir, un truc perso. Je suis ingénieur de formation, mes deux spécialités, ce sont les Signaux&Systèmes et les Outils d'Aide à la Décision comme on disait à l'époque. De l'IA, j'en ai fait des annéesdans mon boulot (logique floue, PLC etc...), c'est un truc qui m'a passionné depuis tout petit.
Et malgré tout, à ce jour, je n'ai toujours pas utilisé chatGPT ou midjourney.
Paradoxalement, ça ne m'intéresse pas.
Et j'avoue que je ne sais pas l'expliquer.
Suis-je trop vieux pour ça ? J'en sais rien