Mais dans les Bijoux, il n'y a pas que cet humour omniprésent pour séduire ceux qui s'y plongent.
On y trouve plein d'autres petites merveilles, propres à ravir le lecteur profane que je suis. Par conséquent, ma lecture est celle du non initié, celui qui ne lit pas la langue des oiseaux, qui ne sait pas s'orienter dans le subliminal, pourtant présent à toutes les pages dans toute l'oeuvre d'Hergé.
Le dessin de la page de titre nous indique doublement qu'il sera question de la langue des oiseaux : par la représentation de ce qui semble être une mésange, dans l'arbre et par le chant auquel se livre le Rossignol milanais. Mais, personnellement, j'ai beau le savoir, ça ne m'est d'aucun secours.
Mais une lecture au premier degré suffit à me ravir, comme vous pouvez le constater.
Allez, montrons-en quelques unes, de ces merveilles... Ça vaudra mieux que des explications confuses.
Pour commencer, cette vignette horizontale de la page 12, à mes yeux la plus belle de l'album qui fait passer un beau message de tolérance et d'amitié entre les peuples.
http://www.bellier.org/les%20bijoux%20d ... /vue12.htmOu encore cette page d'ouverture, plus belle dans le journal Tintin que dans l'album où la vignette horizontale avec son cartouche en écriture cursive ont été remplacés par le titre.
http://www.bellier.org/les%20bijoux%20d ... e/vue1.htmLa profondeur de champ y perd, l'esthétique de la planche également. Mais ce choix, je crois en déceler une des motivations du point de vue d'Hergé. Je ne peux exposer mon point de vue qu'à ceux qui connaissent le dénouement de la mini-intrigue qui agrémente ces Bijoux, donc j'ouvrirai un peu plus loin les balises d'usage.
Observons que le fumet nauséabond qui incommode les narines de Tintin puis d'Haddock (page 1, V3 et V4 de l'album ou V4 et V5 du journal) sera matérialisé par quatre petits traits dans l'album, qui prêtent moins à confusion que le trait ondulé qui vadrouille dans la version journal.
Si vous avez l'album à portée de mains, vous pourrez relever bien d'autres différences entre la version journal et l'album.
Revenons à la beauté de la planche d'ouverture. Comme chez Franquin avec son Spip, on prend plaisir à suivre les déambulations de Milou qui fourre le museau dans un terrier ou gambade derrière un martinet qui s'est aventuré avec un vol en rase-mottes. V8 de l'album (ou 9 du journal), l'écureuil se fait discret mais ne perd rien de la promenade de Tintin, Haddock et Milou. Ce type de vignette avec un animal au premier plan, fait également mon délice dans les albums d'Astérix et sera repris également avec bonheur par Lambil, dans les Tuniques Bleues.
Bon, je peux désormais ouvrir les balises pour ne pas spoiler le dénouement de la petite enquête qui pimente ces Bijoux.
En substituant à la magnifique vignette horizontale de la page 1 les deux lignes superposées du titre, l'esthétiquey perd à mes yeux. Mais la narration y gagne. Car désormais, la première vignette dans l'album est également une case avec un animal au premier plan. Et il suffit de la relier à la lettre O du dernier mot du titre pour avoir la solution de l'énigme qui tracasse les gendarmes, les Dupondt et Tintin. Du grand art.
D'autres modifications entre la version journal et album pourront sembler mineures à certains, porter sur des détails. Hergé est ainsi.
Les Monsieur par-ci et les Madame par-là sont récrits en lettres minuscules, comme il se doit pour des noms communs, ce qui est le cas dans tous les dialogues où l'on s'adresse à son interlocuteur à la deuxième personne du pluriel (ex :
Non, madame, ce n'est pas la boucherie Sanzot... (page 19, V 7) voire à la troisième personne du singulier mais sans déférence particulière (ex Allo ?...
C'est Monsieur Boullu ? page 5, V7 ).
Dans la version album, la majuscule, en usage dans les formules de politesse des échanges épistolaires, est en revanche maintenue quand Nestor s'adresse à son maître, en employant alors la troisième personne du singulier (ex :
que Monsieur me pardonne... page 12, V4 )
Au fait. Qui a dit qu'il n'y avait pas de jolies femmes, dans Tintin ? Cet album n'est pas une exception, à ceci près que dans les Bijoux, l'avantage physique est du côté des gadjé (les non-Tziganes). La seule gadjo mignonne est celle de l'équipe de tournage, mais la concurrence nomade l'emporte (et le décalage de couleur dans le journal la dessert, elle est mieux dans la version album).
http://www.bellier.org/les%20bijoux%20d ... /vue34.htmAinsi de :
La jeune Tzigane au foulard rouge, derrière Tintin, page 9, V9.
http://www.bellier.org/les%20bijoux%20d ... e/vue4.htmLa gamine, dernière case.
http://www.bellier.org/les%20bijoux%20d ... /vue25.htmLa jeune femme mince sous la pleine lune, qu'on sent prête à virevolter telle Carmen...
http://www.bellier.org/les%20bijoux%20d ... /vue40.htmEt peut-être même page 47, jeune femme assise sur le marche-pied de la roulotte.
http://www.bellier.org/les%20bijoux%20d ... /vue47.htmBon, je crois qu'il vaut mieux que je m'arrête là puisque je vous répète que ce n'est pas mon album préféré.
Vous allez vous dire : "Il est complètement
ce Cabarez."
Ben oui, je n'aurais pas choisi cet avatar, si je n'en étais pas convaincu...