Ce que je préfère du Sillage 3, c'est quand Nävis dit à la fin : Ça va passer. Le pire, c'est que ça finit toujours par passer...".
L'anecdote marrante pour ce scénar, c'est que quand on en a parlé avec Philippe au resto la première fois, c'est que je lui ai présenté l'idée en pensant que c'était un résumé de roman de sf que j'avais lu il y a longtemps. Mais il m'a dit que non, que je l'avais bel et bien inventé
Et pour dire que, pour nous, ça ne tire pas en longueur : on prépare des trucs dans les albums pour la suite. Exemple dans le 3, on prépare la révélation du 15. Regardez la page où Nävis est dans la tente après la nuit passée avec son amoureux, il y a une métaphore graphique assez précise sur la sortie de la tente.
Pour les choix des albums, on a toujours ce qu'il se passe ici : "Mon préféré, c'est le untel. Non, le untel. Ah non, le untel". Et ce depuis le 5, vraiment.
On a des gens qui ont détesté le 2, puis le 6, et le 8, et le 9, et le 11. Disant que c'était mieux avant. Mais au bout de quelques années, les albums sont réintégrés dans ceux qu'ils aiment bien alors que le dernier sorti, non, il est nul.
Comme je disais, je comprends très bien cette habitude / lassitude.
Je sais aussi que les histoires des premiers semblent plus marquées. Alors que non, chacun a vraiment sa spécificité. Mais comme on se penche plus sur la vie de Nävis, son évolution, ça peut sembler moins impactant. Je le sais très bien.
Pour autant, les tomes 8 et 11 sont très importants dans sa vie, et donc dans la série qui est centrée sur elle.
Le 8 car Nävis idéalisant les humains et voulait se montrer à la hauteur de ce qu'elle imaginait qu'ils étaient. Du coup, elle peut passer à autre chose après cette rencontre.
Le 11 pour lui apprendre que les choses peuvent se faire plus calmement, sans être totalement investie dans des choses qui lui sont extérieures, et aussi qu'elle ne peut pas décider de l'avenir des gens juste en pensant que c'est bien. Elle ne peut pas TOUT régler. le rythme plus calme de l'album est évidement voulu, et il parle tout de même en plein de Sillage : quel choix de société vont faire les gens qui vivent sur une planète que croise le convoi. Il y a une révolution et cette fois, contrairement au 3 et au 6, ce n'est pas elle qui mène les gens au combat car elle est plus mûre et a pigé que ce qu'elle trouve bon pour eux alors qu'elle n'est là que depuis quelques heures / jours, ne l'st pas forcément à long terme. Elle apprend à laisser les autochtones décider de leur destin.
Le 12 est une tentative narrative d'avoir le climax au début et des scènes plus contemplatives dans la suite. C'est une recherche sur comment écrire une histoire autrement que dans un schéma classique. Forcément un risque, mais dont le fond et la forme sont liés, puisque ça se passe dans un monastère.
Je peux parler du pourquoi de tous, car ils ont tous un sens très fort pour moi.
Et parfois, je sais même exactement pourquoi ils plaisent plus ou moins aux gens.
Parfois même, sûrement, je me suis planté, ou n'ai pas été aussi bon que j'aurais pu... C'est la vie, personne n'est toujours au top, dans sa vie. Si vous vous l'êtes toujours, félicitations.
Mais parfois aussi, si j'avais mieux réussi ce que je voulais faire, les lecteurs auraient moins aimé. Ainsi le 2, à sa sortie, j'ai eu plein de gens qui ne comprenaient pas l'enjeu de ce livre, car ils ne voyaient pas le viol ultime du Consul envers Nävis comme un thème fort, comme sauver le monde, ou trouver un coffre au trésor par exemple. Je reconnais que le livre n'est pas aussi carré que j'aurais pu, mais comme je le disais, si j'avais mieux réussi à christaliser mon thème central, pas mal de gens auraient encore moins aimé.
Pour le 19, il est basé sur un fait réel : la disparition quasi totale des noirs et le pillage de leur culture (comme le tango, par exemple), en Argentine. Avec une narration vraiment particulière, qui prouve quand même, j'espère, qu'on essaye toujours des trucs sur SIllage. Car on aurait pu faire un truc bêtement linéaire.
Bref, c'est en ça que faire une looongue série est passionnant. Avec tous les problèmes que cela pose.