jfmal a écrit:Plusieurs raisons à cela:
Ce trait ultra rapide et jeté est la signe d'une parfaite maitrise. Seules de longues années de pratique du dessin peuvent permettre cela, et encore pas pour tout le monde...
Ces couleurs souvent très osées, mais toujours inspirées et cohérentes démontrent elles aussi une parfaite dextérité.
Les traits constamment en évolution de Blueberry sont aussi le signe d'une vraie création de l'artiste. Ne nous y trompons pas, Giraud est bien entendu absolument capable de reproduire sans efforts des portraits à l'identique. Mais ce n'est pas le but de l'exercice. Ici, il s'agit plutôt d'un laboratoire de recherches dont le sujet est le visage de Blueberry.
Non, c'est du trucage, de l'esbroufe graphique, de l'illusionnisme. Je sais que c'est un point de désaccord entre nous.
Pour moi, tout est incohérent dans cette série de portraits. Giraud s'essaie à "démaîtriser" sa ligne mais n'y parvient pas. Il est prisonnier de sa précision. Alors il tente de la masquer, mais du coup, son tracé perd son sens. Sa mise en couleur tout autant, puisqu'il a perdu ses repères.
Cela fait illusion parce que peu de gens savent ce qu'est réellement un trait et le sens qu'il porte. Giraud a un tracé intellectuel. La spontanéité ne lui est pas naturelle, alors il doit recourir à une série d'artifices montmartrois qui séduisent peut-être ses collectionneurs mais n'ont pas grand chose à voir avec son vrai talent.
Jfmal, je m'étonne toujours qu'un amateur à l'œil aussi aguerri que toi se laisse prendre à ce jeu.
Sur ce dessin par exemple.
Giraud trace le contour des cheveux. Après, il repasse par dessus avec un ligne bleue. Quelle sens a-t-elle ? Pourquoi suit-elle scrupuleusement le tracé noir ? Graphiquement, rien ne l'y oblige.
Même question sur le contour de l'arrière de la tête qui semble vouloir donner une autre teinte aux cheveux et en même temps donne celle du manteau (!) et d'une partie de son col.
Puis on retrouve la teinte du bleu des cheveux dans la partie inférieure du col, un trait de pinceau qui suit la ligne noire suggérant la couture du col. Quel sens a cette couleur à cet endroit ? Aucun car elle échoue à suggérer une ombre ou même une couleur locale.
La mise en couleur du visage ressort de la même démarche. Le parti de jouer avec le blanc du papier est celui d'un débutant en cours de croquis. Je pose la teinte chair ombrée d'un côté et je supprime toutes les demi-teintes. Vieux plan. Et, là encore, la pose des couleurs suit scrupuleusement le tracé noir. Du coloriage déguisé en fausse spontanéité.
Evidemment quand on cligne des yeux comme tout dessinateur le fait spontanément à cette étape du travail, le procédé restitue la lumière et le relief. Mais on n'a pas forcément envie de regarder un dessin en clignant des yeux. C'est un principe qu'on utilise quand on réalise le dessin dans sa première étape, pour bien différencier les ombres des lumières. Là, c'est de l'automatisme. Du dessin malin. Giraud sait évidemment comment faire. Il s'arrête juste avant l'étape suivante.
Dans le col il laisse la teinte rouge se mélanger au bleu, ça donne un effet irisant sympa. Et il fait entrer du rouge sous la lèvre inférieure parce qu'il connaît les règles d'influence des couleurs les unes sur les autres.
Le fond est traité en zig zag de pinceau pour donner un genre inachevé et suggérer encore plus de spontanéité.
La qualité première d'un dessin, c'est sa cohérence et sa sincérité. Je suis désolé, mais je ne vois ici ni l'une ni l'autre.
Je pourrais continuer longtemps comme cela et entrer plus avant dans la tambouille du dessin, mais ça m'emmerde de démolir un travail en général et celui d'un artiste que j'admire en particulier.
Cependant, pour moi, il est flagrant que Giraud s'est égaré avec cette série qui signe le constat d'un échec artistique : il n'est pas un peintre, alors quand l'envie lui en prend, il s'amuse (?) à faire semblant.
Mais le dessin ci-dessus n'est pas le pire dans son genre.
Le pire c'est quand Giraud utilise les même trucs sur de très grands formats comme chez Art Ludik. Comme si le format changeait quelque chose, comme si on touchait là, soudainement, à la grande peinture.
Qu'il s'amuse dans des recherches personnelles est admirable, qu'il échoue parfois l'est tout autant, cela montre qu'il ne se repose pas sur ses acquis. Qu'il en tire un revenu est à mon sens beaucoup plus douteux. Giraud était-il naïf ou cynique sur ce coup-là ? Je me pose encore la question.