toque a écrit:Tu dis :
On ne peut pas faire comme si c'était acquis, c'est trop grave.
L'inverse est tout aussi vrai. On ne peut pas faire comme si c'était inexistant, c'est trop grave.
Ta remarque est intéressante, car je dirais, sans vouloir t'offenser, qu’elle est symptomatique d’une grave erreur intellectuelle.
Comment fonctionne la présomption d’innocence ? Ce n’est pas un principe arbitraire basé sur une indulgence émotionnelle ou sur la bienveillance, c’est un principe qui a une base rationnelle. Et sa base rationnelle, c’est un principe logique bien connu de tous ceux qui s’intéressent à l’épistémologie : la charge de la preuve. Le principe, c’est que
c’est à celui qui affirme l’existence de quelque chose d’apporter la preuve de son existence. S’il ne le fait pas, il n’y a aucune raison de considérer que la chose existe. Pourquoi cela fonctionne dans ce sens et pas dans le sens inverse ? Pourquoi on ne demande pas à ceux qui nient l’existence de quelque chose de prouver cette inexistence ? Tout simplement parce que si une chose existe, elle a quelque effet dans la réalité, donc une preuve s’appuie (directement ou indirectement) sur des éléments perceptibles dans la réalité. Ce qui n’existe pas ne produit pas d’effet et d’éléments perceptibles dans la réalité, il n’y a rien donc rien à montrer. On ne peut donc pas prouver une inexistence (et on a pas à le faire), ce qu’on peut prouver seulement, c’est l’existence de quelque chose. Voilà pourquoi, dans un État de droit, tant qu'une accusation n'est pas prouvée, l'accusé est présumé innocent par défaut.

Remarquez que les systèmes judiciaires des dictatures totalitaires fonctionnent exactement à l’inverse de ces principes : en Union soviétique par exemple, les accusés étaient souvent coupables par défaut, et devaient essayer de prouver leur innocence, ce qui constitue un renversement de la charge de la preuve.
(Je précise que lorsqu’on prouve l’innocence d’un suspect via un alibi par exemple, en prouvant que le suspect n’était pas sur les lieux du crime, on ne le fait qu’à partir de et en relation à quelque chose qui existe et dont on prouve l’existence, à savoir la présence du suspect dans un autre lieu au moment des faits.)
Dans les BD de Bastien Vivès, il n’existe pas, jusqu’à preuve du contraire, d’élément identifiable servant à susciter l’excitation sexuelle du lecteur. Ces BD ne peuvent donc être considérées comme pédopornographiques. Si les BD de Bastien Vivès devaient être considérées comme pédopornographique
par défaut (sans élément de preuve), alors
toutes les BD qui existent devraient être considérées comme pédopornographiques par défaut, ce qui est absurde, naturellement.
Ainsi, pour te répondre directement : non, l’inverse n’est pas tout aussi vrai. En l’absence de preuve, on doit effectivement faire comme si c’était inexistant. Sinon je pourrais aussi t'accuser arbitrairement (c’est-à-dire sans preuve, par caprice, vengeance personnelle...) de la pire horreur diffamatoire qui détruirait ta vie et ta carrière, et tu devrais être traité comme coupable par défaut jusqu’à ce que tu aies prouvé ton innocence. Cela serait illogique et injuste. En fait, plus l'accusation est grave, plus le besoin de preuves est important.