Electro a écrit:Ouais, encore les dire de Momo quoi, car pour un gars qui insiste pour être le seul scénariste de la série, qui fini son run en décembre 1989, et sort en juin 1990 le run de Gaiman... Ou alors être le seul scénariste pendant son run, et la encore plus normal de pas intégrer une back up d'un autre scénariste.
"Encore les dires de Momo", corroboré, je le répète, dans le même documentaire, par le rédac' chef de
Warrior dans lequel la série se publiait, et qui lui aussi évoque le refus de Moore qu'on touche à "ses" personnages. Après, le détail du contenu de la lettre, peut-être que Grant en rajoute une couche, ça, on ne saura sans doute jamais - encore que j'imagine totalement la phrase d'ouverture dans la bouche de Moore (
).
Par ailleurs, les dates que tu présentes occultent un fait important, c'est que
début 84, sur des questions de différends financiers avec Skinn,
Moore arrête purement et simplement de travailler sur Marvelman. Le dernier numéro de la série qu'il écrit pour
Warrior paraît en août. Il continue néanmoins
V pour Vendetta dans le même magazine. Lequel fait faillite un an plus tard, pour tout un tas de raisons - la principale restant que les ventes n'étaient tout de même pas terribles (Skinn finançait la majorité du magazine sur les bénéfices de sa librairie !). Skinn vend alors les droits d'exploitation outre-Atlantique. Ceux de
Marvelman atterrissent chez Eclipse Comics après un passage par la case Pacific, et ceux de
V pour Vendetta chez DC. Eclipse commence la republication, en couleur et sous le nouveau nom
Miracleman, en août 85. Et c'est à partir de 86 que Moore se remet à travailler sur la série pour le compte d'Eclipse, et achève son run.
Du coup, même si on peut comprendre que Moore n'avait pas envie qu'on reprenne les personnages qu'il avait abandonnés, reste qu'à moins de le créditer d'un don de prophétie, il ne pouvait absolument pas savoir qu'il reprendrait et finirait son histoire des années plus tard et de l'autre côté de l'Atlantique. Clairement, c'est dans l'intervalle entre le refus de Moore de continuer le titre et la faillite de
Warrior que se situe l'anecdote en question. Les mecs, déjà dans une situation financière pas glorieuse, ont un auteur qui refuse d'écrire. Ils voient débarquer un petit jeune (24 ans) avec une histoire courte qui leur semble prometteuse, et lui proposent de continuer là où Moore s'est arrêté. Quand on a ces quelques petits faits en tête, ça donne quand même une coloration un poil différente à l'idée que Moore veuille "être le seul scénariste pendant son run" et qu'il soit "normal de pas intégrer une back up d'un autre scénariste"
.
(On notera au passage qu'on peut créditer Morrison d'une certaine élégance à avoir respecté la volonté de Moore, alors que d'un point de vue légal et éditorial rien ne l'y obligeait...)
(...ce qui n'empêche pas que trente ans plus tard, étant donné sa propre carrière, d'une part, et l'état de ses relations avec Moore, d'autre part, je comprends parfaitement que quand Marvel lui a proposé de ressortir ce scénar' du tiroir, il est répondu de son plus bel accent écossais "oh et puis fuck, envoyez le chèque". )Quant au fait que Gaiman ait repris ensuite... Peut-être que Moore, ayant achevé son run, considérait qu'il avait dit ce qu'il avait à dire, et que du coup passer la main lui posait moins de problème... Et peut-être aussi le fait qu'il soit pote avec Gaiman et que celui-ci, en 90, soit un auteur reconnu (
Sandman débute en 88)...
Electro a écrit:Surtout que la back up en question...pour quelqu'un qui dénonce l'hyper violence de Moore...
Mais du coup, je commence à comprendre le début de l'histoire Momo/Moore, Moore qui es un peu le cap pour toute une génération de scénaristes comme Gaiman Ennis Ellis et Morisson, se faire rembarrer par le "père", avec un égaux surdimensionné comme Morisson, la preuve, 25 ans plus tard, il ne l'a toujours pas digéré.
Là encore faut remettre les choses en contexte.
En 84, Morrison a 24 ans. Moore et Morrison ont commencé à publier la même année (78), mais alors que Morrison (plus jeune de sept ans) continue plus ou moins en dilettante et se concentre sur son groupe de rock, Moore commence à aligner les chefs-d'œuvre. Quand Momo décide de se mettre sérieusement à une carrière de scénariste, il se prend
V pour Vendetta et
Miracleman dans la tronche et - oui - comme tous ceux de sa génération, il est fan.
Et comme une quantité innombrables d'artistes admirateurs d'un autre artiste depuis des siècles, ça l'influence (incroyable !). À ce moment-là il est loin de "dénoncer" quoi que ce soit dans ce que fait Moore. Il propose à
Warrior une histoire de Kid Marvelman, il propose à IPC
Fantastic Adventure qui repose sur le concept de trois super-héros dont les aventures se déroulent à différentes époques et chacune dans le style de l' "âge des comics" correspondant (là encore on devine l'influence de
Marvelman), il propose à Marvel UK des nouvelles illustrées sur les Captain Britain des Terres Parallèles que Moore avait inventés dans son run. Et puis rien de tout ça ne se fait, pour différentes raisons, Morrison passe à autre chose, se lance dans des projets plus personnels et son style et ses idées deviennent plus personnels aussi. Jusqu'à ce que fin 88 il sorte "
The Coyote Gospel" (
Animal Man #5) pour DC où il prend le contre-pied de la vague post-
Watchmen, et trouve sa propre voix (ou voie) (au choix), pour le coup à l'opposé de celle de Moore.
(Enfin à l'opposé... jusqu'à ce que Moore, dix ans plus tard, ne s'aligne dessus à son tour...
)