de nexus4 » 04/06/2023 23:41
Février 2027 : Le Laboratoire d'entomologie et de rétro-ingénierie génétique d'Ezhou (province du Hubei) annonce qu’un lot de 7 mouches HO34P s’est échappé. Il attire l’attention sur la très grande reproductivité de la souche et de sa résistance à tous les insecticides connus.
Septembre 2027 : L’OMS classe l’essaim d'Ezhou comme le plus grand péril de l’humanité.
Juin 2028 : C’est pour aujourd’hui.
Ils n’ont rien pu faire pour arrêter l’Essaim mais çà ils l’ont prévu avec précision : ce soir Angers sera un champ de ruine. La matinée radieuse s’est peu à peu assombrie à mesure que l'Essaim approchait. Toute fuite est impossible, les véhicules font les premières victimes. Les mouches s'engouffrent par milliers dans les habitacles par les systèmes de ventilation, les emplissent, piquent et pondent en même temps, furieusement. La moindre commissure, la moindre plaie, les narines, les yeux et les oreilles sont les réceptacles de leurs œufs. Les passagers meurent étouffés. Ils disent que ce n’est pas seulement la fin de l’humanité mais l'extinction de tous les vertébrés sur Terre. Les plantes aussi pourraient disparaître à mesure que la gangue noire tapisse les sols. Comme les cellules cancéreuses l’Essaim est éternel. Quand il ne restera plus rien le cannibalisme le rendra immortel, jusqu’à la fin des temps, jusqu’à la prochaine comète.
De ma fenêtre je vois les toits de la cathédrale en flammes. Dans leur effroi les gens ont tous le même réflexe : lutter par le feu, vivre quelques secondes de plus. C’est pourtant connu, ce sont les incendies autant que les insectes qui détruisent les villes. Tout le long de la Montée Saint-Maurice qui me fait face, des formes chaotiques dévalent les escaliers dans l’espoir de se jeter dans la Maine. Poursuivies par des d’improbables fumerolles noires, celles qui arrivent jusqu’à la berge font quelques pas sur l’eau avant de se faire happer par la gelée grouillante qui se dresse pour les engloutir.
Il y a une mouche sur le mur. J’ignore par où elle est rentrée. La baie vitrée s’opacifie à mesure que les insectes, par millions, viennent s’y agglutiner. J’entends le vrombissement de leurs ailes et ressens la pression infrabasse qui vous prend aux tripes. Depuis la chute d'Istanbul, je regardais la prolifération des disciples d’Ağlak avec amusement. Une nouvelle église, il était bien temps. Mais maintenant qu’Il est devant moi, comment ne pas ressentir la puissance de l’Essaim, ne pas y voir le bras du châtiment divin ? Elles sont dix, vingt, cent maintenant, accrochées au plafond, comme des éclaireuses. Maculant le plâtre, elles attendent. Il n’y a pas d’issue. Si je ne peux choisir ma mort, je refuse de céder à là terreur. Avant que le verre n'explose il ne me reste qu’à ouvrir la fenêtre et, sans cris, accueillir la sentence avec dévotion, bouche béante.