Pyongyang
Résumé: Après Shenzhen, Guy Delisle a poursuivi son travail nomade d'animateur à Pyong Yang, capitale de la Corée du Nord. Si ses sentiments vis à vis d'un pays totalement étranger se retrouveront d'un livre à l'autre, Pyong Yang présentera en outre l'intérêt de donner des informations sur la vie quotidienne d'un des pays les plus secrets du monde.
Un apercu du style:
Images: © ASSOCIATION (L') - Delisle / Delisle
Un style simple mais efficace en plus d'être très agréable à lire.
Je rapelle aussi que monsieur Delisle est un dessinateur québéquois résidant en France, et comme vous l'avez sans doute compris, il officie aussi dans le monde de l'animation où il a déjà supervisé sur le terrain, en Asie notamment, la sous-traitance de productions françaises pour le compte des boîtes de productions et des grandes chaînes françaises.
Avis : L'auteur nous délivre avec un humour féroce et un sens de l'observation bien acéré son séjour (deux mois) dans un pays qui fait l'objet de moultes fantasmes dans le reste du monde et reciproquement.
Tout y passe, de l'arrivée à l'aéroport, les nombreux passages obligés pour épater les visiteurs étrangers, les tout aussi nombreux interdits difficilement compréhensibles, les démonstrations de pouvoir pathétiques à souhait, ainsi que la vie dans le microcosme des ONG (la Corée du Nord absorbant en effet plus de la moitié de l'aide alimentaire mondiale à elle seule !).
Mais aussi l'on entre dans les coulisses du petit monde bien particulier de la sous-traitance de l'animation en Asie qui vaut lui aussi son pesant de cacahuètes, car même pour ceux qui ne sont pas dupes à ce sujet, l'on est loin d'être au bout de nos surprises.
Bien entendu, en dehors des nombreux secrets de polichinelles que l'auteur balaye sans ménagement, l'on y est loin de faire des révélations francassantes, étant donné que ce dernier ne fait jamais que narrer en toute humilité son point de vue et sentiments d'étranger de passage, dont les moindres faits et gestes sont consignés, ne pouvant strictement rien faire ou presque sans son guide et son traducteur (et oui deux personnes rien que pour lui sans compter le chauffeur attitré !!!). Néanmoins, cet état des lieux nous en dit long sur la situation du pays. Et quand arrive la fin du bouquin, l'on en sort avec un sentiment partagé, ne sachant si l'on doit en rire ou en pleurer, tant les efforts incessants des officiels pour en donner plein la vue aux étrangers nous offrent un spectable pathétique flirtant avec un surréalime quelque peu nauséabond et ne fait que renforcer notre empathie pour un pays qui s'enferme lui-même dans sa propre bulle de mensonge soigneusement cultiver depuis plus de 50, bulle où le pouvoir d'embrigadement et la force de la propagande des masses feraient palîr de jalousie les plus grands tartuffes et affabulateurs de la planète.
Heureusement, l'humour, omniprésent durant ces 178 pages, transcende tout ceci, donnant ainsi tout sa dimension à son oeuvre, en évitant de sombrer dans le misérabilisme en ne se prenant pas au sérieux, rappelant à tout un chacun qu'il ne s'agit en aucun cas d'un documentaire signé "Arte Production".
N'empêche que, au travers du constat que le dessinateur nous soumet dans les dernières pages, l'on ressort avec un curieux goût dans la bouche, celui de l'amertume.
Soundjata, le 10/02/2004