Merci Zourbi pour la réponse au "HS". Je vois effectivement mieux ce que tu veux dire.
Que Yann ait son univers, tant mieux pour lui... mais Spirou aussi. Je suis loin d'avoir lu toute l'œuvre de Yann (je viens de jeter un œil dans la bédéthèque, l'est pléthorique le bonhomme), mais de ce que je connais, c'est clairement dans
Le Groom vert-de-gris qu'il va le plus loin dans le sens que tu décris. Et c'est un peu dommage qu'il est juste choisi un OS Spirou pour développer ça.
On parlait un peu plus tôt du "parfum" des Spirou des années 50. Sans vouloir bloquer à jamais la série à ce qu'elle était alors, il me semble que dans les années 90 Tome & Janry ont su faire évoluer assez "naturellement" le personnage et son univers vers une vision plus moderne (déjà telle que ce que tu décris pour les OS il me semble), quelque chose d'un peu plus "musclé", un peu plus sexy
(oooh Lunaaaaa...), un peu plus sombre, plus "réaliste" si on voudra encore que ça me semble beaucoup dire et, surtout, pas le problème, mais enfin bref un univers qui n'est certes plus, au final, celui des albums de Franquin ou de Fournier, mais qui reste quand même bel et bien l'univers de Spirou. Un personnage qui peut certes s'embarquer dans des aventures dangereuses, faire le coup de poing à l'occasion pour se défendre, mais cherche plutôt l'apaisement des conflits, dans un certain idéal de justice, d'ordre (relatif) et de modération sympathique. Cette constante, c'est (pour moi, mais apparemment je ne suis pas le seul) ce qui définit l'
identité de Spirou. Que Corto Maltese fasse exploser une bombe dans un poste de police anglaise en Irlande avec ses occupants à l'intérieur, ça ne me choque pas car c'est cohérent avec le caractère du personnage et le contexte général de l'œuvre. Que Spirou fasse brûler vifs des soldats et ironise devant ce spectacle, pour moi c'est la sortie de route. On peut ne pas apprécier la "définition" de Spirou que je proposais plus haut, la trouver un peu naïve, trop gentille, mais alors on fait autre chose, on ne dit pas qu'on fait un Spirou. Que je sache, quand le même Yann a repris le Marsupilami, il ne s'est pas cru obligé de le rendre accro aux piqures d'héroïne et de lui faire finir ses jours dans un bordel palombien.
Par ailleurs, comme je le disais, c'est un album auquel je trouve aussi plein de qualités : l'histoire est prenante, les relations entre les personnages bien explorées et menées, on ne s'ennuie pas une minute, la progression générale de l'intrigue est plutôt bien construite (même si je suis moins convaincu par ce qui se passe après le saut de trois années en avant), et côté dessin, celui d'Olivier Schwartz, une fois qu'on rentre dans cet univers graphique, est excellent dans son genre : personnages, attitudes, mouvements, décors... C'est juste que j'ai l'impression que Yann a voulu donner à la fois
- dans un registre "léger", ludique -> faire un "Spirou et Fantasio", les aspects fantaisistes qu'il développe (du Fantaérosol aux chauves-souris...), l'immersion dans un univers revisité par les innombrables références BD (même si trop c'est trop, mais c'est un autre débat) ;
- et dans un registre "réaliste", sombre -> la violence physique comme dit plus haut, et verbale (les innombrables propos sur les "boches", les "sales fridolins" et autres "doryphores"... la répétitivité de l'insulte en guise de gag est lourdingue).
A la différence d'un Bravo qui a su
à la fois respecter le côté "léger" et "naïf" de son
ingénu et introduire dans la trame des motifs plus sombres et mélancoliques, j'ai la sensation que Yann a voulu pousser si loin chacun de ces deux principes antithétiques, qu'il était impossible de les faire coller ensemble au bout du compte.