Bon, je vais répondre dans l'ordre, et très sincèrement, parce que je suis adepte de plein de trucs, sauf de la langue de bois.
D'abord, merci pour tous les petits mots sympa.
Ensuite, et bien c'est amusant de voir tout ce qui transparaît de la personnalité de chacun dans ce type de réaction.
On voit très bien les optimistes, et les autres.
Alors voilà, je reprends : Kris (le scénariste), le directeur de collection, et moi-même, avons décidé de changer de format pour plusieurs raisons. D'une part, comme l'a dit Blueskin Pierre (très lucide), les deux premiers tomes avaient la lourde charge de planter à la fois le concept, l'univers, les personnages et deux réalités différentes, tout en racontant une première histoire, ce qui représentait quand même beaucoup de choses.
Kris, de mon point de vue, a fait un boulot magistral, tout en évitant les pièges des premiers tomes de "mise en place", et réussi, au final, à obtenir un premier diptyque franchement dynamique.
Malgré cela, on s'est rendu compte que 92 pages, c'était beaucoup pour des fans de l'ellipse et de l'écriture dynamique comme Kris et moi-même. Et surtout qu'un an d'attente pour le lecteur entre le début et la fin d'une histoire, c'était trop.
D'autre part, si nous nous sommes lancés dans une série sur les voyages temporels, c'est, à la base, et de manière très logique, parce que nous avons très envie de voyager dans le temps
!
Or, à raison d'une époque par album, au lieu d'une époque pour deux albums, si je compte bien (mais je suis nul en math), ça fait deux fois plus d'époques, donc deux fois plus de plaisir, pour nous (parce que oui, je fais de la BD avant tout pour amuser le lecteur qui est en moi) (et n'en branle pas une), et pour les lecteurs qui ont les mêmes envies.
D'autre part, comme l'a dit thyuig, "le modèle fondamental de ces albums, c'est Astérix ou Spirou : une histoire qui démarre avec un background connue mais qui se tient en un album."
Et là je dis : FARPAITEMENT !! DANS MES BRAS !
Tout ça fait que non, on n'a pas eu tant que ça besoin de tailler dans le gras, 54 pages (et non 52), c'est amplement suffisant pour développer une bonne histoire.
Et pour rassurer Blueskin Pierre, oui, bien sûr qu'on va continuer à développer ce qui a été planté dans les tome 1 et 2, d'autant plus en changeant régulièrement d'époque, parce que c'est au contact de chaque nouvelle mission que les personnages vont pouvoir se révéler, et les intrigues se tisser.
A dire vrai, on s'est même offert le luxe de rajouter des inconnues aux équations. Mais là, vous pouvez toujours courir pour que je vous en dise plus.
Alors maintenant, concernant les "achats compulsifs" qui n'en "seront pas parce qu'on me la fait pas à moi" : personnellement, j'en ai rien à battre.
Je ne bosse pas un an comme un malade sur un album pour que le lecteur achète cet album comme il achèterai un rouleau de PQ.
Notre but, à Kris et à moi, c'est de prendre le lecteur et de ne pas le lâcher, de lui en mettre plein la gueule, et de faire en sorte qu'il accroche à la série parce qu'elle le fait tripper. Point barre. Soit on réussi, soit on échoue.
Mais si un simple changement de format réussi à faire peur à un lecteur avant même qu'il ait eu le résultat sous les yeux, personnellement, moi, c'est la notion d'"achat compulsif" qui me fait flipper.
Enfin, concernant le fait que ce changement soit révélateur du fait que "(...) les ventes ne seraient pas conformes aux attentes (...)" :
Oui, la période est difficile. J'espère que je ne vous apprends rien. Oui, lancer une nouvelle série, c'est un boulot de titan. Pour les auteurs, et pour l'éditeur. On paie tous les dégâts causés par les arrêts successifs de séries à peine commencées. Ceci étant, compte-tenu du contexte, on est plutôt content des résultats des tomes 1 et 2. Pas de quoi envisager l'exode fiscal au îles Bikini, mais suffisamment pour continuer à y croire. Et l'éditeur, lui aussi, fait tout ce qu'il peut.
D'autre part, le tome 4 ayant été prévu dès le début du travail sur le tome 3, le changement de format n'est pas du à un arrêt programmé.
Maintenant, une chose est sûre : ce sont les lecteurs qui ont les cartes en main. S'ils décident de se méfier et d'attendre le tome 36 pour commencer la série, ou de se contenter de lire la série dans Spirou, soyons clair, son espérance de vie sera restreinte.
Ce genre de réalité est dure à vivre pour les auteurs, ça implique de pouvoir, d'un certain point de vue, se faire lourder du jour au lendemain, sans indemnité, sans porte de sortie. La seule protection sociale de l'auteur, c'est son aptitude à la survie, et au changement. Aucune entreprise ne réussi à fonctionner autant sur la loi de la jungle que le marché de l'édition.
Mais on l'accepte.
D'une part parce qu'on a pas le choix.
Mais surtout parce que le lecteur est, effectivement, définitivement, le destinataire final.
Même s'il existe des tas de réglages pour faire en sorte qu'un album trouve son public (ou plutôt que le public trouve l'album, en fait, vu la surpopulation qui règne chez les libraires), c'est pour le lecteur qu'on bosse. C'est pour lui qu'on raconte des histoires. C'est à lui qu'on a envie de faire plaisir. Même quand l'auteur se fait plaisir, c'est au lecteur qui est en lui qu'il pense.
La "sanction" du lecteur est donc à la fois logique, et indispensable.
Ceci étant, qu'un lecteur, par peur, ou par préjugé, envisage de donner la sanction avant même d'avoir lu le bouquin, ça a quand même un peu tendance à me gonfler.
Alors de grâce : on n'a pas l'intention de vous faire les poches. Vous pourrez lire l'album dans Spirou, vous pourrez attendre de le trouver en bibliothèque, vous le faire prêter... Donc si vous n'êtes pas encore convaincu par cette série, vous avez plein de moyens pour découvrir le tome 3 sans l'acheter. Donc lisez-le d'abord, et n'achetez-le QUE SI VOUS AVEZ AIMÉ.
Et si vous aimez cette série, on compte effectivement sur vous pour acheter les albums.
Mais pitié, ne commencez pas à tirer des plans sur la comète à coups de théories du complot avant même sa sortie, comme si les auteurs en voulaient à votre portefeuille.
Je n'ai pas l'intention de bâtir ma carrière (et donc accessoirement ma vie) sur des achats compulsifs.
Je veux bâtir ma carrière sur des lecteurs.
Sur du plaisir.
Sur de la qualité.
Croyez-moi, je suis un mec plutôt adroit, très patient, et extrêmement minutieux.
Si j'en voulais à votre portefeuille, il serait déjà dans ma poche.