Ok, puisque j'ai du temps, faisons long!
Alors, je préviens, dans la longue suite de ce message, je vais simplement exposer mon avis à moi sur lquestion, illustré par mes humbles travaux. Donc si ça fait trop nombriliste, désolé d'avance!
Vous adhérez ou pas après!
Alors, il y a qq mois, ZoeTang avait dit:
Il faut également prendre en compte le fait que l'encrage permet de masquer des lacunes de traits, de simplifier le dessin et de parvenir à une production "industrielle" en matière de manga par exemple.
Personnellement, je trouve cette idée comme quoi l'encrage permettrait de masquer des lacunes de traits complètement fausse. Voir surréaliste. Si c'était vrai, tout le monde ferait de l'encrage N&B, on serait tranquille.
Pour moi, l'encrage c'est le top, la preuve qu'on sait ce qu'on dessine, et qu'on a compris ce qu'on voulait dessiner.
Il y a un côté pur, définitif, dans le trait encré, ce fameux trait, qui est la quintessence du dessin, histoire d'être grossier avec de jolis mots.
Alors oui, l'encrage, c'est dur. Tout le monde le dira, et tous les dessinateurs ne sont pas égaux devant l'encrage.
Crayonner un dessin, c'est facile, l'encrer, c'est une gymnastique exigeante. Mais le trait demande cet effort.
Cet idée du trait, elle a "soutenue" la bd pendant de longues années. Les auteurs de l'âge d'or (franquin, uderzo, macherot...) ne considéraient le dessin narratif, pour la bd, que sous la forme du trait, la couleur venant après, et le crayonné n'étant qu'une répetition. Il suffit de voir une planche d'uderzo, de franquin, de macherot, de caniff, pour voir que ce trait, encré, se suffit à lui-même.
Avec l'irruption de la bd dit adulte, en gros métal hurlant, on est passé à la couleur directe, ce genre de truc, mais par des auteurs qui ne rejetaient pas le trait. Ils tentaient d'autres voies, mais ne rejetaient pas ce qu'ils avianet avant.
On a parlé avant d'une vidéo de Giraud, c'est un exemple intéressant. Sous le nom de giraud, il a un encrage classique, sous le nom de Moebius, il a su développer une spontanéité, une liberté dans son trait qui est effrayante. Sur planche de Blueberry, on sent le travail de composition, de mise en place, on sent l'effort lié à l'encrage. Quand il devient Moebius, il apparaît une facilité de dessin, au trait, encré, qui fait peur.
Maintenant, ces dernières années, sont apparus deux phénomènes.
[*] En premier, cette école (sfarr en tête), où l'on a cherché à rejeter le trait.
C'est la théorie où l'on affirme qu'on peut offrir aux lecteurs un dessin où le trait n'est pas définitif, cad du crayonné, du gribouillis (sans rabaissé le résultat), toute cette école de gens qui ont à un moment offert un dessin qui n'avait pas le côté achevé qu'on connaissait avant. Le fondement de cette théorie, c'est dire que l'oeil du lecteur peut de lui même trouver le dessin juste, faire la transposition entre un dessin brute, et ce qui en serait de sa version encré, au trait. Ce qui me gêne dans ce mouvement, c'est le rejet du trait déjà, car ok pour aller voir ailleurs, mais pourquoi fermer une porte, rejeter qq chose ? C'est une attitude que je ne comprendrais jamais. Qu'on ne soit pas intéréssé ok; mais qu'on rejette, bof. Ensuite, ce mouvement a draîné tout un tas d'auteurs qui ont cru qu'on pouvait faire de la bd sans savoir dessiner, faisant un raccourci malheureux et croyant que des types comme trondheim ou sfarr ne savait pas dessiner... Bref, des types qui ont compris de travers et qui ont pensé qu'on pouvait gribouiller et que ça passait pépére..
[*] en deuxième, il ya la révolution informatique, notamment au niveau du scan, qui permet de travailler plus facilement un dessin crayonné, pour en faire ressortir un dessin "acceptable". Avec les contraintes actuelles, les pressions pour sortir des albums rapidement, certains auteurs sautent l'étape du trait. Ca donne le lincoln 4, alim le tanneur, cheri bibi et plein d'autres choses.
Tous de bons albums, mais qui pour moi manquent d'un petit qq chose, de ce fameux trait qui asseoit définitvement le dessin.
En même temps, la couleur informatique, telle qu'utilisée actuellement, permet elle de masquer certaines lacunes (contrairement à l'encrage qui les révele).
Le dernier lincoln pour moi est une horreur question couleur, il y a plein de scènes où la couleur des visages "gâchent" ou "masquent" le trait, le dessin. Ca, à titre personnel, c'est un truc qui m'énerve pas mal.
L'exemple contraire, c'est le dernier Gihef prépublié dans BoDoï. Pour un oeil pas trop avisé, la couleur n'a peut-être pas l'air intéressante, mais elle sert complètement le trait. Sur son blog, si on compare ses planches N&B avec les planches colorisées, on ne perd rien de la force du trait, et là ça met vraiment le travail du dessinateur en valeur.
Bon, il ne faut pas cracher sur la couleur informatique. Un gars comme Tony Valente a réussi à me convaincre, sur sa série, sur ses couleurs pour l'asterix de carrére et le projet spirou de léturgie, qu'on pouvait avoir un encrage vraiment typé informatique au service du trait encré.
Dans les dessineux actuels, ce qu lisent le forum régulièrement connaissent mes goûts, mes chouchoux:
[*] léturgie, tarrin, bonhomme, brüno entre autres.
Point commun, ce sont des gens qui encrent, et très bien selon moi (et pas assez bien selon eux je suis sûr...
)
(Comme encreur de haut niveau, il faut citer krings aussi, dégoutant ce qu'il fait avec un pinceau ce gars là...)
Maintenant, pour illustrer mon propos, un résumé de mon post, et qq exemples de ma main à moi.
[*]Pour moi, un crayonné, c'est une étape simple du dessin, un moment où l'on cherche qq chose, qu'on accumule des traits au crayons, qu'on repasse, qu'on gomme, etc... Effectivement, ça a du dynamisme, c'est plaisant à faire, mais pour moi, ce n'est pas "abouti", il manque un côté définitif, assumé au dessin.
[img]http://photos1.blogger.com/blogger/7268/1966/1600/2006_0412.jpg[/img]
[*]Après il y a l'encrage. C'est l'étape la plus dure, le vrai challenge pour moi du dessin. retrouver la dynamisme du crayonné, en imposant LE trait, le choix définitif, le dessin.
Et là, j'ai encore pas mal d'années pour arriver à qq chose de satisfaisant.
Sur l'encrage du crayonné précédent, on voit que je perds énormément en dynamisme. (et je parle pas de mes décors...)
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Un truc mieux réussi:
Ensuite pour la couleur, moi je fais simple, c'est vraiment pas une étape qui me passionne... mais j'essaie de ne pas casser mon trait.
[img]http://dadavibran.free.fr/Spleen/Spleen_H009.jpg[/img]
Voilà, c'était ma vision du trait, on peut relancer le débat!
Apparté:
Pour en revenir au manga, l'aspect production industrielle du manga n'est pas du à l'encrage, c'est encore une idée fausse pour moi.
Sur le peu que je connais, les mangakas sont de très bons encreurs à la base. Le gain de temps se fait sur le nombre de personne travaillant sur une planche (décor, persos, lettrages, etc...), et sur la composition, les fameuses lignes de directions à la manga, et les trames partout.