Jimbolaine a écrit:Ici, je ferai argument d'autorité en citant Jean-Claude Zylberstein, l'homme derrière les collection "Domaine étranger" et "Grands détectives". Il disait, il y a des années, chez Jean-Luc Hees sur France Inter, qu'il y a deux sortes de traducteurs, ceux qui collent à la lettre et ceux qui collent à l'esprit. Et que, si les deux sont légitimes et obtiennent des résultats de qualité, il préfère travailler avec les seconds. Car pour lui, un texte, c'est essentiellement des émotions et des idées, plus qu'une grammaire ou des effets de style. Bien sûr, cela peut se discuter, et le monde ne se divise pas en deux catégories aussi simplistes, mais ça constitue deux axes de travail (qui peuvent s'avérer parfois complémentaires).
D'une certaine manière, je pense qu'un bon traducteur de BD est avant toute chose un lecteur assidu de BD qui parle anglais, et non un diplômé de fac de langue qui se met à la BD.
Mais ça n'engage que moi.
Jim
Histoire de rajouter de l'eau à ce moulin, je suis en train de lire un livre que j'avais infiniment de mal à comprendre :
Ainsi parlait Zarathoustra (oui, jme la pète

).
Comme c'était franchement imbuvable, je suis allé faire un tour sur Internet histoire de trouver des explications de texte. Je suis finalement tombé sur la page Wikisource qui reprend le texte intégral en ligne, et c'était une autre traduction. J'ai commencé à la lire... Miracle ! Chaque phrase avait du sens, je comprenais !
Le traducteur de la version Folio Essais avait privilégié la forme (je ne lui jette pas la pierre, traduire de l'allemand, surtout en philosophie, c'est du suicide), tandis que le traducteur des Oeuvres complètes de Nietzsche (que reprend Wikisource) avait privilégié le fond.
Pour vous donner un exemple :
Folio :
Ô mes frères, il est des tables que fit la lassitude, et des tables que fit la paresse, la pourrissante ; encore qu'elles tiennent même discours, d'autre façon veulent être entendues
Oeuvres complètes :
Ô mes frères, il y a des tables créées par la fatigue et des tables créées par la paresse, la paresse pourrie : quoiqu’elles parlent de la même façon, elles veulent être écoutées de façons différentes
Cela dit, chaque traduction me paraît valable : la première reprend le phrasé ampoulé, emphatique de Nietzsche, tandis que la seconde est plus proche de son esprit.
Après, tout dépend de l'auteur : quand l'importance du texte repose sur le style de l'auteur (Perec, Céline, Alan Moore...), c'est un casse-tête de traduire. Quand le traducteur adapte une oeuvre dont l'importance repose sur l'histoire qui est racontée (comme beaucoup de comics, beaucoup d'écrivains...), c'est sans doute plus facile de trouver des adaptations pour respecter l'esprit de la chose, sans traduire mot à mot.