de Kieffer » 09/02/2011 12:08
Mon avis personnel, volontairement moins étoffé que celui sur Block 109 mais tout aussi enchanté :
Soleil de Plomb : Ils sont de retour, et ils ne sont pas contents ...
Après la semi-déception d'Etoile Rouge où j'avais eu l'impression que quelque chose avait été perdu en route, je retrouve pour un nouvel album, Soleil de Plomb, le duo d'aventuriers du premier opus, et visiblement, comme Obélix, ils sont eux aussi tombés dans la marmite de potion magique étant petits.
Là où je peinais à voir le souffle épique prévaloir dans le précédent opus, j'ai ici été porté par le récit que j'ai dévoré d'une traite. Pas de retour en arrière pour comprendre un évènement, pas de difficulté à reconnaître un personnage, tout est fluide et s'enchaîne bien.
Le scénario, inventif et résolument de retour sur les terres de l'uchronie grandiloquente, est bien ciselé et nous fais parcourir les jungles moites du Congo à hauteur d'épaule de ces soldats et héros (ou antihéros) allemands. Les personnages sont charismatiques, on apprend vite à les haïr ou a vibrer pour eux, même si généralement dans ce tome je souhaitais plus souvent les voir échouer que réussir espérant un magistral coup d'audace du Colonel Leclerc pour remettre sur le plan de la réalité ces bons aryens.
On voyage, de Platoon à Apocalyspe Now, de We were soldiers à Full Metal Jacket, le Congo est bien le Vietnam de la seconde guerre mondiale hormis le teint de peau de certains opposants plus marbré que bronzé.
Il souffle un petit côté mystique sur ce périple, la jungle prend vie, on devine derrière ces buissons et dans cette forêt soudainement silencieuse les masques de soldats ennemis progressant en silence à l’affût du moindre faux pas.
Encore une fois, les leaders allemands, contrairement à ce que l'on semble deviner de leurs adversaires, ne lésinent pas à la dépense, matérielle ou humaine, le taux de pertes devant faire regretter à tous ces fantassins, croisés au service d'un régime lointain, de ne pas être actuellement sur le front de l'Est qui semble bien représenter une sinécure face à ce qu'ils vivent.
Le retour d'anciennes têtes fait instantanément le lien avec le premier opus ayant posé les bases de l'univers, et là encore creuse un peu plus le fossé avec Etoile Rouge de mon point de vue.
Mais trêve de compliments sur le scénario, notre estimé coreligionnaire Vincent ne devant plus pouvoir passer les portes de son humble masure faute à une partie de son anatomie ayant enflé (non, pas celle là bande de pervers), il est temps de flatter l'autre cheville ouvrière du duo. Si Monsieur Brugeas est la tête, il revient maintenant de s'intéresser aux petites mains besogneuses qui ont dessiné et storyboardé cet album.
Et du point de vue du dessin de Ronan, c'est là aussi une franche réussite.
Ce qui m'a le plus marqué, ce sont les couleurs. Déjà dans Block 109 j'avais aimé cette ambiance majoritairement bichromatique toute en nuances alternant entre le noir et le rouge avec quelques pointes de jaune venant relever le tout. Dans Etoile Rouge, là aussi c'était très mature et bien utilisé.
Et bien dans Soleil de Plomb on franchit un nouveau cap, je ne parle ici que de ressentis après une lecture rapide, n'ayant pas encore repris l'ouvrage pour une analyse plus pointue, mais j'ai vraiment voyagé, oscillant entre le jour et la nuit, la moiteur humide de la jungle et la rocaille sèche d'une carrière.
Si les couleurs sont bien maîtrisées, le dessin gagne lui aussi en efficacité, les poses sont plus dynamiques, les traits de construction parfois "oubliés" dans Block 109 se sont fait moins présents et le trait gagne en finesse.
Les graphismes sont simples sans être simplistes et servent bien le récit lui apportant cette touche d'humain, par le biais notamment des expressions faciales bien senties, ou de résolument bestial, par l'attitude et les postures des personnages, liés par l'usage intelligent des effets de style propres à la bande dessinée.
Globalement donc, une réussite de plus à mettre au crédit de l'esprit de ruche dictant les actions du duo de compères dessinateurs.
Bien sur il y a encore matière à pinailler sur certains points, mais cela relève plus du détail et évoluera sans doute au fur et à mesure de la maturité acquise, la prestation offerte étant de très bonne qualité et au vu du prix raisonnable de l'ouvrage, je ne me suis pas senti scénaristiquement, graphiquement ou financièrement lésé une fois l'ouvrage reposé sur le bureau devant moi.
Une seule chose à dire : vivement la suite !