de LEAUTAUD » 06/11/2015 18:13
"Vieux motard que j'aima" j'ai acheté et lu le bouquin, petit compte-rendu :
En refermant l'ouvrage une idée force s'impose, les auteurs ont balayé large la période !
Certes, il s'agit bien du procès Pétain, mais c'est toute la guerre qui défile, tous ses acteurs de premiers plans, tous les évènements concernant la France.
Ne serait-ce que sous cet aspect je considère l'entreprise bienvenue, l'historicité prime l'anecdote.
Outre l'heureux rafraîchissement des connaissances sur le sujet (j'aurai rêvé d'avoir un livre d'Histoire conçu comme celui-ci quand j'étais lycéen)j'estime que le dessinateur-adaptateur s'en tire avec les honneurs, grâce au renfort de ses contrepoints humoristiques (avec la "cup of tea" de Churchill, qui maniait d'ailleurs bien l'humour, et le "journal " revanchard de Pétain, préalablement élevé sous Napoléon III, ne l'oublions pas).
Peu de pesanteurs dans cet enfilade de dépositions, la matière reste passionnante, et le dessinateur brise la monotonie qui guette avec ses trouvailles graphiques (l'ombre de de Gaulle, comme l'a déjà relevé Nexus, ou la robe de revenant fantomatique dont sont habillés les membres de l'association de défense de la mémoire du maréchal ! Et encore cette mention des "directeurs de cabinets" dans le Vichy où les chiottes et les salles de bains étaient transformés en bureau).
Il y a un passage extraordinaire, presque comme un petit album supplémentaire inséré dans l'ouvrage, c'est le passage concernant Pierre Laval (pages 98 à 115), un modèle d'équilibre sur un sujet très complexe et propice aux simplifications expéditives. Là, la complexité est restituée, avec une page d'anthologie, la "danse avec le diable" ! (juste un petit détail, il aurait été bon de préciser que la profession de Laval était avocat, ce qui explique quelques aspects).
Je suis sensible à l'exactitude historique (et même quasi maniaque), et un ouvrage d'une telle ampleur (140 pages) ne pouvait échapper à quelques inexactitudes et approximations. Certaines sont objectives: le président du tribunal est Paul Mongibeaux, et non Louis (page 15), la date de demande d'extradition de Laval est le 9 mai 45 donc antérieure à l'ouverture du procès Pétain (page 13). D'autres relève du domaine de l'interprétation des évènements : Blum "n'accorde" pas des avantages sociaux, il y est "contraint" par les grèves (page 67), l'animosité envers Pétain ne grandit pas avec les révélations de sa politique, mais bien davantage avec le retour des déportés, prisonniers, STO (page 91)
Fallait-il évoquer l'épisode du Massilia (absent) ? Je pense que oui. Mais c'est une remarque incidente.
Cet album est une réussite, d'autant plus méritoire que la barre était fixée haute ( les historiens continuent de s'empailler sur le sujet), l'adaptation en bande dessinée est une performance.
Combien de films documentaires historiques (ici celui de Philippe Saada) ont-ils été transposés ? Aucun ne me revient en mémoire. Il y a donc ici quelque chose de novateur. Le travail de Sébastien Vassant me fait penser, toutes proportions gardées, à celui que Tardi du opérer à partir des textes bruts que lui avait livré Jean-Patrick Manchette pour "Griffu".
Un long travail de découpage !
L'auteur annonce un projet sur la guerre d'Algérie avec Benjamin Stora, mais j'ignore s'il s'agit d'un bouquin ou d'un album. Je suis preneur, quelque soit la forme.