de Mr Degryse » 31/10/2012 10:55
Je remets ma critique de chroniques outremers car il faut lire cette trilogie skreugneugneu:
Cela faisait un petit moment que je tournais autour du tome 1 mais un feuilletage rapide m'avait fait peur. Pas beaucoup de texte. J'appréhendais une lecture trop rapide, 5 minutes et puis c'est tout.
Finalement avec la sortie du tome 3, j'ai craqué. Bien m'en a pris. Certes, le défaut que je craignais est là mais avec 3 tomes à lire cela passe mieux. De plus, il y a le temps de lecture effectif et la marque que laisse cette lecture dans notre tête. Pour moi, cette empreinte est grande. Le pouvoir d'évocation du dessin, la puissance de l'intrigue pourtant minimaliste ont fait que quand je ferme les yeux c'est à cette bd que je pense.
Est ce la peur que je ressens dès que je suis sur un bateau qui fait que les récits de marine me plaisent tant? Aucune idée.
Des lecteurs ont signalé une parenté de cette bd avec Corto Maltese. Elle est effective et assumée par l'auteur ( un des marins est un clone de Corto enrobé). Cependant, j'y vois surtout des traces des romans de Henri de Monfreid et de Jack London ( Le loup des mers). Pour les aventuriers, il n'y a plus de continents à découvrir. L’Aventure c'est la mer. On n'est plus des pirates mais des contrebandiers. On fait sa loi sur son bateau. La guerre est là. On en profite. On fait des affaires avec qui paie le plus. Tant pis pour la morale. Le Floc'h campe des personnages intéressants et absolument pas manichéens. Ils sont même souvent plus horribles que sympathiques. Ainsi, plusieurs scènes du tome 1 font froids dans le dos.
L’histoire n'est pas follement originale et la trame générale fait preuve d'une certaine langueur juste secouée ( je me répète) par des épisodes assez violents. Il s'agit juste d'une invitation au voyage très bien menée. Le découpage et la fluidité du récit sont exemplaires. On reconnait bien là le passé de storyboarder de Le Floc’h.
Enfin, revenons au dessin. Je ne connaissais pas Le Floc'h. C'est une belle découverte. Au départ, le dessin paraît simpliste mais progressivement son pouvoir d'évocation fait effet. Certaines planches sont proches de tableaux abstraits. Il réussit l'exploit d'évoquer les tempêtes, le soleil qui se couche à l'horizon avec 2 couleurs et très peu de traits.
Le tome 3 est le moins bon. Nous ne sommes plus sur l'océan mais sur un fleuve. Un marin est fait pour être en mer. La proximité de la terre leur sied moins. Bruno Le Floc’h minimalisme encore plus son trait. On ne peut lui reprocher un relâchement car les 3 tomes ont été réalisé en même temps car l'auteur voyait cela en one-shot. Cela lui fût refusé par son éditeur pour des soi-disant raisons marketing.
Je pense que le trait éthéré du dessinateur a pour but de coller à l'état de dégradation physique et mentale du capitaine Tana. Un peu comme si le lecteur voyait le monde par les yeux embrumés par la morphine de Tana. De plus, le background historique est riche et rarement vu en bande dessinée. J'apprécie également que la révolution mexicaine ne soit pas encore montrée sous un jour glorieux. Cela n'en parait que plus réaliste.
Vraiment un bel ouvrage un 4.5/5 coup de cœur
"Si ce que tu as à dire n'est pas plus beau que le silence, alors tais-toi".