Rowan Black est une sorcière. Pas seulement wiccane pratiquante : une authentique magicienne dotée de pouvoirs. Mais aux yeux du monde, elle est surtout une flic -- inspectrice dans la police de Portsmouth --, et si ses collègues la plaisantent sur son goût pour l'encens et autres "trucs bizarres", c'est sans aller chercher plus loin. Elle a toujours pris garde à séparer ces deux aspects de sa vie. Seulement, quand un forcené prend des gens en otages pour avoir une chance de la brûler vive, ou que le cadavre d'un assassin est retrouvé amputé de sa main gauche, Rowan commence à avoir de bonnes raisons de s'inquiéter... De qui, ou de quoi, est-elle la cible ?
Parallèlement à
Lazarus, Greg Rucka entame ici sa deuxième série chez Image avec un mélange de polar et de surnaturel, et un personnage féminin comme il les aime -- et comme il les réussit si bien. Pas caricaturale, badass et néanmoins complexe, Rowan n'est pas exempte de failles qui, associées au "bagage" (comme disent les anglo-saxons) qu'elle transporte et aux mystères qui l'entourent, en font un personnage pas immédiatement "aimable", ce qui pour autant ne nuit aucunement (au contraire ?) à l'intérêt qu'on a à suivre son histoire.
Au dessin, Nicola Scott donne à la série une identité visuelle et une atmosphère immédiatement saisissantes, assez éloignée de ses travaux pour DC (de
Wonder Woman période Gail Simone à
Earth 2). L'aspect le plus évident en est le choix de travailler au lavis, en nuances de gris dans lesquelles la couleur ne fait que des apparitions sporadiques et "ciblées" (quand la magie est à l'œuvre ? la logique exacte en reste encore à découvrir...).
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Même s'il s'agit de fiction, on notera aussi de la part des deux créateurs un souci d'ancrer celle-ci dans un certain réalisme avec une description de pratiques magiques, et de philosophies associées, qui montre une inspiration puisée de façon documentée dans la wicca, assez loin donc de la magie "de bazar" plus traditionnelle dans les comics avec des personnages à la Zatanna ou Docteur Strange -- que j'apprécie volontiers par ailleurs, mais une approche un peu différente vaut la peine d'être saluée. Alors que les vampires pâtissent d'un sentiment de saturation, les sorcières semblent revenir à la mode depuis quelques temps, notamment dans les comics (
Rachel Rising,
Coffin Hill,
Wytches...) et
Black Magick est à ranger parmi les réussites en la matière.
À noter que comme pour
Lazarus, Rucka fait le choix de privilégier les acheteurs de numéros indépendants, qui contenaient des bonus qui ne sont pas repris dans ce premier TPB. Si les lecteurs qui découvriront la série par ce biais perdront donc un peu en
world-building, cela ne nuit pas pour autant à la lecture.
Black Magick prend le temps de poser ses ambiances et ses mystères, et à la fin de ces cinq premiers numéros, il est clair qu'on n'en est encore qu'au début des problèmes de l'inspectrice Rowan Black. Vivement la suite.