pour moi, le meilleur est le Frontline Combat 1 :
L es marines battent en retraite !
Dès la première histoire de cette anthologie, le ton est donné. Ici, point de héros invincibles, pas de surhommes invulnérables, et les recrues sont plus souvent couvertes de boue que de gloire. Mais c’est bien de récits de soldats dont il est question dans ce volume reprenant les huit premiers numéros – sur quinze publications - de Frontline Combat, parus chez EC entre 1951 et 1953 sous la houlette de Harvey Kurtzman. Scénariste des trente-deux nouvelles composant ce recueil, il en a également mis quatre en images, confiant les pinceaux pour le reste à des artistes aussi talentueux que John Severin, Jack Davis ou Wallace Wood. La majeure partie de la revue était consacrée à la guerre de Corée - qui battait alors son plein - ainsi qu’au récent second conflit mondial, quelques récits prenant cependant place en 14-18, pendant la guerre de sécession, voire plus avant dans l’Histoire.
Ce qui frappe d’emblée à la lecture de ces aventures, c’est leur caractère éminemment humain : seul l’homme derrière le soldat est ici considéré, les contextes sociopolitiques des conflits ne sont jamais abordés, pas de patriotisme militant, pas de juste cause à défendre. L’ennemi est également dépeint comme un simple combattant, ni plus ni moins brave que le G.I., certains récits étant d’ailleurs vus du côté des adversaires. Il en ressort surtout une impression d’individus soumis à des forces les dépassant, et s’acquittant de leur devoir un peu comme ils le peuvent, les combats faisant ressortir de manière exacerbée le tempérament de chacun. Deux exceptions notables dans ce catalogue désabusé de l’humaine condition face à l’absurdité guerrière : une célébration de l’American way of life, comme ultime rempart face à la multitude sino-communiste ; et une description hallucinée des exactions nazies, conçue pour frapper le lectorat, et y parvenant encore sans peine soixante ans après sa conception. Frappante également, l’absence totale de Noirs-américains parmi les protagonistes : bien qu’antérieures à la censure du Comic Authority Code, pas un seul soldat noir n’apparait au fil de ces deux cent trente pages. La marque d’une époque.
Cette représentation d’une armée dépouillée de ses oripeaux triomphants, où les exploits héroïques, les morceaux de bravoure, la gloriole patriotique, cèdent le pas aux actes simples d’hommes ordinaires est radicalement novatrice. Elle trouve ici la fine fleur des dessinateurs de l’époque pour la magnifier. Au pinceau virevoltant de Kurtzman se singularisant dans le rendu dynamique des mouvements et la simplicité du trait, répondent le graphisme fin et précis d’un Wallace Wood excellant dans les détails, les compositions rigoureuses du duo Severin/Elder, et l’encrage vigoureux, résolument moderne et magnifiquement expressif de Jack Davis. Cependant, l’uniformité des mises en page, un strict trois strips par planche, apporte une certaine unité de style, tandis que l’unité de ton est assurée par le découpage précis et directif du maître d’œuvre.