Un trésor magique et sulfureux (05/11/2004)
© dargaud
Ana Miralles et Jean Dufaux apposent le mot fin sur le premier cycle des aventures de Djinn
BRUXELLES t La plongée dans le monde fabuleux des sultans et de leurs harems se poursuit sous le coup de crayon fascinant de la dessinatrice espagnole Ana Miralles.
Une femme qui connaît toutes les courbes du corps humain et toute la chaleur qui peut se dégager de certains inté- rieurs. Une femme qui restitue, avec sa palette magique, toute la passion d'un monde clos.
Ana Miralles associée à Jean Dufaux, c'est la certitude, pour le scénariste qui ose aborder un sujet très sensible, de ne pas tomber dans le mauvais goût, le «machisme facile», comme il le dit lui-même.
L'héroïne, femme fatale mais sensible et complexe, s'égare dans un monde sans frontières tangibles, un univers où la limite entre le beau et l'abject se côtoie avec une facilité déconcertante. Pas évident, dans ce contexte, de ne pas se laisser aller à la facilité de balancer des corps dénudés pour le plaisir de faire du chaud.
Djinn, c'est aussi la bande dessinée grand public qui flirte le plus avec l'érotisme.
«C'est érotique, mais jamais pornographique», rétorque le scénariste. «Ana ne me laisserait jamais aller trop loin. Sur certaines planches de ce premier cycle, nous avons eu quelques conversations très sensibles. Ana ne voulait pas dépasser certaines limites, il fallait que tout soit justifié par les besoins de l'intrigue.»
«J'aime dessiner des femmes dénudées, reconnaît de son côté la dessinatrice, mais pas question de jeter ces corps en pâture si ce n'est pas nécessaire. Il a fallu que nous parlions de nombreux passages. J'avais besoin d'en savoir plus avant d'aller plus loin. Jean n'a jamais essayé de me contraindre. On a parlé ouvertement de tout.»
Cette bande dessinée ouvre la porte à un débat passionnant sur la place de l'érotisme dans cet art qui se construit sans cesse et qui cherche chaque jour à attirer de nouveaux lecteurs, même si les auteurs se refusent souvent à aborder cette problématique.
La bande dessinée n'a pas à rougir de cet état de fait. Comme tout art, la B.D. doit apprendre à s'ouvrir sur de nouveaux horizons.
Un parfum andalou
L'alchimie entre les deux auteurs est parfaite dans ce premier cycle.
En s'attachant les services de cette dessinatrice espagnole, Jean Dufaux savait qu'il pouvait s'attaquer à un thème qui lui tenait à coeur mais qu'il ne pouvait imaginer entre les mains d'un homme.
«Ce scénario, cela fait quelque temps que je l'avais en moi, mais je cherchais la bonne personne pour le mettre en images. J'ai eu la chance de découvrir Ana, de discuter longuement avec elle et qu'elle accepte de relever ce défi», reconnaît-il aujour- d'hui.
Ana Miralles dispose d'un autre atout: son caractère latin. Comme un Almodovar, un Bunuel ou un Saura, elle a ce petit supplément d'âme espagnol qui lui permet de traiter de choses sensibles avec une belle élégance.
Pas question de tomber dans la caricature par ces affirmations, mais il faut accepter le fait que la culture espagnole nous a déjà offert son lot d'audace picturale et Ana Miralles est le fruit bédéesque de cette culture.
Une femme qui nous permet de plonger dans un univers de femmes, même si le tout est mené à la baguette par Jean Dufaux.
Le premier cycle de Djinn est fini. Les dernières scènes de ce Trésor clôturent non seulement l'intrigue de ces quatre albums, mais apposent aussi définitivement le mot fin au bas de toute une époque: celle des sultans et des harems. Un monde qui a vécu et qui n'a pas su s'adapter au modernisme du XXe siècle.
Désormais, Djinn, Dufaux et Miralles nous fixent rendez-vous sur le continent africain pour un nouveau cycle baigné de chaleur, de mystères et d'une autre magie...
Miralles- Dufaux: Djinn, t.4, Le trésor, Ed. Dargaud.
Il s'agit ici d'un texte repris dans un quotidien belge.
D'après les infos reprises, il semblerait donc se confirmer qu'un deuxième cycle verra le jour...