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Et maintenant pour un tour d'horizon un peu plus détaillé (sans spoilers intempestifs néanmoins).
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DU CÔTÉ DU BATVERSE (1/3)
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Batman Rebirth (Scott Snyder & Tom King / Mikel Janín), Batman v.3 #1-2 (Tom King / David Finch)
Detective Comics #935-937 (James Tynion IV / Eddy Barrows, Álvaro Martínez)À tout seigneur tout honneur, on commence par Sup... euh, non, c’est compliqué on a dit. Reprenons. À tout seigneur (de la nuit), tout honneur, on commence par Batman, avec les deux premières séries consacrées au Batverse rénové (qui seront suivies de
Nightwing -sorti aujourd'hui-,
Batgirl,
Batgirl and the Birds of Prey et
All-Star Batman).
L'arrivée de Tom King sur le titre
Batman fait sans nul doute office de consécration pour le travail de ce scénariste ex-officier de la CIA, que d'aucuns regardent depuis un an ou deux comme l'une des étoiles montantes les plus prometteuses de l'industrie actuelle. Comme très peu de choses ont pour l'instant franchi la barrière de l'Atlantique et de la langue, rappelons, ou signalons, à toutes fins utiles, que Tom King a fait son entrée chez DC et dans le monde des comics pour épauler Tim Seeley sur les 17 premiers numéros de
Grayson, la série qui voyait l'ex-Robin ex-Nightwing se reconvertir en super-agent secret. Depuis, King a signé
The Omega Men, une excellente série de SF en 12 numéros durant l'année "DCYou", et il travaille conjointement, depuis fin 2015, à une série sous le label Vertigo,
The Sheriff of Babylon, inspiré de sa propre expérience dans l'Irak en reconstruction, et, chez Marvel, à la série
The Vision qui nous invite à suivre l'installation du synthézoïde en famille dans une banlieue pavillonnaire (
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).
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Si le numéro "
Rebirth" est co-signé avec Snyder, tenant d'ailleurs plus du passage de relai symbolique que de la réelle introduction, King montre très vite qu'il s'agit de tourner la page après le run de son prédécesseur (ce dont je n'irai pas me plaindre) : Bruce Wayne retrouve sa fortune, Gordon réintègre son trench coat et Alfred a à nouveau deux mains. Marque de fabrique de King, en opposition avec une pratique dominante dans les comics actuels dont Snyder n'était pas l'un des derniers à abuser, les récitatifs sont mis au rencard, tout passe par les dialogues -- et par l'action.
Le suspense est également bien bâti, par petites touches successives (le Culte du Kobra ainsi que Hugo Strange et ses
monster men traînent dans l'ombre), sans que ça passe par des annonces tonitruantes. L'humour, enfin, est plus présent qu'il ne l'a été dans un titre du batverse depuis... un bail (le début du run de Morrison ?), avec un Alfred particulièrement drôle en clown blanc laconique, commentateur pince-sans-rire des mauvaises habitudes de son employeur, ou expliquant que ce dernier ne lui a jamais pardonné de ne pas lui avoir offert le bon sabre japonais pour ses 10 ans

. Gordon, de son côté, n'est pas en reste dans le registre du vieux flic blasé.
On flirte parfois avec l'
over the top : Batman qui "vole" à la rescousse d'un avion de ligne, dans le #01, c'est intéressant à analyser d'un point de vue "méta", mais un peu
too much tout de même pour mon goût en ce qui concerne le personnage... Cela étant, le #02 a largement calmé les réserves que je pouvais avoir auparavant -- et que j'avais exprimé dans le premier post de ce topic -- et j'attends maintenant la suite avec une certaine impatience. Ce ne sera peut-être pas la série "Batman" du siècle, mais ça s'annonce comme un travail "artisanal" vraiment bien fichu, ancré dans l'action et dans le fun, et possédant néanmoins le potentiel pour réserver quelques bonnes surprises au-delà de ça ; ce qui vaut toujours mieux que l'inverse (des grandes prétentions et des concepts survendus qui tombent à plat, suivez mon regard).
DC934-06.jpg
Le vrai coup de cœur, cependant, comme annoncé dans le premier post, a été, et demeure après trois numéros,
Detective Comics. Cette série met en scène un groupe de "jeunes prodiges" que Batman place sous l'autorité de Kate Kane / Batwoman ("officialisée" au passage comme étant bien sa cousine). C'est donc un plaisir de retrouver ce personnage perdu de vue depuis le départ de J.H. Williams III et Haden Blackman des "New 52"
(hein ? quoi ? il y aurait eu d'autres épisodes ? Mark Andr... comment vous dites ? un Russe ? non ça me dit rien...), plaisir d'autant plus marqué que la rouquine est traitée fort respectueusement. Et que sous ses ordres, on retrouve également deux rescapées longtemps bannies de l'univers DC au motif de "toxicité" (sic) par DiDio et consorts, Stephanie Brown et Cassandra Cain, que Tynion avait fait revenir respectivement dans
Batman Eternal et
Batman & Robin Eternal. Le reste du groupe est composé de Tim Drake / Red Robin -- lequel a visiblement renoué entre deux pages sa relation longtemps emblématique avec Stephanie -- et, plus surprenant, de... Clayface qui se voit ainsi offrir une chance de rédemption. (Ah, et on a aussi droit à une brève mais très bien faite réapparition de Renee Montoya. C'est vraiment le bonheur.

)
Bon, d'accord, mais au-delà de la séance nostalgie, me demanderez-vous ? Eh bien au-delà de la séance nostalgie, on a un scénar' prenant, bien fichu, avec son lot de mystères et de surprises correctement amenées, qui sait quand prendre le temps de se poser pour développer le caractère des personnages et quand appuyer à fond sur l'accélérateur pour envoyer l'action. Et le tout est mis en images de façon absolument superbissime, principalement par Eddy Barrows (mais Álvaro Martínez qui le remplace 1 numéro sur 3 ne démérite pas loin s'en faut), avec une palette de couleurs également très travaillée et des clins d'œil sympathiques au style de J.H. Williams III, le tout dans une Gotham qui semble perpétuellement la proie des éléments, tempête de neige ou orage. Rien à jeter.