La femme au portrait Fritz Lang (1944)
Je résiste à la tentation de lire la critique de Jolan (que j'imagine excellente comme d'hab) avant de poster mon message et je prends le risque de passer pour une quiche dans mes commentaires, mais comme on le dit maintenant "j'assume".
Je ferais plus des remarques sur les aspects qui m'ont marqué.
La femme au portrait, titre assez proche de l'original mais qui efface l'aspect "double portrait", voire triple portrait: image peinte, reflet dans la vitrine, femme réelle.
Tout le film, où tout au moins, l'idée du film, en fin de compte (mais on ne le saura qu'à la fin) est basée sur ce jeu de miroir et de faux semblants, où l'imaginaire le dispute au réel.
Y a -t-il une morale à ce film tourné en 1944 en plein dans le conflit mondial ? Cela pourrait être du style, ne vous fiez pas aux apparences, qui sont trompeuses et vous entrainent facilement dans un engrenage infernal, ou bien telling a friend may mean telling the ennemy.
E.G Robinson, assure le rôle d'homme stable, reconnu, sérieux, massif, avec un jeu tout en finesse et en retenu un peu à la James Stewart mais avec un côté homme solide plus présent (il en faut pour se coltiner un cadavre de Claude Mazard) qui se laisse entrainer dans un traquenard meurtrier.
A aucun moment, on ne peut véritablement culpabiliser le Pr Wenley dans ses actes, il met le doigt dans un engrenage insidieux, se laissant aller à la facilité d'une rencontre un peu incongrue.
Cet aspect du scénario peut paraitre un peu tiré par les cheveux, cette fille ramasse littéralement le Prof sur le trottoir comme une vulgaire grue (comme à la scène finale où cette fois il ne pas plus se laisser entrainer)
Bien évidemment, le truc du rêve final est éculé, et F.Lang l'a dit lui même d'après ce que j'ai pu lire par ailleurs. Cependant, la maitrise d'un Lang permet de faire passer la pilule.
Sur la trame d'un film noir classique avec un sujet banal, un meurtre a eu lieu, comment se débarasser du corps et du maitre chanteur, éviter les soupçons de la police et se sortir de la toile d'araignée.
Fritz Lang met tout son génie cinématographique a distiller les événements pour jouer avec le suspense et les nerfs des spectateurs.
Le spectateur, qui suit le professeur et s'attache à ses pas et ses gestes est témoin de tous les événements et chaque détail qui permet de confondre le meurtrier involontaire arrive comme une horrible fatalité dont le professeur est l'involontaire victime.
Ne reste plus qu'à souhaiter au professeur Wanley toute la prudence dans ses gestes et ses mots, ne sachant si les coïncidences dans les paroles échangées avec ses amis ou des policiers et particulièrement, l'Attorney , le procureur sont des propos innocents ou des sous-entendus destinés à le piéger
Il est difficile de le considérer comme un meurtrier, plutôt comme une victime des circonstances.
Les nerfs du spectateur sont mises à rudes épreuves car il y a une sorte de compassion avec le professeur qui a tué, en totale légitime défense, un type brutal qui cherchait à l'étrangler.
Tout l'habileté de Lang est de plonger l'intrigue dans un faisceau de conjectures: la femme, Joan Bennet est-elle si innocente, pourquoi l'a t-elle attirée chez elle, n'y a t-il pas un plan prémédité pour se débarrasser de l'amant encombrant ?
Va -t-elle le trahir ?
Wanley fait preuve d'un sang froid maitrise mais pas infaillible lorsqu'il est interpellé par un agent de police ou un employé du péage d'autoroute, les détails qui pourraient le trahir sont heureusement ou volontairement (?) donnés par le procureur.
Seulement à la fin, se sentant totalement perdu, il envisage une solution finale de fuite par le suicide.
Globalement sur le film, le rythme est rapide, les situations mises en place très rapidement, la facilité avec laquelle un professeur cinquantenaire séduit une inconnue jeune et belle dans la rue devant son portrait peut mettre paraitre suspecte jusqu'à l'explication finale.
Où l'on voit qu'un grand cinéaste peut faire un bon film sur n'importe quel sujet.
Ma note 4/6