de sergent latrique » 07/10/2021 11:17
La viaccia Le mauvais chemin M.Bolognini (1961)
Le mauvais chemin est celui pris par Amerigo, mais aussi par tous les personnages de cette histoire.
Nous voilà fin du 19° siècle ou début du 20° en Toscane, près de Florence dans une famille de paysan où sur son lit de mort, le patriarche édicte ses dernières volontés conserver le domaine de la Viaccia, la terre, unique bien terrestre auquel tient toute la famille Casmonti, la terre et la famille étant les valeurs absolues et indéfectibles d'un monde paysan, besogneux et pourtant proche de la misère, qui reste accroché à la terre et au maigre capital qu'il procure.
On pourrait les voir comme des radins aggripés au moindre sou, mais cet argent est celui de la sueur et d'un labeur constant mais aussi de calculs d'apothicaire jusque devant les lits des mourants.
Voilà le décor.
Le jeune Amerigo, dernier témoin de l'agonie du grand-père, ne se retrouve pas dans cette volonté farouche du monde de la terre, de la paysannerie et aspire à une autre vie radicalement différente même si on lui fait miroiter l'héritage de la Viaccia. Il est incarné magistralement par J.P.Belmondo qui montre une palette de son talent éloigné du Bebel plus connu de grand public, à la fois déterminé à changer sa vie mais emporté au gré des circonstances, rôle tout en nuances.
Dans ce monde de besogneux, Guigo, détaché de ces valeurs paysannes qu'on voudrait qu'il incarne, ne rêve que d'une vie avec la belle Bianca à la ville.
La ville, Florence, cité des arts de la culture, reste cependant inaccessible à ce monde paysan et l'on ne la voit que par des temps brumeux ou dans la nuit, comme si la cité se dérobait à la vie réelle et se montrait insaisissable, avec ses passantes fantomatiques, et comme si elle restait fermée à Guigo, qui ne voit que son côté factice de maison de tolérance et où il se rend comme un vagabond, à pied ou sur des charrettes de maraichers.
Bianca, Claudia Cardinale, blasée de sa condition, trouve le seul réconfort auprès de Guigo qui ne la prend pas pour une femme objet dans une maison close qui rappelle la maison Tellier avec ces prostituées pour bourgeois, qui rappelle presque un pensionnat de jeunes filles.
Guigo suit le mauvais chemin, vole par intérêt, non par cupidité et se tourne vers celui qui le voudra bien, cédant facilement aux invitations des comploteurs socialistes avec Dante, monde politique auquel il reste étranger comme les autres mondes qu'il côtoie.
Partout, le chemin ne sera pas le bon, de retour à la ferme, il fait figure de mauvais garçon, brimé par son père, son oncle, et au final sa relation toxique avec Bianca se détériore. L'amour entre Biance et Amerigo est complexe, fait de plaisir et de provocations. Bianca est plus cynique et a fait une croix sur ses idéaux contrairement à son amant.
Les relations avec le père, homme représentant le passé pour lui se dégradent aussi, avec les rancœurs et la perspective de perdre l'héritage et de se faire exploiter par l'oncle, manipulé par sa concubine, l'horrible mégère, Beppa.
Le seul personnage sincère est sans doute la mère, consciente mais horrifiée de la descente inéluctable de son fils.
Certaines scènes, la bagarre par exemple avec le coup de couteau et la fin ont des ellipses qui sont un peu trop prononcées à mon goût. Amerigo, finit misérablement, entre déchéance et désillusion alors qu'il aperçoit Bianca cachée dans un recoin à sa sortie de l'hôpital.
Ce qui est admirable chez Belmondo, c'est sa capacité à être polymorphe et incarner des rôles totalement différent en restant lui-même. et il est beaucoup plus intéressant dans ses rôles dramatiques, je veux dire hors "Bébél".
Le tombeur et cascadeur, c'est bien pour le divertissement mais ça cache vraiment le talent multiple de Belmondo.
C'est pourquoi, même si j'apprécie des films comme l'homme de Rio ou Cartouche, j'apprécie le fait qu'on ait pu choisir ce film dans cette séance hommage.
Au final, ce film, techniquement, n'est pas exceptionnel, mais reste un bon film, une bonne critique sociale des paysans, des bourgeois.
Chacun fait ses calculs et veut compenser ses faiblesses par ses atouts et ses forces: Beppa, toute femme de Thénardier qu'elle est, au fond compense son malheur en amour par une rapacité froide de grippe-sou, l'oncle avide et envieux des frasques de son neveu, malheureux d'une vie près d'une femme cruelle, se venge sur la famille, le père est prêt à vendre sa fille pour revenir dans les bonnes grâce de son frère, etc.
Par une ironie du sort, les calculs se retournent contre ceux qui les ont ourdi: l'oncle est perdu par son avidité et il finit par crever sur son argent qui ne lui profitera pas, tout comme les Casamanti ne profiteront pas de cette terre qu'ils ont retourné, travaillé, rassemblée pendant des générations pour qu'elle leur échappe en fin de compte et qu'ils en restent juste les serfs. En bref, chacun poursuit sa chimère, argent, terre, femme, idéal politique et la fatalité, l'ironie du sort les priveront en bout de course de ce qu'ils ont convoité.
Ma note 4.5/6
Halte au massacre Organisasi Papua Merdeka