Two-lane blacktop, Monte Hellman, 1971
j'ai lu avec attention vos retours et je les trouve globalement très pertinents et bien troussés
cependant je vais un peu bémoliser tout cela, je reconnais des qualités certaines au film mais n'ai pas été emballé plus que ça.
Et tout d'abord sur la technique, j'ai l'impression d'une absence totale de recherche esthétique, je trouve la photographie assez banale, purement fonctionnelle, ça pourrait aussi bien être un reportage de magasine télé (et c'est peut-être voulu, j'en sais rien). Idem pour les éclairages d'ailleurs, seul le son me parait véritablement soigné.
Mais peu importe finalement, le film se présente comme une tranche de vie, un instantané, et l'absence de maniérisme artistique répond à l'absence d'ambition narrative. C'est un manifeste existentiel ce film. Le pendant cinématographique des polaroïds de l'époque, mêmes couleurs crues, même grain grossier de la pellicule, même ode au ici et maintenant. Ici pouvant être n'importe où, et maintenant ne se différenciant guère d'hier et de demain.
Etant totalement réfractaire à la passion automobile et au charme viril des bolides à roulettes et des pistons qui fument, cette dimension du film m'indiffère un peu, mais comme au fond ce n'est pas vraiment le propos, plutôt un arrière plan sur lequel le réalisateur anime ses marionnettes, peu importe finalement.
Reste donc ces personnages, dont on ne sait quasiment rien, même pas le nom, qui semble ne charrier aucun passé et n'envisager aucun avenir. Même GTO semble réinventer son passé au fur et à mesure. Reste également ce portrait d'une Amérique révolue, dans laquelle les voitures vont vite mais les pauvres ruraux font du sur-place. Et puis l'autre réussite du film c'est ce casting impeccable, aucun des acteurs ne semblent jouer un rôle, ils semblent tous vivre leur véritable vie, ça renforce le côté reportage je pense. C'est comme un long épisode de Strip Tease, y compris les adeptes du tuning. Je trouve James Taylor particulièrement remarquable, il a une sacrée présence à l'écran, il me fait penser à Daniel Day-Lewis.
Bref, ce film est une curiosité et ne ressemble pas à grand chose d'autre que j'ai pu voir, mais je suis incapable de dire si c'est le fruit d'une aspiration artistique parfaitement maitrisée ou le résultat d'une errance un peu vagabonde et hasardeuse. Peu importe me direz-vous, c'est le résultat qui compte. Certes, mais ce résultat m'a suffisamment captivé pour me faire suivre ces péripéties avec attention et plaisir, mais pas au point d'y trouver une satisfaction esthétique, émotionnelle ou intellectuelle digne d'un grand film.
3.5/6