Le Plaisir – Max OPHÜLS – 1952
1 – Le Masque : De beaux décors « extérieurs », la caméra est virtuose et virevoltante (pas de caméra à l'épaule à l'époque, les plans-séquences de la danse et de l'arrivée du docteur sont préparés au millimètre avec une grue et une caméra encombrantes), belle qualité d'image, comme dans les autres films d'Ophüls, ça fait plaisir à voir. Mais le thème, pour plaisant qu'il soit, n'est ici qu'une esquisse. Une histoire eût été préférable. Comme pour les autres nouvelles d'ailleurs...
C'est marrant, on dirait Ustinov le masque avec le nez et la petite moustache. En plus maigre.
2 – La Maison Tellier : Ah mais c'est qu'c'est par chez moué tout ça, Maupassant, Flaubert, Malot, c'est des escrivains d'min coin.
Ici le plan-séquence d'ouverture est ambitieux, mais par trop cahotant, avec caméra tremblotante, c'est dommage. Comme le dit Tavernier dans ses documentaires laudatifs, tout est filmé de l'extérieur, et on ne voit la maison qu'à travers les fenêtres, puisqu'il s'agit d'une maison close, et on est un peu comme des voyeurs qui viennent zieuter les jolies femmes par les persiennes. D'ailleurs, l'histoire ne parle pas de la maison mais bien des femmes qui la composent, et l'action se situera en dehors, à la campagne, où elles découvrent le silence de la nuit, le fait de devoir se coucher tôt... et seules.
« Eh bien pour un samedi, c'est un drôle de samedi » se plaignent les notables qui voient la porte de la maison close close. Ca me rappelle mes jeunes années, où le samedi était synonyme de réjouissances, de virées avec les amis, de sorties dans les bars, d'incrustes improvisées dans des soirées. Ah la la, que de souvenirs... et s'il y avait un samedi où je restais chez moi, j'étais dégoûté pour la semaine
« Moi j'dis que les enfants faut qu'ils aient toujours de la religion, ça a ben le temps de s'en aller plus tard » Il est bien dans ce rôle le gars Gabin, c'est un peu lui d'ailleurs, Gabin c'est un terrien, un fermier, enfin, un éleveur, un gars de la terre, mais aussi le séducteur, il dragouille gentiment la m'dame Rosa, Danielle Darrieux, avec sa cigarette au bec pour se donner un genre parisien.
Puis le « navire rentre au port, avec son chargement de morues retrouvées », et la maison est inondée de fleurs qu'elles ont cueillies, en souvenir de cette journée mémorable où elles ont rencontré Jésus, et une sorte de pureté, nous dit l'auteur.
3 – Le Modèle. Enfin, la modèle. Ou le modèle à ne pas suivre. La jalousie.
Cette nouvelle était celle qui pouvait me plaire le plus, une histoire d'amour entre un artiste et une jeune modèle, mais non, c'est fade, et on ne sait même pas ce qu'est cette histoire, leur histoire, et ce qui cause ce désamour, qui conduit au drame (en caméra subjective, plan original), si ce n'est que c'est une banale histoire d'amour puis de jalousie. Bon.
« Etait-ce par amour, était-ce par orgueil, elle le cherchait partout » mais qu'est-ce que l'amour, si ce n'est de l'orgueil ?
Fin sur la plage de Trouville : « Il a trouvé l'amour, la gloire, la fortune, est-ce que ce n'est pas le bonheur ? - Tout de même, tu m'avoueras que cela est bien triste – Mais mon cher, le bonheur n'est pas gai » C'est vrai, le bonheur est avant tout un moment friable, un état fragile qui ne demande qu'à vaciller, donc une intranquillité permanente. Surtout si ce ne sont qu'illusions et bonheurs qui n'apaisent pas la souffrance.
Il y en a de belles choses à adapter chez Maupassant, mais j'aurais plutôt vu Ophüls adapter des nouvelles à la dramaturgie plus profondes, parmi les plus tardives, ou des romans même « Bel Ami » ou « Fort comme la mort », on est en tout cas très éloigné du Maupassant et du Ophüls que j'apprécie, on croirait les films à sketches des années 60.
Mais j'aime bien les jolis extraits narrés par Jean Servais, les décors (enfin, pas tous, le village de la maison Tellier dénombre quelques maisons normandes aux toits bien trop plats, et quelques ombres au Café du Port d'un carton bien statique) et l'image sont sublimes, magnifiées par un noir et blanc somptueux.
Fond 1, Forme 4
2,5/6
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Bon, eh bien nous sommes presque au complet, manque plus que Lobo (tous les avis le même jour c'est rigolo)
@Fanche, welcome, ça fait plaisir d'avoir un nouvel acolyte dans notre petite communauté moribonde qui passe son temps à s'invectiver et à mettre une ambiance de merde, et ceci dans le plus profond irrespect d'autrui et des convenances bien sûr
Tu peux nous proposer un film unique ou une liste de films (pas trop, on n'est que 7, on tourne en général sur le même nombre de films (moins 1 ou 2) que de participants d'ailleurs). Perso je préfère proposer des films que je n'ai pas vus, mais en fait chacun propose bien ce qu'il veut (et puis personne ne peut vérifier). Je ne sais pas si tu as vu, mais on essaie de se cantonner aux cinémas d'avant 1970, mais chacun fait bien ce qu'il veut, après tout, on est en... je ne sais plus...
Jolan, le gars qui n'a le droit de ne rien dire, sinon ses posts sont supprimés illico par Nexus.