Bon allez, on s'y remet.
Je serai plus positif que jolan et sergent latrique. Faut croire que je suis plutôt bon public.
Ce qui m'a frappé en premier dans ce film, plus que l'histoire d'inceste qui devait être très sulfureuse à l'époque mais qui me le parait moins aujourd'hui, c'est l'antagonisme entre passé morbide et futur à construire. On n'est pas chez Visconti par hasard.
Le mari me semble révéler une des clés du film quand il affirme qu'il ne considère le passé que comme un moyen de construire le futur. Il est américain, il représente un monde nouveau. Sa femme, il l'a rencontrée en terrain neutre (Genève, sans doute pas un hasard). Mais son monde à elle, c'est un monde aux antipodes du sien, un monde qui vit dans un passé séculaire en pleine déliquescence. La visite guidée de Volterra est très parlante à et égard.
Visconti semble ambigu par rapport à cette opposition. D'un côté, il n'est pas dupe de la morbidité aristocratique dans laquelle se complait ce monde en ruines, de l'autre il ne peut s'empêcher de souligner la vulgarité du monde nouveau (le mari filme Sandra sans égards pour ce qu'elle peut ressentir, le mari s'engage dans une bagarre traitée de manière ridicule).
Le passé et le futur, c'est aussi cela qui structurera les relations intimes entre les personnages.
Gianni, lâche, faible, fin de race, qui n'est jamais parvenu à sortir de l'adolescence, englué dans le passé.
Sandra, profondément mélancolique, nostalgique d'une enfance idéalisée autour de l'adoration d'un père mort à la guerre.
Et leur relation à eux deux, dont on ne saura au final jamais vraiment jusqu'où elle a pu aller.
Doit-on croire Gilardini qui les voue aux gémonies mais dont l'intérêt a toujours été de séparer les enfants pour s'approprier la mère? Doit-on plutôt croire à une relation d'enfance qui s'est développée d'une manière inconcevable pour une société profondément étriquée, avec en toile de fond un père idéalisé mais mort et une mère que l'on devine largement absente ?
Les interprétations peuvent être diverses.
Toujours est-il que c'est cette relation ambivalente qui va provoquer la mise au jour des sentiments cachés, refoulés, qui va obliger les personnages à sortir du passé dans lequel ils étaient restés.
Gianni y trouvera matière à enfin "réussir" le suicide qu'il n'avait été jusqu'alors capable que de feindre.
Libérée du poids de la relation avec son frère, Sandra, comme semble l'indiquer la lettre qu'elle écrit à son mari à la fin du film et sa participation à la cérémonie en hommage à son père, parviendra, elle, à dépasser ce passé et peut-être se reconstruire.
Sinon, sur le plan technique, je suis complètement d'accord avec jolan sur l'utilisation casse-couille des zooms.
Y a notamment un énorme zoom arrière quand Cardinale entre dans la grande pièce fermée à clé (si je me souviens bien) qui m'a complètement sorti du film.
Et d'accord aussi sur la très belle séquence dans la citerne.
Bon, allez 4/6.
"Ca ne résout pas vraiment l'énigme, ça y rajoute simplement un élément délirant qui ne colle pas avec le reste. On commence dans la confusion pour finir dans le mystère."
Denis Johnson - "Arbre de fumée"