Interview de Guy Delcourt dans Casemate que j'ai trouvé intéressante (j'ai sauté les 2 premières question à propos du rachat de Soleil par Delcourt) :
Journaliste : "
Certains auteurs se sentent moins défendus que d'autres "
G.D : On ne traite évidemment pas tous les livres de la même façon. Les décisions se prennent ouvrage par ouvrage, série par série. Pour certains, on peut avoir envie de la jouer modeste au départ afin de créer un certain appétit. Pour d'autres, il faut la jouer massive, couvrir tous les points de ventes possibles. On n'applique pas les mêmes rèbles au
Happy Sex de Zep qu'à des oeuvres plus fragiles.
J : "
Exemple"
G.D : "Delcourt à publié Aller-Retour de Bézian. Je suis fier de cet ouvrage inhabituel, à la démarche quasimment poétique. S'il se vend bien, je partagerai la joie de l'auteur. Mais je ne privilégie pas les ouvrages qui concernent peu de gens. Je n'ai aucune fascination pour le côté happy-few".
J : (à propos de rachat de Soleil par Delcourt) "
Craignez vous le départ d'auteurs de Soleil ?"
G.D : "Non, j'ai l'outrecuidance de penser que je ne les effraie pas à ce point".
J : "
Bajram à changé d'écurie"
G.D : "Son départ était consommé avant mon arrivée. J'avais conscience, pour connaitre certains auteurs Soleils et en avoir déjà discuté avec Boudjellal, que je disposais de certains facteurs favorables. Mourad et moi somme de la même génération et tous 2 entreprenurs individuels. Malgrès nos différences de tempérament , nos visions sur le bd sont assez proches. Une même envie, une même envie de faire émerger de nouveaux auteurs, de nouvelles série, etc"
J : "
ou vont aujourd'hui les 13 ou 15 euros que paie le lecteur pour une bd ?
G.D : le diffuseur-distributeur touche entre 15 et 20%. Le libraire entre 35 et 40%. Les auteurs 20%."
J : "
ils parlent plus souvent de 10%"
G.D : "Globalement, je ne pense pas que ce type de calcul soit très pertinent. Les auteurs touchent en fixe des à-valoir. Ces avances sur droit leur sont acquises, quelles que soient les ventes. Malheureusement, 8 albums / 10 n'ont pas un grand succès. En ce cas, ce montant représente au final 20% des ventes réélles. Près du double des droits théoriques."
J : "
On n'oublie pas quelqu'un là ?"
G.D : "Bien sur, l'éditeur, l'entrepreneur, celui que prend tous les risques. Sur la plupart des titres, il est en déficit, mais gagne très bien sa vue sur les best-sellers. Notre bilan annuel est public. Il montre une rentabilité nette autour de 6% du chiffre d'affaire."
J : "
oui mais les ventes de best-sellers baissent, et le fond aussi"
G.D : "A vous écouter, vous la presse, il faudrait partir, quitter le pays ! Le monde médiatique de la bd française est très anxiogène"
J : "
5 327 titres en 2011 (groupe Delcourt 840 titres, Media-participation 775, groupe Glenat 469...)"
G.D : "Cela montre que nous sommes poussés par des proposistions crétives de plus en plus interessantes de la part des auteurs. C'est la meilleure motivation pour un éditeur. De plus, cette production contribue énormément à la diversification du public. Il y a une trentaine d'année, la bd c'était l'humour et les cow-boys. Aujourd'hui la bd aborde tous les thèmes, touche -enfin- les femmes, correspond à tous les gouts, toutes les tranches d'âges. Des bds sur la cuisine font de fortes ventes. Il faut s'en réjouir ! En 20 ans la bd a connu un essor fabuleux et on nous engueule parce que nous produirions trop. On nous traite d'irresponsables, on nous dit qu'on va dans le mur. En 2011, notre secteur - dixit le groupe GFK qui n'est pas composé de fantaisistes- affiche un + 4% que nous envient la plupart des autres secteurs de l'édition. Arrêtons d'être défaitistes !"
J : "
Tout va très bien ?"
G.D : "Non, il y a des motifs de préoccupations. Par exemple, l'érosion des grandes séries classiques qui ont atteints leur point culminant. Ca peut poser des problèmes. Démarrer de nouvelles séries est aussi plus difficile. A côté de cela, un ouvrage muet, expérimental comme
3 secondes de Marc-Antoine Mathieu se vend à plus de 20.000 exemplaires. Qui l'eut crû ? Et
Chroniques de Jerusalem de Delisle va atteindre les 100.000 exemplaires."
J : "
Quelles sont les nouvelles règles ?"
G.D : "Plus rien n'est interdit, plus rien n'est garanti. Le jeu est plus ouvert que jamais. Il y a une place énorme pour les idées, l'inventivité, l'audace. Et à tous les niveaux. Prenez le
Happy Sex de Zep. Il fallait oser ! Hier il n'y avait pas de salut en dehors des albums standards de 48 pages. Aujourd'hui, on peut vendre très bien de petits ouvrages en noir et blanc brochés et très mal des cartonnés classique."
J : "
Le tout déboulant sur des étals des libraires qui se disent submergés..."
G.D : "Encore une vieille lune. Nous ne sommes plus dans les années 60, quand la bd était un petit domaine bien confortable, bien rassurant, ou l'amateur pouvait tout lire, tout acheter, tout voir. Aujourd'hui, il faut choisir, comme dans la littérature, comme dans le domaine des livres d'art. Oui, cela contraint journalistes et libraires à faire des choix, à orienter leurs propositions. Et ce n'est pas plus mal ! Je préfère un libraire qui prend parti à un autre qui se contente d'étaler toute la production de manière uniforme, avec un effet kaléidoscope garanti qui fait qu'on n'y comprend plus rien. J'aime voir des libraires se battre pour faire émerger tel ou tel auteur, tel ou tel genre. Souvent avec un certain succès. Les comics doivent beaucoup aux libraires."
J : "
Des lecteurs nous demandent encore s'ils peuvent espérer lire un jour le tome 2 du Dernier loup d'Oz de Lidwine ?"
G.D : "Si je m'en souviens bien, le premier n'était pas un tome 1 mais un prologue. Nous n'avons donc pas menti, le prologue à été entièrement publié. Reste à venir la série. Chacun peut la construire dans son imaginaire !"
J : "
Lidwine a déclaré qu'il prefererait parfois travailler sur un couvercle de camembert plutôt que sur une bd ..."
G.D : "Heureux soient les fabricants de fromage, ils doivent êtres comblés aujourd'hui."
Des réactions ?
En tout cas j'aime bien les questions du journaliste, moins les réponses de Delcourt