thyuig a écrit:Bon ben il est pas mal cet album. (...)
Tu as raison sur pas mal de points mais personnellement j'en ai retenu d'autres, exposés lors des débats au sein du Jury.
La première qualité que je vois dans Bouncer, c'est que le duo Jodo / Boucq a réussi à séduire nombres de lecteurs totalement hermétiques à leur univers habituel, sans pour autant se renier. Pour prendre un exemple que j'ai à portée de main, les délires SF et décadents du Maître Chilien m'em... en général et la plupart des univers délirant, urbains ou pas, de Boucq me donnent envie de feuilleter et non de lire (jetez les tomates et les oeufs pourris, j'assume). Là, tous les deux, ils ont réussi à faire du grand public en investissant un genre dont on n'attendait plus rien qu'un bégaiement stérile des codes (ou des accès de nostalgie comme tu peux en avoir sans que je puisse trouver à y redire).
Pourquoi ce tome-là et pas les précédents ?
Une raison toute bête pour ouvrir le bal : parce que ça fait plaisir de revoir une série de cette trempe réapparaître. Qui plus est avec deux auteurs qui ont l'air de s'en donner à coeur joie et de déborder d'enthousiasme.
Contrairement à toi, j'aime le double flashback du début, suivi d'un troisième (le récit des indiens) : casse-gueule mais là, ça fonctionne parce que, justement, c'est excessif. Tu dis qu'on ne voit pas le récit avec les eyxu du Bouncer mais il fonce sur la base de récits qui lui sont faits. Sa démarche n'est empreinte d'aucune lucidité.
J'aime le fait de passer des paysages enneigés (ben oui, on a le pseudo qu'on s'est choisi) et le souffle qui sort des bouches, à l'accablante chaleur du désert et la transpiration qui sourd de tous les pores de la peau (visibles ou pas, magie de l'atmosphère rendue). Tu trouves ça précipité, peu crédible, mais là, je m'en fiche : on est dans la frénésie, l'urgence de la vengeance.
J'aime le fait que le vieux Jodo nous fasse avaler une p... de cour des miracles qui vomit ses bancals (manchot, chien sur trois pattes, bossu,...). Pour une fois, je le laisse s'amuser avec ses excès lorsqu'il s'agit de planter des relations dégradantes qui expriment le racisme ou le reniement de soi contre quelques billets verts (se bousculer pour subir le fouet, acheter "sa" légitime défense).
J'aime quand il va jusqu'à offrir à Boucq des scènes où il introduit un moine (vieille lubie) et même un commando de moines qui se rapprochent plus des douze salopards que des sept mercenaires dans un lieu à l'écart des lois et de la morale, et aussi lorsqu'il utilise des détenus pour protéger les geôliers.
Sur le fond, ce ne sont pas des surprises, les deux continuent de creuser leur sillon, ressassent leurs vieilles obsessions mais nom d'un petit bonhomme que c'est bon de le recevoir en concentré comme ça, avec le sentiment que les deux vénérables nous ont préparé ça en s'amusant comme des larrons en foire.