de icecool » 13/10/2010 17:52
Infos et difficultés autour du futur Blueberry déjà connues de fait depuis une longue interview de Giraud sur ActuaBD (octobre 2008) :
Il y a quelques temps, vous disiez vouloir abandonner le dessin de Blueberry, où en êtes-vous ?
En y repensant à tête reposée, je me suis rendu compte que je voulais réellement continuer Blueberry. Ce ne serait sans doute pas le cas si je devais ré-entamer un cycle de 5 albums, car je ne pense pas avoir l’énergie pour dix années de travail. En réalité, je veux reprendre l’idée de Blueberry 1900, qui possède un côté réaliste très accentué, parfois plus déjanté : les Indiens étaient un peuple magique, cela faisait partie de leur culture, et je veux mettre en scène la collision entre notre monde à nous, via la conquête des l’Ouest, et le monde des Indiens qui résiste. On montre souvent comment les évènements se sont stratégiquement déroulés, mais je souhaite plonger dans la sociologie indienne, comme pour Danse avec les Loups, en remettant à plat notre vision matérialiste du monde, et en explicitant le choc de cultures qui s’est déroulé. Bien entendu, il y a un certain défi dans cette histoire, car je vais peut-être ouvrir un gouffre sous les pieds du lecteur. Je dois encore retravailler le scénario et faire le découpage, mais je pense que cela prendra entre 100 et 200 pages."
Dans le quatrième tome d’Inside Moebius, on voit Blueberry qui hurle 1900 ! Avec d’autres clins d’yeux, ce sont des allusions directes à la série Blueberry 1900 qui n’a pas encore vu le jour ?
Philippe Charlier, le fils de Jean-Michel, s’y était opposé car il défend la cohérence de la série. Le scénario de Blueberry 1900 était effectivement très libre et fort transgressif par rapport à la première image de Mike, encore plus prononcé que l’évolution de Jim Cutlass dans son rapport à la magie. De toute façon, je ne pouvais pas commencer cette série tant que la trilogie de Marshall Blueberry n’était pas arrivée à son terme. Cela aurait provoqué trop de confusions dans l’esprit du lecteur. François Boucq devait donc commencer à dessiner après que Vance ait fini le troisième tome de Marshall ... qui n’est pour finir jamais arrivé ! Entre-temps, Alexandro (Jodorowsky) lui a proposé Bouncer, ce qu’il a bien entendu accepté. Bien sûr, Blueberry 1900 aurait été vachement bien, mais Bouncer est tellement génial qu’il m’aurait été insupportable d’avoir empêché une telle série de voir le jour. Même si ma frustration est totale sur mon propre scénario, cela m’oblige à le retravailler pour l’actualiser, donc sans doute à le bonifier, et surtout il faudra que je décide ce que nous allons en faire.
À Angoulême, vous aviez confié à Lewis Trondheim que vous ne pouviez peut-être plus rien apporter à Blueberry en tant que dessinateur ?
Je pense que je dois arrêter de me considérer comme un type tiré d’affaire, à la fin de sa vie. Blueberry a toujours été le sponsor de mes œuvres : c’est ce qui me permet de vivre ! Ainsi, c’est difficile d’amorcer une fin de carrière. L’art, et plus particulièrement la bande dessinée, est fort relié à la sexualité : la créativité est un sexe qui pénètre l’esprit du public, qui, fécondateur, envoie des idées et des images dans leurs esprits, comme un flot de sperme ! En vieillissant, le côté sexuel perd de son attrait, sauf si on demeure caché derrière son œuvre sans oser se dévoiler. De plus, le sperme envoyé il y a vingt ou trente ans a généré de nouveaux êtres, de nouvelles réalités qui, pour exister, doivent croître en repoussant le passé et les limites actuelles. Il est donc beaucoup plus compliqué de maintenir son statut !