de francois d » 18/12/2023 18:08
Blake et Mortimer : un casse à plus de 30 millions d’euros
En 2017, « Le Soir » révélait le pillage organisé du patrimoine de la Fondation Jacobs. Avec la complicité de son président, des centaines d’originaux des aventures de Blake et Mortimer avaient disparu des coffres. L’ampleur du larcin s’avère aujourd’hui sans précédent dans l’histoire du 9e Art : 248 planches ou couvertures volées et revendues pour plus de 30 millions d’euros !
Daniel Couvreur
Chef du pôle Culture
Par Daniel Couvreur
Publié le 17/12/2023 à 15:10 Temps de lecture: 3 min
Au bout de six ans de procédure, la justice belge a franchi une première étape dans « l’affaire Jacobs », du nom du créateur des aventures de Blake et Mortimer, disparu en 1989. A la veille de son départ à la retraite, le juge Michel Claise a clôturé l’enquête sur le pillage en règle du patrimoine de la Fondation Jacobs par son ex-président, Philippe Biermé. Pas moins de huit inculpations ont été transmises au substitut du procureur du roi.
Sur base des flux financiers identifiés par les enquêteurs dans la comptabilité des différents experts et marchands d’art impliqué dans ce dossier, la revente des pièces dérobées dans les coffres de la Fondation, entre 1991 et 2016, a généré plus de 15 millions d’euros de chiffre d’affaires. A cette somme, il faut ajouter un montant équivalent, fruit d’échanges et de transaction opaques. Au final, la Fondation a vraiment été dévalisée : 248 planches ou couvertures encrées d’albums et du journal Tintin, des centaines de planches crayonnées, de croquis, de calques, de bleus de coloriage… ont été vendus à des collectionneurs privés pour une valeur totale de plus de 30 millions d’euros. Un peu moins de 7 millions d’euros ont été retrouvés sur le compte de Philippe Biermé, inculpé pour « abus de confiance et blanchiment ».
L’enquête bouclée, un quatrième substitut au procureur du roi vient de reprendre l’affaire en main mais le temps presse. Les investigations ont débuté en 2017, à la suite des révélations de malversation publiées dans Le Soir, et le délai de prescription des faits est de dix ans. Après Thibaut Radar, Laurent Pierard et Marie-Astrid Dembour, c’est désormais Jean-François Hauzeur qui est en charge du dossier. Pour préparer ses réquisitoires, le substitut doit d’abord éplucher plus de 500 procès-verbaux et digérer des milliers de pages.
Des inculpations pour détournement et blanchiment
Il lui faudra peut-être aussi réclamer des devoirs d’enquête complémentaires, certains des principaux protagonistes n’ayant pas été interpellés ni entendus, à l’image de Raphaël Geismar, qui n’a répondu à aucune de nos sollicitations. Ce collectionneur français est soupçonné depuis 2017 de s’être approprié le plus grand nombre de chefs-d’œuvre de Jacobs. Divers témoins affirment qu’il aurait acquis à Hong Kong les originaux des couvertures des deux tomes du Secret de l’Espadon et du Mystère de la Grande Pyramide, du premier épisode des 3 Formules du professeur Sato et de quelques-unes des planches les plus précieuses de La Marque jaune… Selon le journal Le Monde, des indices concordants autorisent à penser que le galeriste parisien Jean-Baptiste Barbier a joué un rôle d’intermédiaire dans ces transactions, effectuées via une filiale offshore de la société de machines de construction et de génie civil de Raphaël Geismar. Le nom de Jean-Baptiste Barbier figure sur la liste des inculpés.
Jean-Baptiste Barbier n’est pas le seul acteur réputé du 9e Art impliqué dans « l’affaire Jacobs ». Le premier inculpé, Alain Van Nyghen, patron de la 9th Gallery à Wavre, était soupçonné, lui aussi, d’avoir joué un rôle important dans le recel des originaux. Il est décédé l’an dernier. Avant sa mort, les enquêteurs ont pu mettre en lumière les connexions qu’il entretenait, tout comme Jean-Baptiste Barbier, avec Eric Leroy. Expert renommé au carnet d’adresses exceptionnel, Eric Leroy est à l’origine de la vente de l’original de bande dessinée le plus cher au monde : la couverture du Lotus bleud’Hergé, adjugée pour 3,8 millions d’euros (frais compris) chez Artcurial en 2021. Six ans plus tôt, il avait déjà vendu ni vu ni connu la précieuse couverture de La Marque jaune au baron Bich dans une transaction confidentielle à plus de 3 millions d’euros. Eric Leroy est inculpé pour « détournement et blanchiment ».
Dans l’entretien qu’il nous a accordé, l’expert se dit à la fois serein et choqué : « Je connais le dossier d’instruction par cœur et je m’étonne de la lecture qu’on en fait. Je n’ai rien d’un bandit de grand chemin. Qui peut prouver que cette couverture, pas plus que les autres planches vendues, étaient des pièces volées ? Personne n’a jamais exposé la couverture de La Marque jaune. Elle n’a été publiée nulle part, dans aucun ouvrage de référence sur l’œuvre. Elle ne figurait pas non plus dans l’inventaire notarial d’Edgar P. Jacobs au moment de la création de la Fondation. Etait-elle réellement dans le coffre de la Fondation, par ailleurs en voie de liquidation à la requête de Philippe Biermé ? Nul ne peut l’affirmer et les enquêteurs eux-mêmes n’ont pas été en mesure d’apporter de réponses à ces questions ! »
Daniel Maghen, acheteur d’originaux en gros
Un troisième galeriste de très haut vol, Daniel Maghen, figure également sur la liste des inculpés. Il a acheté et revendu, factures à l’appui, comme il nous l’avait déclaré en 2017, plus d’une centaine de planches et crayonnés du Secret de l’Espadon, du Mystère de la Grande Pyramide ou de S.O.S. Météores… Entre-temps, plus d’une trentaine de pièces ont encore été saisies par les enquêteurs dans les réserves de sa galerie parisienne en 2018, à titre conservatoire.
Daniel Maghen n’a pas souhaité réagir à ces informations mais le journal Le Monde a publié des chiffres édifiants : il a versé 3,8 millions d’euros à Philippe Biermé entre 2015 et 2016. Dans le même temps, il a, par exemple, revendu la couverture de L’Affaire du collier pour 700.000 euros et encaissé 9,13 millions d’euros pour la revente « officielle » de 88 planches de Blake et Mortimer. En 2017, il nous affirmait ne pas se sentir concerné par les questions « de morale et de patrimoine ». Il rappelait qu’Edgar P. Jacobs n’avait pas eu d’enfants, que le statut de sa Fondation mise en liquidation par Philippe Biermé n’était pas clair, et que l’absence d’un inventaire exhaustif des originaux ne permettait pas de savoir qui pouvait légitimement revendiquer la propriété des originaux. Ces arguments n’ont pas convaincu la justice belge qui l’a inculpé.
Des collectionneurs suisses entre respect et provocation
Un de ses clients, un collectionneur suisse, s’est montré beaucoup plus respectueux de la mémoire du créateur de Blake et Mortimer et de son patrimoine. Il a spontanément remis 25 originaux achetés à Daniel Maghen à la justice belge. Ils ont été confiés comme les autres pièces saisies par les enquêteurs à la garde de la Fondation Roi Baudouin dans l’attente de l’issue judiciaire de cette affaire. Le collectionneur a précisé que si un tribunal venait à confirmer que les planches ont bien été volées à la Fondation Jacobs, il accepterait de faire une croix sur les 2,5 millions de francs suisses qu’il avait dépensés de bonne foi pour les acquérir.
Un autre Helvète, le baron Antoine Bich, n’a pas eu cette élégance. Il a d’abord refusé de répondre à la convocation des enquêteurs belges. Une commission rogatoire s’est alors rendue en Suisse pour l’interroger à son domicile de Nyon. Les policiers ont été reçus par un homme d’humeur massacrante, se refusant à toute forme de coopération. Il n’a pas nié avoir acheté à Eric Leroy le joyau absolu de l’œuvre d’Edgar P. Jacobs, la couverture mythique de La Marque jaune, mais n’a voulu donner aucune explication sur la manière dont il est entré en sa possession, ni dire comment il l’avait payée et encore moins avouer où elle se trouvait. Bravache, Antoine Bich a conclu l’entretien en défiant les enquêteurs, lançant à la cantonade : « Je ne vous la rendrai jamais ! » En réponse à ce comportement jugé « manifestement suspect », son nom a rejoint la liste des inculpés pour « recel ».
Rendre les œuvres ou les millions à la Fondation Jacobs
Les témoignages convergents recueillis par Le Soir en 2017 laissaient supposer que le président de la Fondation Jacobs, Philippe Biermé, avait organisé un véritable trafic d’œuvres d’art au départ des coffres de l’institution dont il avait la garde. L’enquête coordonnée par le juge Claise confirme ces craintes. Le président déchu de la Fondation Jacobs a réussi à écouler des dizaines d’œuvres iconiques sur le marché de l’art, poussant l’indélicatesse jusqu’à les accompagner de certificats d’authenticité signés de sa main et à leur substituer des fac-similés dans les coffres… Il a pu compter pour s’en défaire sur la complaisance des plus avisés des galeristes parisiens.
La Fondation Jacobs, rétablie dans ses droits depuis l’inculpation de Philippe Biermé et dont le conseil d’administration a été entièrement renouvelé, s’est portée partie civile dans cette affaire. Cela pourrait lui permettre de récupérer les plus de 120 pièces saisies par les enquêteurs chez les collectionneurs et les galeristes, si la justice prouve qu’elles ont bel et bien été volées. En ce qui concerne les planches impossibles à retrouver, la Fondation serait par ailleurs en mesure de faire condamner les galeristes complices à reverser l’intégralité des millions perçus lors des ventes, mais cela ne remplacera jamais les œuvres spoliées. Dans l’attente des conclusions du substitut du procureur du roi et de la confirmation des inculpations, un procès ne semble pas envisageable avant 2025, au regard de l’encombrement du rôle judiciaire.
Deux grands collectionneurs belges saisis
Deux des plus grands collectionneurs belges ont été inculpés dans « l’affaire Jacobs ». La justice a saisi les 41 planches de Blake et Mortimer en leur possession mais tous deux plaident de leur bonne foi. Ils ont acheté avec facture à des marchands reconnus.
Deux des plus grands collectionneurs belges de bande dessinée ont été inculpés dans le cadre de l’enquête sur les planches de Blake et Mortimer volées par l’ex-président de la Fondation Jacobs dans les coffres de sa propre institution. Philippe Boon a acheté 39 planches pour sa Fondation, qui œuvre à la création d’un projet bruxellois de Musée de la bande dessinée. André Querton en possède une douzaine. Ils clament tous deux leur bonne foi dans cette affaire, assurant que rien ne permettait de mettre en doute l’honorabilité des galeristes, des experts ou des marchands d’art qui les leur ont proposées.
« J’ai le sentiment d’être en plein Kafka ! 6 ans après le début de l’instruction, la Justice semble être encore au stade de remettre en cause la bonne foi des acheteurs, sans doute le seul moyen pour elle de prolonger la saisie conservatoire sur les œuvres de Jacobs vendues », témoigne Philippe Boon inculpé pour « faux et usage de faux ». « Dès le début de l’enquête, une de mes planches ayant été saisie chez le galeriste parisien Daniel Maghen, j’ai apporté tous les renseignements et me suis tenu à disposition du juge d’instruction, c’est même moi qui ai demandé à être entendu. Sans succès. Un an plus tard, en plein covid, j’ai la surprise d’une perquisition à mon domicile ! Mes originaux Jacobs étant rassemblés dans une farde, je les ai confiés immédiatement aux inspecteurs. Après cette expérience, il me faudra encore attendre 22 mois avant d’être auditionné, à ma propre requête… J’ai constitué depuis 2010 une collection d’originaux BD du monde entier de 5.000 pièces environ, avec l’intention déclarée de les présenter au public dans un lieu dédié à Bruxelles. Comment peut-on imaginer que j’aurais accepté d’acquérir, au fil des ans, 39 pièces potentiellement litigieuses alors même que mon but est de les exposer dans un lieu public ? ! Ça n’a aucun sens ! »
Philippe Boon ajoute qu’il ne s’est pas méfié quand des galeristes renommés comme Daniel Maghen lui ont proposé des planches de Blake et Mortimer. « J’ai acheté mes planches de Jacobs à des marchands reconnus ayant pignon sur rue, à qui j’ai régulièrement acheté de nombreuses pièces d’autres auteurs. J’ai des preuves de virement et des factures pour toutes les transactions, sans exception. Avant de lire l’enquête sur Edgar P. Jacobs, fin 2017, j’ignorais tout de ce qui pouvait être ou non propriété de la Fondation Jacobs, si tant est que la propriété de la Fondation soit établie. Et cela ne change rien à la présence d’originaux Jacobs sur le marché depuis des années, notamment lors de ventes publiques de prestige proposant des pièces rares et de grande valeur. Pour en revenir à l’enquête, et la façon dont elle a été menée, je m’étonne quand même des différences de traitement réservées aux collectionneurs et des raisons d’inculper l’un et pas l’autre, comme si on avait choisi un premier échantillonnage de proximité, par facilité. En ce qui me concerne, j’espère sincèrement que dès la phase suivante, le procureur voudra prendre de vraies décisions, basées sur un examen factuel du dossier et non sur des suppositions infondées. »
Il y a trois semaines, après la clôture de l’enquête, Philippe Boon a obtenu de pouvoir récupérer ses 39 originaux. Ils font toujours l’objet d’une saisie conservatoire. Il ne peut ni les vendre ni les exposer mais ils sont de retour chez lui : « Après plus de deux ans de combat, je suis soulagé de pouvoir revoir mes pièces et de m’assurer de leur conservation dans les meilleures conditions. La bataille n’est pas encore terminée, mais je finirai bien par les exposer un jour dans mon lieu bruxellois. Je n’ai aucun doute que, tôt ou tard, ma bonne foi sera reconnue et mon honneur restitué. »
André Querton tient un discours proche de celui de Philippe Boon, tout en se refusant à tout commentaire sur son inculpation. Etant à la fois collectionneur et membre du conseil d’administration de Média-Participations, le géant français de la bande dessinée qui possède, entre autres, les Editions Blake et Mortimer et le Studio E.P. Jacobs, il se sent tenu à un devoir de réserve. « A la justice de faire son travail », nous dit-il.
Concrètement, André Querton possède 12 planches de Blake et Mortimer et a notamment acheté au marchand d’art Roland Buret une planche du Piège diabolique dont Edgar P. Jacobs avait lui-même signalé, en 1982, qu’elle ne lui avait pas été rendue par Maurice Horn après l’exposition 75 Years of the Comics. André Querton assure aujourd’hui qu’il ignorait tout des antécédents de cette pièce. « Roland Buret était un spécialiste reconnu des ventes d’originaux de Tintin. C’est dans ce contexte que nous nous sommes rencontrés et qu’il m’a proposé, il y a plus de vingt ans, cette planche. Je n’ai appris que bien plus tard que Jacobs l’avait réclamée de son vivant et que son propriétaire américain la détenait, selon l’auteur, indûment. Jacobs n’a pas utilisé le mot “volé”. Et par ailleurs, son propriétaire prétendait pour sa part que Jacobs lui en avait fait cadeau… Je précise que pour ce qui concerne les achats de mes planches, j’ai remis les factures officielles aux enquêteurs. »
Eric Leroy : « Moi je ne balance personne »
Expert vedette du marché des originaux de bande dessinée, Eric Leroy est désigné à son corps défendant comme l’un des personnages clés de l’enquête sur les planches de Blake et Mortimer dérobées dans les coffres de la Fondation Jacobs.
Eric Leroy a le carnet d’adresses le plus impressionnant dans le milieu des collectionneurs de planches originales de bande dessinée. La justice belge reproche à l’expert français d’avoir fermé les yeux sur la provenance suspecte des originaux de Blake et Mortimer et d’être au cœur d’une série de transactions opaques. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il balaie les arguments des enquêteurs et les renvoie à la question préjudicielle de savoir si la Fondation Jacobs est bien en mesure de prouver que les planches vendues étaient sa propriété.
« On essaie de me faire porter le chapeau dans cette enquête mais beaucoup d’originaux de Jacobs ont été vendus par d’autres personnes que moi, en quantité industrielle parfois… », souligne d’emblée Eric Leroy. « On parle de 247 planches encrées mais il y avait aussi les crayonnés, les calques… une quantité de choses circulaient sur le marché depuis longtemps. Personnellement, j’ai eu affaire avec Guy Imperiali, le demi-frère de Philippe Biermé. Il avait voyagé avec Hergé lors du premier congrès de bande dessinée de New York. Il n’avait jamais fait partie de la Fondation. Il avait en sa possession des planches récupérées dans des cartons qui traînaient partout lors de la liquidation de l’atelier de Jacobs, après son décès. Il en connaissait la valeur. Il est venu me les montrer plus tard. J’étais là au bon moment. J’avais les moyens de payer. Il m’en a vendu. J’ai des preuves d’achat. J’ai travaillé avec lui sur des ventes aux enchères. A la fin des années 1990, Roland Buret en a vendu aussi. Tout le monde semble l’avoir oublié. Le galeriste belge Alain Van Nyghen, qui aurait soi-disant été mon représentant en Belgique, n’a pas non plus eu besoin de moi pour mettre des pièces de Jacobs aux enchères à la Galerie Moderne, par exemple. Et il y a Marssignac. Ce coloriste bluffant du Studio Jacobs a joué les faussaires mais il en a aussi profité pour vendre quelques véritables originaux… Quant à Daniel Maghen, c’est le grand industriel de la vente d’originaux. Impossible de ne pas le savoir… »
Mais Daniel Maghen a toujours produit des factures aux enquêteurs, là où des témoins assurent qu’Eric Leroy préférait le troc. Le journal Le Monde s’est fait l’écho de ces transactions étranges en publiant un document daté du 4 février 2015, tombé du dossier d’instruction : « Je soussigné Eric Leroy, certifie avoir échangé la couverture à l’encre de Chine de La Marque jaune contre une BMW 328 de 1936 avec M. Bich, demeurant à Nyon en Suisse. Cette couverture fut acquise auprès de Philippe Biermé, ami de Jacobs. »
« Je démens catégoriquement ce qui a été publié dans Le Monde », nous répond Eric Leroy. « La violation du secret de l’instruction relève de la manipulation et peut être punie de trois de prison et de 45.000 euros d’amende en France. Moi je ne balance personne. Le tribunal jugera sur pièces de la responsabilité de chacun dans cette affaire. Ce n’est pas à la presse de conduire mon procès. Les soi-disant révélations sur ces échanges de voitures relèvent du dénigrement. Ce qui m’intéresse, c’est le fond du dossier. Les justices belge, française et suisse ont-elles la réponse à la question fondamentale de savoir si oui ou non les originaux vendus ou saisis appartenaient bien à la Fondation Jacobs ? Qu’est-ce qu’il y avait réellement dans les coffres ? C’est là que vous découvrirez qu’il y a eu beaucoup d’erreurs et de raccourcis dans cette enquête. L’instruction n’est pas terminée… »
Le dossier de l’affaire Jacobs est à présent entre les mains du parquet de Bruxelles
La Fondation Jacobs entend poursuivre le combat judiciaire pour récupérer son patrimoine dilapidé par son ancien président, Philippe Biermé.
Dans un communiqué du 14 décembre 2023, la Fondation E. P. Jacobs a fait savoir combien elle a été abusée par les agissements de son ancien président, Philippe Biermé, qui outre le pillage de ses collections, avait orchestré en 2016 une procédure de mise en liquidation judiciaire de l’institution créée en 1983 par l’auteur de Blake et Mortimer.
« Dès septembre 2017, à la suite d’une enquête approfondie de Daniel Couvreur, une salve d’articles paraît dans le journal Le Soir qui dénonce le pillage du fonds confié à la garde de la Fondation E.P. Jacobs », rappelle la Fondation. « On y apprend les relations troubles au sein du milieu de la bande dessinée entre le président de la Fondation, certains galeristes, intermédiaires et en fin de chaîne des collectionneurs fortunés. Cela est d’autant plus accablant que Jacobs avait mis à l’abri dans les coffres de sa Fondation tout son patrimoine pour le préserver des affairistes de la bande dessinée. Cette campagne de presse a provoqué l’ouverture d’une enquête pénale diligentée par le juge d’instruction Claise, spécialiste des affaires financières. »
Entre-temps, le 4 décembre 2020, un jugement a restitué la Fondation Jacobs d’utilité publique dans son état d’origine. Elle est redevenue de plein droit propriétaire de l’ensemble du fonds et son ancien président, Philippe Biermé, en a été exclu, car soupçonné d’avoir diverti à son profit une partie du patrimoine. Un nouveau conseil d’administration a été mis en place et les coffres contenant les originaux ne peuvent plus désormais être ouverts que conjointement par deux administrateurs, dûment mandatés à cet effet par la Fondation E.P. Jacobs, propriétaire du contenu, et en présence d’une représentante de la Fondation Roi Baudouin, titulaire des coffres.
« L’inventaire dressé par les nouveaux administrateurs a permis d’identifier les planches originales sorties des coffres pour ne jamais y revenir », précise encore la Fondation dans son communiqué. « Elles ont été mises sur le marché ou vendues en sous-main par des galeristes et intermédiaires sans scrupule au profit de collectionneurs peu soucieux de l’origine douteuse de leurs acquisitions. Sans compter la vente des couvertures de tous les albums de Blake et Mortimer, des crayonnés sur calques et de bon nombre d’illustrations et croquis. Le dossier est à présent entre les mains du parquet de Bruxelles, après clôture de l’enquête judiciaire et de l’instruction pénale. Afin de recouvrer son patrimoine, la Fondation s’est constituée partie civile aux côtés du Studio Jacobs. La Fondation E. P. Jacobs, établissement d’utilité publique, est déterminée à poursuivre son combat judiciaire pour récupérer son patrimoine ».