cachou a écrit:Par contre il y a un truc qui m'embette à moitié, dans l'univers des hèros DC j'ai pu comprendre qu'il y avait une sorte de continuité qui commence vers 1986 jusqu'à 2011. Mais meme si ce n'est pas obligatoire de lire une certaine continuité, je me demandais vraiment se qu'est se fameux "52"? Certains parlent de "crisis" c'est une crise j'imagine? mais de quoi?
Alors d'abord, faut pas que tu sois embêté.
Parce qu'au final, les changements dans la continuité sont pas si "confusionnants" qu'on pourrait le croire.
Dis-toi que c'est un peu comme Zorro : si tu lis les romans, si tu lis les BD ou si tu regardes la série télé avec Guy Williams ou les films avec Douglas Fairbanks, Tyrone Power, Alain Delon ou Antonio Banderas, tu restes tout de même dans le même univers. Certains apportent des éléments nouveaux à la saga (la série télé a amené le Sergent Garcia, par exemple…), d'autres s'inscrivent dans une continuité (la version Hopkins / Banderas présente un héritier à Don Diego…) mais si tu n'as vu que le Banderas, tu comprends quand même, et si tu n'as vu que le Delon, tu n'as pas non plus la nécessité de tout regarder pour "compléter".
Ou pense à James Bond, c'est un peu la même approche : on peut tout connaître ou picorer dans le corpus…
Les
comics de super-héros, c'est un peu la même chose. La différence majeure c'est que la production, c'est du flux continu, 20 pages tous les mois (et quand on parle de Batman, c'est à multiplier par six ou sept séries, quoi…). À ce rythme, on comprend vite que les choses bougent et évoluent, mais que les grandes lignes restent les mêmes.
Ce qui est valable pour Batman est, peu ou prou, également valable pour l'univers DC (ou l'univers Marvel, ou whatever).
Maintenant, les changements dans la continuité, les
Crisis, tout ça…
Alors pour situer super rapidement : DC, c'est un gros éditeur constitué de plus petits éditeurs qui se sont rassemblés au fil des rachats durant les premières décennies : National Periodical puis All-American Periodical absorbés par Detective Comics Inc, puis Fawcett, puis Charlton…
Les deux premiers rachats se sont faits dans les toutes premières années, donc les personnages vivaient des aventures en commun, mais les deux rachats suivants ont fait en sorte que les aventures des personnages récupérés se sont déroulées parfois dans des mondes à part. J'y reviens.
Autre chose importante, les super-héros ont connu un creux de la vague grosso modo de 1948 à 1956. Cette année-là, de nouveaux héros ont été créés, mais en fait, c'était des versions revisités des vieux personnages. Flash, c'était désormais Barry Allen, et plus Jay Garrick. Et il avait un autre costume. Et un jour, dans Flash #123 (en 1961), l'équipe créative a postulé que Barry Allen vivait sur Terre-1, et que Jay Garrick vivait sur Terre-2, deux mondes parallèles. Et paf, Barry arrive sur le monde de Jay, et il croise Jay, qui est plus vieux (parce qu'il vivait déjà des aventures dans les années 1940), mais qui est toujours en activité. Et comme les lecteurs ont aimé, DC a généralisé le système, ce qui a permis au récent Green Lantern (Hal Jordan) de rencontrer le vieux Green Lantern (Alan Scott…) et ainsi de suite.
Tout va bien, jusque-là ? C'est pas compliqué, hein ? Si ?
Bien.
Donc voilà que les vieux héros sont remis en selle, dans un monde alternatif, et font des apparitions dans les séries de leurs successeurs. Si bien que la Justice League rencontre son homologue de Terre-2, la Justice Society (vieux groupe des années 1940), dans des aventures "annuelles", souvent publiées dans les numéros de juillet et août. Ces aventures communes, où souvent un groupe allait sur le monde de l'autre, s'intitulaient des "Crisis" : "Crisis on Earth-2", "Crisis on Earth-Z", "Crisis on Two Worlds", ce genre de choses.
De là, dans l'esprit des fans, les "Crisis", c'était des rencontres de héros venus de mondes parallèles. C'était souvent des grandes sagas de SF, avec plein de héros et plein de vilains. L'expression était connue.
Toujours clair ?
Le premier gros changement intervient donc en 1985-1986, avec la parution de Crisis on Infinite Earths, une mini-série de 12 numéros, par Marv Wolfman et George Pérez, qui redéfinit en entier l'univers DC. Avant, il y avait plusieurs Terres parallèles (outre Terre-1 et Terre-2, il y avait la Terre avec les héros Fawcett, la Terre avec les héros Charlton…). Tout ce petit monde avait des séries, mais c'était compliqué pour les lecteurs (en tout cas, réputé comme tel) et pour les scénaristes.
Il a donc été décidé de faire le ménage, et Wolfman a proposé l'idée de l'Anti-Monitor, un gros méchant cosmique qui lance une sorte de vague d'énergie blanche qui efface une à une les Terres parallèles. L'enjeu de la série, c'est de récupérer les réfugiés des Terres menacées sur un seul monde, puis de vaincre le méchant.
Le résultat, c'est qu'en 1986, il ne reste plus qu'une seule Terre, où tous les personnages sont regroupés. Genre, le vieux Flash est là, le jeune Flash aussi, ainsi que Captain Marvel (personnage de Fawcett) ou Question ou Peacemaker ou Captain Atom (personnages de Charlton).
Cela implique que tout le monde cohabite, mais l'éditorial postule aussi que l'histoire a été réécrite, et que les héros des années 1940 ont TOUJOURS vécu sur cette Terre (et pas sur une Terre parallèle).
Ça se complique, là, hein ? Oui, je suis d'accord, mais c'est pas si grave.
C'est pas grave parce qu'il suffit de se dire que les aventures des vieux héros ont eu lieu dans le passé des héros plus récents, et c'est tout. À part quelques cas particuliers, ça pose pas de souci, en tout cas pas de souci grave qui empêcherait un lecteur français curieux de savourer le truc.
Autre avantage, ça renforce un côté "générationnel" vachement intéressant. Par exemple, pour Flash, on avait les aventures de Jay Garrick (le Flash années 1940), à côté de Wally West (le "nouveau" Flash héritier de Barry Allen) et de Bart Allen (le neveu, qui devient le nouveau Kid Flash / Impulse). Ça donne un côté "famille recomposée" qui est vachement intéressant et ça valide complètement la continuité passée.
Cette situation dure grosso modo jusqu'à Infinite Crisis (2005, je crois), qui inverse la situation : un Superman alternatif brise l'espace-temps et recrée les Terres parallèles. À nouveau, plein de mondes alternatifs. Mais comme les personnages DC restent grosso modo sur la même Terre, ensemble, pour le lecteur, ça change pas grand-chose : ça donne seulement la possibilité d'aller voir des versions alternatives, tout ça.
Le gros changement intervient en 2011, avec "New 52" (en France : "la Renaissance DC"). Grosso modo, l'idée éditoriale, c'est de faire redémarrer TOUTES les séries au numéro 1.
L'astuce est la suivante : Flash, dans son combat contre son double négatif Zoom, altère le passé et récrée la continuité (c'est la mini-série
Flashpoint). Mais c'est un monde catastrophique, limite post-apo, dystopique, et il fait son possible pour inverser le processus. Il y parvient, mais le monde qu'il a recréé n'est pas tout à fait celui qu'il avait connu.
L'éditorial s'empare de ce prétexte pour "rebooter" l'ensemble de son catalogue. Mais là encore, les changements, parfois importants, demeurent assez cosmétiques : Superman, par exemple, ses parents sont morts depuis des années alors que dans la version précédente ils étaient encore vivants, et il est célibataire alors qu'avant il était marié à Lois. Mais, tu le vois, ça ne change pas tant de choses que ça.
Deux séries notamment sont peu impactées par la réécriture de la continuité avec "New 52" :
Batman, ce qui permet à Grant Morrison de boucler sa vaste saga, et
Green Lantern, où Geoff Johns continue précisément là où il s'était arrêté. Et régulièrement on découvre dans les scénarios que des choses arrivées dans la continuité précédente sont toujours considérées comme valides dans la continuité nouvelle.
Donc, pour résumer : création de l'univers DC vers 1938, invention des Terres parallèles en 1961, fin des Terres parallèles en 1986, retour des Terres parallèles en 2006, reboot (partiel) de la continuité en 2011.
Dernier point : Pourquoi "New 52" ? D'une part parce que dans l'univers DC il y a 52 Terres parallèles répertoriées. D'autre part parce que DC publie à compter de fin 2011 52 nouvelles séries de super-héros tous les mois. Le chiffre renvoie bien entendu à la série hebdomadaire dont l'Oncle Hermès t'a parlé, également intitulée
52, et qui, comme d'autres séries hebdomadaires de DC (
Countdown ou
Trinity) parle de Terres parallèles.
Mais "New 52", c'est le terme qui décrit l'univers DC "d'aujourd'hui". Si tu prends les revues kiosques d'Urban comics, tu auras des récits "New 52".
C'est un peu long, comme explication, mais je crois que ça clarifie.
Et surtout, que ça rassure : ça reste quand même des considérations pour connaisseurs : ceux qui découvrent n'ont pas besoin de s'encombrer, et encore moins de s'inquiéter, de ça.