de Cromwell » 20/02/2014 19:39
"Si vous aimez les héros positifs, les histoires d'Anita Bomba ne vous concernent pas !"
>>> Cette citation tient toujours, même si elle est extraite d'une bonne vieille chronique dans le Soir (Belgique) à la sortie du tome 2 d'Anita Bomba en 1995 :
ANITA DANS DE BEAUX DRAPS, COMME QUOI, BIEN MAL ACQUIS REQUIERT UN BOULOT DINGUE
ROUYET,ROBERT
Page 35
Mercredi 10 mai 1995
BANDE DESSINÉE
ANITA DANS DE BEAUX DRAPS
Comme quoi, bien mal acquis requiert un boulot dingue
En un temps et un lieu que nous ne préciserons pas pour la bonne raison qu'ils sont improbables, Anita Bomba exerçait le douteux métier de casseuse, fric-fraqueuse, piqueuse, effracteuse, bref voleuse. Une activité lucrative certes, mais ô combien ! dangereuse, et qui ne peut se concevoir dans la solitude. Si l'on ne veut pas turbiner dans le mesquin, marner dans le gagne-petit, bosser dans le minable et ramasser des clopinettes, il faut un minimum de personnel.
Anita avait malheureusement usé tous ses complices successifs; il est vrai que son surnom de «Bomba» expliquait en grande partie le mauvais état physique de ses associés. Anita avait depuis toujours travaillé à l'explosif et ses partenaires y avaient tous laissé des plumes... ou plutôt un bras, une jambe, voire toute la tête dans le pire des cas.
Confrontée à l'état pitoyable dans lequel elle laissait invariablement les malfrats à son service, Anita avait jeté son dévolu sur un robot pour l'assister dans ses déplorables activités. Mais il faut admettre qu'elle avait singulièrement manqué d'intuition dans son choix lorsqu'elle avait embarqué Sig 14 en cambriolant la boutique d'un Altaïrien.
Cette ferraille souffrait - si l'on peut dire - d'un dédoublement de l'interface personnalité. Autrement dit, la boîte en fer-blanc se prenait successivement pour l'Attila des chambres fortes, Regulator le justicier ou encore Ivanhoé, défenseur de la veuve et de l'orphelin. Et, bien entendu, pas moyen de prévoir quelle personnalité Sig 14 allait adopter. Dans le genre complice peu fiable, on faisait difficilement mieux. Pourtant, cette honte de la cybernétique avait déjà rendu de fiers services à Anita. Et puis, que voulez-vous, on s'attache à ces mécaniques, même une fille comme Anita.
Ce duo maléfique allait rapidement devenir un trio infernal avec l'apparition du Mentor, un échalas d'une longueur interminable, le torse maigre revêtu d'un gilet de corps comme un beauf qui veut frimer en vacances, deux jambes blêmes filiformes et cagneuses émergeant d'un kilt au tartan familial. Une barbe noir jais hirsurte recouvrait son visage, le recouvrait même à un point tel qu'elle le dissimulait aux regards comme un masque; seuls les yeux en amande et une rangée de dents carnassières rendaient vivante cette face de moricaud. Le Mentor avait le chef coiffé de ce qui pouvait passer pour un chapeau de paille d'épouvantail. De la paille, pourtant, il n'en avait que l'apparence; confectionné en polymère aux bords aiguisés comme des rasoirs, le galure du Mentor se révélait à l'occasion une arme redoutable.
Ce gentilhomme de fortune était entré dans la vie d'Anita en la sauvant très galamment de la noyade. Il l'avait retenue en lui révélant qu'il possédait une carte de Kamala, la célèbre réserve d'or de l'empire dont tous les voleurs rêvaient mais qu'aucun n'était parvenu à approcher pour la bonne raison que nul ne savait où elle était située... ni même si elle existait vraiment. S'associer avec le Mentor, c'était s'assurer un avenir douillet.
AH ! CES AMAZONES RIGELIENNES,
QUEL ENTRAIN !
Tout cet indispensable préambule nous avait été conté dans le premier tome des aventures d'Anita Bomba, « Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours aimé faire chier les gens ». Quand s'ouvre le deuxième épisode, «C'est pas parce que je suis pauvre que je vais me priver», Anita et le Mentor sont, comme l'indique fort à propos leur chroniqueur, «dans de beaux draps tout en restant d'une chasteté exemplaire». Liés dos à dos à un poteau, ils sont prisonniers des Amazones rigeliennes, gardes d'élite de l'empire, emmerdeuses notoires et tortionnaires à leurs heures de loisir. Ces mochetés se sont mises en tête de faire avouer au Mentor l'origine de son plan de Kamala.
Les deux farfelus qui concoctent les histoires d'Anita Bomba pour Casterman sont le dessinateur Cromwell et le scénariste Éric Gratien
Si vous aimez les héros positifs, cette histoire ne vous concerne pas.
ROBERT ROUYET
« C'est pas parce que je suis pauvre que je vais me priver», par Cromwell et Gratien, éd. Casterman, 300 F.