Je n’ai jamais été un fan des productions Bonelli, comme je l’ai dit plus tôt. On ne peut pas ne pas reconnaître leurs importance pour l’histoire de la bande dessinée italienne, bien sûr (même si je ne suis pas sûr qu’elle ait toujours été positive).
Cela dit, si Bonelli a été un grand éditeur, depuis vingt ans au moins (et encore plus après la mort de Sergio Bonelli) il est dans une grande crise créative et même existentielle.
Faits, pas conjectures : pratiquement aucune des nombreuses séries lancées après l'an 2000 n’a survécu plus de quelques années, à l’exception de
Le Storie (qui, après de bons débuts, s’est rapidement transformée en un conteneur pour des histoires autrement invendables et souvent pas terribles),
Dampyr et
Dragonero (les seuls véritables succès des années 2000). Par contre,
Gregory Hunter, Brad Barron, Demian, Jan Dix, Caravan, Cassidy, Saguaro, Adam Wild, Lucas... même la très belle
Mercurio Loi (l’une des rares de cette liste que j’ai lue entièrement)... une véritable écatombe. Certaines ont été transformées
en fieri dans des mini-séries, donc on peut les lire de manière "intégrale" ; mais Bonelli a toujours travaillé sur le concept de "série infinie", et presque toutes ces séries ont été créées avec l’intention de les faire durer dans le temps, pas deux ou trois ans.
Tant et si bien que l'éditeur a cessé depuis quelques années de proposer de nouvelles séries pour les kiosques, et le peu de nouveautés sont envoyées directement en librairie (et en format album... à la française !), contredisant de manière éclatante la philosophie de Sergio Bonelli (= BD à bon prix et en kiosque). En revanche, il multiplie les gadgets pour gogos (que Sergio avait toujours refusé) et les prix, y compris ceux des albums pour les kiosques (où on peut trouver seulement les séries historiques —
Tex, Zagor, Dylan Dog, Martin Mystère, Julia, Dampyr et quelques autres), augmentent de plus en plus.
Même la "mission éducative" s’est résolue en un rien : aujourd’hui, les jeunes italiens lisent... des mangas, exactement comme en France ; et ceci malgré l’existence de albums Bonelli pour les kiosques à prix (encore et trèèès rélativement) compétitif.
Il est tellement en crise qu’il vient de lancer une collection de bandes dessinées françaises. Pas "à la française", mais françaises tout court : traduire, ça coûte moins que produire, évidemment. La dernière fois que Bonelli a publié des bandes dessinées sous licence, c’était dans les années 1980 (quand il publiait la version italienne du magazine
Pilote, dirigée par Tiziano Sclavi — le créateur de
Dylan Dog), et ça n’a pas bien fini.
Je suis content que vous soyez en train de lancer cette aventure éditoriale avec Alter Comics et je vous souhaite bonne chance. Mais je connais très bien Bonelli, comme beaucoup de lecteurs italiens de bandes dessinées, et j’ai mes propres idées à ce sujet.