Philemon écrit :
Je suis assez d'accord avec ton analyse du personnage, à part peut-être sur le côté "anarchiste revendiqué".
Je ne suis pas certain qu'il soit si anarchiste que cela, je ne me souviens pas d'ailleurs avoir jamais lu cela dans ses interviews. Je n'ai pas le temps de détailler, je repasserai plus tard pour essayer de le faire.
Disons qu’il est perçu ainsi.
Les « indignés » de Wall Street arboraient des masques de V, comme les Anonymous de la toile. Je ne sais trop s’ils se referaient à l’adaptation filmée ou à la BD.
Pour moi, la défiance envers le pouvoir institué est une constante dans son œuvre. C’est en ce sens qu’à défaut d’être un anarchiste pur jus –mon mot était fort- on peut dire, je crois, qu’il est anarchisant.
Dans V, le personnage central cherche non seulement à annihiler les rouages bureaucratiques de l’Angleterre fascisante à coup d’attentats et d’exécutions des agents de la Main ou de la Tête, mais aussi à réveiller un vrai courant libertaire en utilisant les médias. La liberté encadrée, pour notre bien dirait-on aujourd’hui, n’en est pas une : c’est le sens de son dialogue schizo’ avec la statue de la justice qui est aveugle…
V offre une liberté compète aux anglais, sans état (une anarchie au sens strict), liberté leur est donnée de choisir leur destin.
Dans Watchmen le pouvoir corrompt insidieusement Nixon (pouvoir politique), le Comédien (pouvoir militaire) et Veight (pouvoir économique).
Dans From Hell, l’état anglais est noyauté par des F. M., cooptés dont les intérêts sont sordides et qui refusent que des autorités légales comme l’inspecteur Alberline puisse arrêter un des leurs. Ainsi, celui que les journaux nomment Jack the Reaper est jugé par ses pairs…
On retrouve encore cela dans son œuvre mainstream comme Wildcats : Dans son run, les membres de l’équipe arrivent sur la planète d’origine de Maul, d’Emp et de Zealot, le gouvernement Kherubim présente un tableau utopique, mais est en fait divisé en de nombreuses factions antagonistes et son pouvoir repose sur l’organisation d’un véritable apartheid contre les peuples qui ne sont pas Kherubim en particulier les Daemonites…
En ce qui concerne la biographie traduite de l’anglais et disponible chez Dargaud, le vieux fan n’apprendra pas grand-chose, mais ce livre deviendra vite une vraie bible pour le néophyte. Le vieux fan se le procurera aussi, ne serait-ce que pour la beauté des illustrations et la rareté de certaines photos publiées. Et en plus, le livre est beau. Que demander de plus ?
Pour en revenir à Neonomicon, j’ai entrepris sa lecture hier.
Le dessin de J. Burrows est très efficace et angoissant, comme d’habitude.
Avatar a eu la bonne idée de reproduire en introduction The Courtyard qui est la prequelle de Neonomicon. L’histoire de Neocomicon commence en effet peu après la fin de Courtyard.
C’est une histoire lovecraftienne bourrée de références – trop peut-être- au mythe des Grands Anciens, mais Moore y met son grain de sel. Le Necronomicon est, littéralement ,"le livre des noms morts", le Neonomicon est celui des "noms vivants"… Mais, je n’en dirai pas plus, je n’ai eu le temps que de survoler l’œuvre qui est quand même déconcertante : mais je ne dis pas qu’elle est ratée !
Enfin, pour répondre à Philemon au sujet de la politique éditoriale d’Avatar, on peut effectivement dire que celui-ci tente de sortir des sentiers battus en publiant des œuvres « particulières » d’auteurs reconnus comme Warren Ellis (on y trouve la reprise du webcomic Freakangels qui vient de s’achever dans un sixième tome, Supergod, Gravel, Captain Swing, etc.) mais qui trouvent chez Avatar un moyen de se livrer à des expérimentations graphiques et narratives impossibles chez DC ou Marvel car cela ne serait pas assez « bankable ».
En outre, cet éditeur propose, lors de la sortie en TPB, deux versions identiques dans leur contenu, mais pas dans leur prix : une brochée pour les budgets serrés, une reliée pour les plus fortunés. Au moins chez Avatar, on a le choix. Si DC et Marvel pouvaient en faire autant…
PS. Il a quand même tenu deux semaines à découper les moutons ! Chapeau de sa part !