Avant hier soir, j'ai eu l'heur de découvrir à la télé le film
Adèle Blanc Sec, le film de Luc Besson d'après l'oeuvre de Tardi. J'ai pris plaisir à suivre l'agréable divertissement que constitue ce long métrage, plusieurs années après sa sortie en salle.
Je vais rarement au cinéma. Je me suis récemment laissé entraîner en salle obscure pour y apprécier
Amin de Philippe Faucon et
Les Rives du destin d'Abdolreza Kalani (film iranien). Je regarde également assez peu la télévision du fait que je n'ai pas d'abonnement aux chaînes payantes et par manque de temps, ne disposant pas de celui qui serait nécessaire pour voir seulement tous les films ou docus de France TV qui m'intéressent. Et que je tiens à consacrer un peu de temps à la lecture (le plus souvent autre que de la BD) qui me procure davantage de plaisir et de satisfactions que les flots d'images sur écran.
Les derniers programmes tévé que j'ai vus étaient un documentaire sur la police de Vichy (sous entendu pendant l'Occupation, pas actuellement), un autre docu sur le sinueux parcours politique de (l'infâme) Doriot et la mini-série loufoque
"Coin-coin et les z'inhumains". Et deux jours plus tôt, j'ai eu le loisir de mater un chouette film enregistré il y a plusieurs semaines (ou mois)
"Que la fête commence !" de Bertrand Tavernier (1975).
La plupart des films que je voudrais voir ne passent pas à la téloche, en tout cas pas sur les chaînes "gratuites" qu'offre la TNT.
J'aime beaucoup le travail de Jacques Tardi mais je connais en revanche mal les films de Besson, fréquentant assez peu les salles obscures. Je n'ai dû voir que
Le Grand Bleu et
Nikita, tous les deux à leur sortie (ça ne date pas d'hier). Et un réflexe incontrôlé m'incite le plus souvent à me dérober devant les films tirés de BD à succès (les trucs de super héros, Astérix, Spirou, Gaston, Tamara, Blueberry, Michel Vaillant, etc... Je n'avais donc, en toute logique, pas vu le dernier Valérian ni Adèle Blanc Sec. Mes rares expériences dans cette veine sont
Le mystère de la Toison d'or (Tintin) vu dans mon enfance, un Batman avec Nicholson (vu à la téloche quand le gamin devait avoir 12 ou 13 ans) et c'est à peu près tout.
Je devais donc me trouver dans des dispositions particulièrement favorables avant hier (cela faisait très longtemps que je n'avais pas lu un album d'Adèle Blanc Sec) en décidant de rompre avec mes habitudes. Je ne l'ai pas regretté. C'est bien filmé, les acteurs incarnent bien les personnages et l'humour est omniprésent, avec de temps à autre du deuxième degré. Je dis deuxième et pas second, parce que je subodore qu'il doit même y avoir un troisième degré, mais il est toujours plus difficile à déceler. Le scénario est pas mal ficelé et il n'y a aucun temps mort. (Il y a des longs métrages où les silences et la lenteur font partie de la majesté, de la beauté du film. C'est le cas d'Amin, évoqué un peu plus haut, ou de la romance
"Un homme et une femme" de Lelouch (récemment revu avec plaisir sur France TV) ou du
"Grand Bleu" pour rester avec Besson.
Dans les albums d'Adèle, il se passe pratiquement tout le temps quelque chose également, mais au rythme lent de l'époque (chevaux et premières voitures automobiles, trains à vapeur) et l'on a le temps de respirer entre deux cases, ne serait-ce que grâce au texte assez dense qui empêche de passer trop vite à la vignette suivante.
Pour en revenir au film : je mettrai un petit bémol concernant l'intonation et l'accent de l'actrice dans le rôle principal, lesquels sonnent très, mais alors vraiment très contemporain.
Mais ce léger anachronisme semble être voulu par le réalisateur qui vise un public très large. J'en conviens, cela ne déprécie pas le film qui n'a pas la prétention d'être réaliste. On n'est pas dans un docu-fiction sur la IIIe République, mais dans la caricature, ce qui n'empêche nullement de se sentir parfaitement immergé dans cette époque et, à ce titre, l'adaptation est réussie. On retrouve ici ou là, dans le film, l'humour caustique de Tardi qui fait mouche, parfois mieux qu'un long discours. Sur la peine de mort, par exemple, le bourreau décapité à la place du malheureux condamné par suite de savoureuses péripéties est d'une grande drôlerie ainsi que les dialogues de celles et ceux qui viennent assister à l'exécution, laquelle constitue pour eux un spectacle divertissant. Là, ces personnages de fiction ont de quoi être ébaubis.
Je ne m'attarde pas sur les effets spéciaux et les cascades (qui ne sont pas ma tasse de thé) mais il en faut inévitablement pour transposer à l'écran ce type de BD. Besson ne semble pas avoir été gêné par le manque de moyens.
Le lecteur de BD qui sommeille en moi a apprécié dans les deux dernières minutes du film, l'apparition en cameo de Jacques Tardi, coiffé d'un chapeau melon et vêtu de sombre, comme les personnages qu'il dessine, accompagné de son épouse m'a-t-il semblé. Un bon point également pour le recours aux prestations musicales et vocales de Thomas Dutronc et Catherine Ringer, venus apporter leur concours au compositeur de la bande son.
En conclusion : ce n'est pas le film du siècle, mais un bon travail de pro, parfaitement maîtrisé et qui ne trahit pas l'oeuvre originale, ce qui mérite d'être souligné.
J'ai une soudaine envie de me replonger dans la geste d'Adèle, du coup. C'est un peu le but, en plus de distraire, non ?
Le gros bémol vient d'ailleurs et n'est pas imputable au réalisateur mais à la chaîne C8 qui diffusait le film. Le programme annonçait un démarrage du film à 21h10 ; or, il n'est intervenu que dix minutes plus tard. Que ce soit à l'écran ou dans les magazines télé (Télérama inclus), on semble considérer que ces 10 minutes de publicité font partie intégrante du film. Ainsi que les deux inserts publicitaires (d'au moins douze spots pendant le film). Personnellement, je bloque la téloche, vaque à d'autres occupations pendant 15 minutes, puis je reviens me planter devant le poste et actionne l'avance rapide pour reprendre le fil de l'histoire sans me taper le bourrage de crâne publicitaire. On lutte comme on peut contre le lavage de nos petits cerveaux, déjà suffisamment menacés comme cela.