Cooltrane a écrit:Je suis autant pro-Rushdie que l'Occident peut l'être (de plus, vous connaissez tous mon dégoût des religions), mais c'est SON caca, et c'est l'Occident qui douille pour sa protection depuis 33 ans. Voilà pour l'empathie, parce que je n'ai jamais remis en cause sa protection.
Je suis +/- au parfum de ce que la vie cachée implique, et je compatis et je comprends qu'il devait encore gagner sa croûte pour vivre.
Alors, faire des sorties dans des événements high-profile, c'est certes "brave", mais pas nécessairement intelligent. (Sans compter que ces sorties devaient exploser les budgets de sa protection, d'autant plus qu'il y a eu un retour à la une plus tôt dans l'année)
Alors, les envolées lyriques sur son "courage"...
Je ne peux m'empêcher de penser à une autre auteure aussi sous le coup d'une fatwa datant de 1993 - renouvelée en 2007. Talisma Nasreen. On en parle bcp moins (p-ê parce que c'est une femme?), sans doute aussi parce qu'elle n'a pas commis de blasphème sur les "écritures" à proprement parer, mais dénoncé les conditions de ses sœurs. Elle vit encore sous surveillance à Paris, je crois.
Toute cette affaire ne me semble pas aussi simple que cette manière de la résumer.
Je ne sais pas si tu as écouté l'émission que j'ai suggéré plus haut mais si c'est le cas, tu as peut-être entendu comme moi les propos suivants (je ne cite pas tout, ce serait trop long) :
« Il faut rappeler que Salman Rushdie, à cette époque, s'est pris les critiques de l'ensemble de l'establishment politique. Il a été défendu par les écrivains. C'est peut-être la dernière fois que la communauté internationale des écrivains a réagi unanimement pour défendre la liberté d'expression. En revanche, les politiques, de Jacques Chirac à Margaret Tatcher en passant par toute la classe politique de droite, a eu exactement la même réaction que certains membres de la gauche radicale aujourd'hui : il ne faut pas provoquer. »Sauf erreur de ma part, ça ressemble très fortement à ce que tu exprimes, Cooltrane.
Ça ressemble aussi très fortement à certaines réactions que l'on a pu entendre après l'attentat de Charlie quand le journal a décidé de poursuivre ce qu'il faisait sans rien changer : s'exprimer librement.
Je ne sais pas si tu es de droite ou de gauche et, pour être franc, je m'en fous royalement. Mais dire que ce problème ne concerne que Salman Rushdie me semble très simpliste. À mes yeux, ça concerne la liberté d'expression et, à travers Rushdie et au-delà, c'est elle qu'il faut défendre. En offrant à Rushdie et à d'autres les moyens de s'exprimer librement plutôt que de leur suggérer de fermer leur gueule et d'accepter sans broncher la terreur qu'imposent certaines personnes à d'autres et d'aller se terrer dans un trou en tremblant de tous leurs membres, uniquement parce qu'ils ont exprimé ce qu'ils pensaient.
Je ne veux pas vivre dans un tel monde. Et je trouve tout à fait normal qu'un écrivain de renommée mondiale puisse tenir des conférences. Ce qui est anormal, c'est qu'on puisse attenter à sa vie pour ça. Le problème ne vient pas de Rushdie, ce n'est absolument pas
« SON caca » comme tu sembles le penser. Il n'a fait qu'exprimer ce qu'il pensait.
Oui, on peut aussi penser à Talisma Nasreen (que je ne connaissais pas, je vais creuser) mais elle et Rushdie sont bien loin d'être les seuls. Ils sont très nombreux à se faire flinguer pour avoir exprimé leurs idées.
Mais ces personnes ne doivent pas se terrer et se taire.
Est-il normal de simplement penser qu'elles devraient le faire ? Je ne le pense pas. Mais alors, pas du tout.
À ce propos, Rushdie s'exprime également (toujours dans l'émission) :
« J'ai compris de bonne heure qu'il fallait que je laisse les questions de sécurité aux gens qui sont là pour s'en occuper. Moi, il fallait que je continue avec le processus d'être moi-même et de survivre en tant qu'être humain ».