Déclaration d'amour ? Mais oui, pourquoi pas...c'est incontestable.
J'associe bien entendu Hergé à Tintin mais autant les dessous des diverses éditions m'intéressent, autant la vie privée d'Hergé ne m'intéresse pas plus que ça. J'ai lu quelques ouvrages "indispensables" sur lui et ça me suffit pour me faire une idée, le reste n'interfère en rien le plaisir que j'ai à lire les albums donc...
L'intérêt post-mortem vis à vis de Tintin et Hergé se porte effectivement à deux niveaux : l'oeuvre et l'auteur.
Sans doute parce qu'il est, quoi qu'on puisse en penser, à la base de la BD qu'on connaît aujourd'hui, qu'il a marqué fortement de nombreuses générations de lecteurs et surtout parce que son oeuvre (je ne parle que de Tintin) est sinon parfaite du moins de très haute qualité.
Je pense aussi qu'il y a une différence d'approche entre ceux qui ont grandi avec Tintin, qui lisaient les albums à parution (du moins pour les versions couleur) et ceux qui ont découvert Tintin sur le tard voire après la disparition d'Hergé.
L'impact de cette série est énorme sur la génération des quinquas et plus
, on a tous appris quelque chose dans Tintin, chose qu'on n'a jamais oubliée.
Il ne faut pas perdre de vue que lorsque les autres grands auteurs sont apparus, Hergé en était déjà à la refonte de ses albums en couleurs...il avait de l'avance, le bougre...
Encore aujourd'hui, en relisant certains albums, je redécouvre des choses et notamment l'humour, d'une façon différente de celles découvertes à la première lecture étant enfant...c'est étonnant.
Vu son ancienneté, il est normal que l'on se soit intéressé au phénomène mais il y a d'autres séries très anciennes dont on ne parle plus qu'à titre d'aspect historique de la BD ou de documentation alors que Tintin reste vivant aujourd'hui, que ça vaut encore le coup de l'analyser, que ce soit dans le contexte historique de sa création ou de l'évolution des personnages quand ce n'est pas carrément via une nouvelle version (Ile Noire).
Les aléas de l'édition, le contexte de la guerre, l'évolution des moeurs et d'Hergé lui-même, tout cela a un impact sur son oeuvre, on peut s'en rendre compte entre les premiers albums (hors Soviets, Congo et Amérique trop décalés aujourd'hui) et les derniers (hors Vol 714 et Picaros un peu en-dessous).
On sent que l'auteur a mûri, qu'il veut aborder d'autres thèmes (Coke en stock, Tibet), qu'il se remet en question (Bijoux), qu'il essaie un côté plus sérieux (Affaire Tournesol). Il ne s'agissait pas pour Hergé de faire "son Tintin annuel", il s'impliquait personnellement et je ne pense pas qu'il y ait eu quoi que ce soit de gratuit dans son travail.
J'ai lu énormément de BD dans ma vie, depuis près de 60 ans, mais je n'ai pas d'exemple d'une série qui ait eu autant d'impact sur ma vie, de lecteur mais aussi sur le plan personnel. Tintin est une série qui pouvait faire réfléchir (ou du moins apporter une certaine connaissance à) ses lecteurs.
Mais tout ça pour un jeune lecteur d'aujourd'hui doit sembler incompréhensible, l'approche de la BD étant totalement différente de nos jours par rapport aux années 50.
Le seul qui s'en approche pour moi comme je l'ai dit est Jacobs avec Blake et Mortimer mais malheureusement avec moins d'albums et surtout une volonté différente. Je vais peut-être pousser un peu loin mais j'ai l'impression que là où Hergé voulait "éduquer" son lectorat, Jacobs ne voulait que le distraire.
L'impact de Jacobs était surtout visuel alors que Tintin s'attachait plus aux sentiments, à la réflexion...
Reste l'aspect graphique qui peut rebuter certains mais examinez le découpage de certaines planches, la simplicité du dessin, l'efficacité du trait, le rythme qu'il pouvait mettre...ce n'est pas critiquable.
Sans doute qu'Hergé n'était pas le plus grand dessinateur du monde mais il a réussi l'alchimie entre un dessin simple, expressif, accessible à tous et une série de scénarios moins "premier degré" qu'on pourrait le penser ou du moins qui proposait plusieurs niveaux de lecture au travers des années.
La BD a évolué, les sujets sont différents, les dessinateurs explorent de nouvelles voies...les scénaristes aussi, on ne peut plus comparer Tintin à ce qui se fait aujourd'hui mais, pour rester dans les citations
, et comme disait Audiard : "Le prix s'oublie, la qualité reste..."