fenip a écrit:collectionman a écrit:Info Groupe Louis Vuitton
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Pierre STERCKX , personnage reconnu du monde de la bande dessinée , a sélectionné 11 artistes et mise en scène avec David Rosenberg , une exposition intitulée " Turbulences "à l'espace culturel LOUIS VUITTON .
A n'en pas douter Pierre STERCKX poursuivra la collaboration avec le Groupe pour de nouveaux accrochages
( dont oeuvres liées à la bande dessinée ) au sein de la Fondation VUITTON dont le magnifique batiment a été dessiné par l'architecte Frank GEHRY
Il y avait déjà un autre expo dans l'espace LV avec du David B...
Absolument
La Galerie Anne Barrault (22 rue Saint-Claude, à Paris) expose des œuvres d’artistes contemporains et d’auteurs de bande dessinée tels que Jochen Gerner, Killoffer ou David B. En 2003, elle a notamment présenté la première exposition en galerie de l’OuBaPo (Ouvroir de Bandes Dessinées Potentielles).
PILAU DAURES : Pour commencer, pouvez-vous donner les raisons qui vous ont conduite à exposer des auteurs de bande dessinée ?
ANNE BARRAULT : La première exposition a été l’OuBaPo, en 2003. A l’origine, il me semblait que de nombreux artistes étaient influencés, même à leur insu, par l’univers de la bande dessinée, sans pour autant en fréquenter assidûment la production considérable. De plus, cet univers était traversé par des évolutions importantes, avec une volonté d’ouverture et d’élargissement, et un haut niveau d’expression graphique. La création en 1990 de l’Association, par Jean-Christophe Menu, Lewis Trondheim, David B., Mattt Konture, Patrice Killoffer, Stanislas et Mokeït y a largement contribué.
Il s’agissait donc de tenter d’établir une passerelle entre une production littéraire en images et les arts plastiques, sans pour autant devenir un lieu dédié uniquement à cette filiation. Les expositions de bande dessinée, en général, m’ont parfois paru ennuyeuses, car m’obligeant à lire un livre sur le mur. S’est alors posé le problème de la forme de l’exposition. Grâce à Etienne Lécroart, qui m’a parlé de l’OuBaPo, j’ai pu rencontrer les membres et leur proposer une exposition. Les artistes de l’«Ouvroir» ont accepté d’y participer, parce qu’ils travaillent précisément à partir de contraintes, et qu’ils étaient donc intéressés par la question de savoir ce qu’ils exposeraient, s’ils ne montraient pas de planches. Cette contrainte a été respectée par tous, qui ont apprécié l’expérience. De là, j’ai tissé des liens avec Jochen Gerner qui, lui, appartient aux deux univers, celui de la bande dessinée et celui de l’art contemporain. Puis j’ai rencontré Killoffer et David B. Et si je les représente aujourd’hui, c’est parce qu’ils avaient envie d’exposer. Pour eux, composer des dessins pour un mur alimente leur travail de bande dessinée, et réciproquement.
PLD : Qui vient voir ces expositions ?
AB : Quand Killoffer est présenté, s’il y a des gens du milieu de la bande dessinée qui viennent, en général, ils ne s’attardent pas, en constatant qu’il ne s’agit pas de planches. Ils ne prennent pas toujours le temps de regarder le dessin, car ce n’est pas ce qui les intéresse. C’est un fait que les amateurs de bande dessinée sont peu nombreux à venir à la galerie. En revanche, le public de l’art contemporain est présent.
Ainsi, lors de l’exposition de David B., qui a connu un certain succès, les visiteurs ont découvert son travail de dessinateur, sans avoir lu ses bandes dessinées auparavant. Certains ont alors acheté ses livres.
PLD : C’est donc un public d’art contemporain qui vient sans forcément savoir qu’il s’agit d’un auteur de bande dessinée ?
AB : Oui. Nous envoyons des invitations au vernissage à notre fichier habituel. Parmi ceux qui viennent, la majorité découvre un nouvel artiste.
PLD : Les amateurs d’art contemporain qui achètent des œuvres d’auteurs de bande dessinée se caractérisent-ils différemment des autres ?
AB : Non. A propos de David B., les acheteurs ont eu un coup de foudre. Ils ne connaissaient pas David B., mais ils ont acheté tout de suite. Et on ne peut pas dire qu’il s’agit d’un public plus jeune que les amateurs habituels.
PLD : Le projet de départ, qui était de construire une passerelle, est-il couronné de succès ?
AB : Ces expositions ont permis de faire découvrir des auteurs de bande dessinée que le public de l’art contemporain ne soupçonnait pas. Nombre de visiteurs viennent vers moi et me disent : «moi, je ne connais pas, je n’ai rien lu…» Certains, désormais, regardent la bande dessinée d’un autre œil, alors qu’ils n’en lisaient plus depuis longtemps. Les films d’animation tels que Valse avec Bachir ou Persepolis en ont également révélé l’intérêt et la valeur.
PLD : Que se passe-t-il lorsque des dessins de Killoffer sont présentés, par exemple ? Renvoient-ils à la bande dessinée, ou y-a-t-il un Killoffer dessinateur de bande dessinée, et un Killoffer dessinateur en soi ?
AB : Il se peut qu’il y ait deux Killoffer, parce qu’il a une pratique très différente quand il travaille à l’encre, et quand il travaille à la mine de plomb. C’est justement ce qui en surprend beaucoup. Ceux qui connaissent ses bandes dessinées, et qui, tout d’un coup, regardent ses dessins à la mine de plomb, ont quelque peine à s’y retrouver. Ils identifient cependant son univers et son humour. Mais avec la dernière exposition, ils sont très étonnés : pas un personnage, un travail au crayon noir. Formellement, c’est très différent.
PLD : Les dessins exposés vous paraissent ils narratifs ?
AB : Ils le sont, parce qu’effectivement, ils peuvent raconter une histoire. Les titres sont évocateurs. Par exemple, si on connaît un peu l’univers de David, il parle de la même chose dans ses dessins et dans ses bandes dessinées. Les deux sont autobiographiques.
PLD : Jochen Gerner parle de mécanismes de micro édition mentale : dès lors qu’on accroche deux dessins côte à côte, ça déclenche un mécanisme de lecture. Vous le vérifiez ?
AB : C’est l’enjeu de l’exposition : l’artiste offre son travail à des regards qui projettent ce qu’ils ont envie de projeter. On peut faire jouer entre eux deux dessins, mais je pense qu’un seul suffit. Souvent les artistes travaillent sur un sujet précis, mais le regardeur peut se livrer à une interprétation différente de celle voulue. Il suffit d’un dessin pour imaginer, pour se raconter une histoire.
PLD : Les auteurs s’impliquent ils dans l’accrochage ?
AB : Bien sûr. C’est ensemble que nous choisissons les encadrements et procédons à l’accrochage. David avait conçu un nombre précis de dessins, en fonction de l’espace de la galerie. C’est le travail de mise en espace : de même que l’artiste produit un certain nombre de dessins pour le livre, il en produit un certain nombre pour l’exposition.
PLD : Sur une planche, la taille d’un dessin détermine celle des autres. C’est donc vrai aussi pour la conception des dessins pour une exposition ?
AB : C’est vrai pour tous les artistes. Ils savent qu’ils exposent ici, et vont donc concevoir un projet en fonction du lieu qui les accueille. Killoffer va, par exemple, être accueilli au musée de l’Abbaye Sainte Croix des Sables d’Olonne[1] : Il y est allé pour s’imprégner du volume. Il est en train de concevoir des dessins pour qu’ils occupent harmonieusement cet espace. Ce n’est pas la même chose d’investir 200m² ou 30m². C’est une donnée essentielle.
PLD : Le travail de Gerner est un peu différent : il part du livre pour aller au mur. Est ce que ça change quelque chose d’accrocher des livres transformés ?
AB : Le livre n’est plus présent du tout. En fait, c’est plutôt le document imprimé, au sens large, qu’il détourne : des cartes postales, des cartes de géographie. Nous exposons aussi les Dessins téléphoniques de Jochen. Ils y sont tous, à savoir 80 pages, encadrées, montrées sur sept lignes de douze pages chacune.
PLD : Ce qui est intéressant, c’est la quantité, la hauteur, le volume qui sont des signes appelant à autre chose que la lecture.
AB : Il en va de même pour ses livres de Dessins téléphoniques,[2] qui ne sont pas à lire en continu, mais à butiner.
PLD : Cela pose la question de la distance. A quelle distance se met-on pour regarder ?
AB : Parfois, avec les Dessins téléphoniques, le public est plus attentif s’il n’y en a que quelques-uns ; trop nombreux, il est un peu freiné par la quantité, mais trouve que visuellement, c’est très beau. Pour TNT en Amérique, nous avions exposé l’ensemble des planches originales à la FIAC, présentées dans deux grands cadres. Et de loin, domine l’impression de voir une ville la nuit, puis plus près, apparaît ce texte. Plus près encore, surgit une matière un peu étrange, l’encre, la page gondolée. Cette œuvre offre des lectures très différentes. TNT en Amérique, le public adore, même s’il ne prend pas le temps de lire tous les mots.
PLD : Il s’agit du même matériel dans un livre et au mur. Qu’est-ce qui change entre les deux configurations ?
AB : Il y a une différence entre le dessin original et le livre imprimé.[3] J’ai exposé les couvertures originales de l’Ascension du Haut Mal de David B.,[4] parce que c’est un travail à l’encre, très beau, qui n’est pas apparent à l’impression. Pour le livre, il y a une couleur jaune, le logo, etc. Pour Jochen et TNT en Amérique, c’est à peu près la même chose. L’édition utilise un noir «Photoshop» et on n’a plus du tout cette encre noire, superbe à voir. Le lettrage a aussi été changé, alors que dans l’œuvre exposée, on retrouve le lettrage d’Hergé. Il y a cette matière dans l’œuvre originale qui ne transparaît pas du tout dans le travail d’édition. C’est identique pour les Dessins téléphoniques. Dans le travail d’édition, il n’y a aucun relief, alors que dans les pages accrochées en galerie, l’artiste peut utiliser du «Tipp-ex», du stylo bille, parfois un peu de gouache, etc., et du papier libre. Enfin, ce n’est pas la même chose de lire une page après l’autre, et de voir toutes les pages étalées sur un mur. Jochen en est à son troisième carnet de dessins téléphoniques. Il lui faut deux à trois mois pour remplir une page, c’est un travail long et minutieux.
PLD : Il y a une différence entre l’accrochage des dessins téléphoniques sur un mur entier et l’accrochage de l’intégralité des planches originales d’un album de Baru, Autoroute du soleil,[5] puisque ce sont deux travaux conçus à des fins différentes au départ. Dans ce cas, où situer les couvertures de l’Ascension du Haut Mal que vous avez exposées ?
AB : Effectivement, quand David a conçu ces couvertures, elles étaient destinées à ses livres. Mais quand on voit l’ensemble, il devient évident qu’il faut les exposer. Il y a une véritable progression, l’encre noire se répand, et les personnages grandissent. C’est totalement emblématique du travail qu’il a fait sur lui et son frère, et traduit tout son univers. Il a accepté que nous exposions ces couvertures, car cela faisait sens. Au Salon du dessin, la plupart des visiteurs ne connaissait pas David B., mais ont apprécié son travail, sans besoin d’explication.
PLD : En termes de prix, est-ce que les œuvres d’auteurs de bande dessinée sont du même ordre de prix que celles d’autres artistes ?
AB : Quand j’ai commencé à exposer TNT en Amérique ou Killoffer, j’ai demandé le même prix que pour les artistes de la galerie. Les amateurs de bande dessinée qui sont venus ont été surpris par les tarifs. En effet, dans le milieu de la bande dessinée, l’habitude est de faire des séances de signatures chez un libraire à la sortie d’un livre, et d’exposer quelques planches qui sont achetées dans la foulée, très vite, mais à des prix modiques. Finalement, les auteurs se retrouvent un peu frustrés que beaucoup de planches, souvent les meilleures, soient parties, au bénéfice de l’acheteur. Du coup, il y a des manques dans leurs planches originales, et au moment d’une exposition, ils n’ont plus grand-chose à montrer. Le travail d’une galerie, c’est, entre autres, d’éviter la dispersion anarchique des œuvres. Si nous vendons des planches, nous nous efforçons de le faire par ensemble. Suite à l’exposition de l’OuBaPo, la série des 676 apparitions de Killoffer[6] a été achetée par le CNBDI. Pour les couvertures de David B., il y a des acheteurs très intéressés, mais il est hors de question de les vendre séparément, car elles forment un tout. Cet ensemble sera d’ailleurs exposé à partir du 15 mars 2012, à l’Espace Culturel Louis Vuitton