de anaxarque » 04/09/2012 19:40
L’immense polémique qui entoura la sortie de ce volume outre-Atlantique et qui va rebondir à sa publication ici me semble surprenante.
On a le sentiment que la critique ou le lecteur découvre, comme une nouveauté, que Miller a une vision politique du monde plus que réactionnaire.
Dans son 300, au travers l’affrontement des "courageux occidentaux" spartiates contre les "vicieux et expansionnistes asiates" perses, on lisait sans peine une adhésion et une justification de la théorie du Choc des Civilisations partagée par une bonne partie de l’état-major et de la classe politique républicaine américaine.
Miller peut se définir comme un anarchiste de droite, il se méfie de l’Etat et des institutions qu’il soupçonne d’être corrompus et préfère régler ses problèmes lui-même par une action brutale et directe. D’où son attirance pour les « justiciers solitaires » façon Dirty Harry qu’ils croquent dans son monumental Sin City à travers les héros névrosés comme Marv, Dwight, Miho, etc. Les dirigeants sont tous des êtres corrompus, pervers, laids tant physiquement que moralement, cela est particulièrement vrai des Roark, la famille des dirigeants de Sin City.
Dans Dark Knigt, son Batman anarchiste s’oppose au Superman présenté comme un laquais servile du pouvoir en place.
Concernant Sainte Terreur, regardons la présentation de l’éditeur : « Une menace de mort pèse sur Empire City. L'Arrangeur, aidé de la Chat- Pardeuse, a jusqu'à l'aube pour sauver la ville. Ils s'attaquent directement aux factions terroristes en portant un combat violent jusque dans leur camp. Réponse hargneuse au 11 septembre et malgré les positions radicales de son auteur, Terreur Sainte se garde de condamner l'islamisme pour ne foudroyer que le terrorisme. »
Cette présentation me semble bien tronquée :
Dans la VO, en exergue, on trouve une citation, non étayée par une source, du Prophète de l’Islam : " quand tu croises un infidèle, tue-le", tout un programme !
Ce qui montre la détestation de Miller pour l'Islam, non seulement de l'islamisme, mais également de toutes les civilisations différentes de la sienne.
On peut lui facilement rétorquer que tous les corpus religieux justifient la violence contre les autres croyants, (ainsi Saint Augustin théorise-t-il la guerre pour "propager la foi chrétienne" alors que le Christ interdit la violence), mais Miller n'en a cure.
L’ouvrage met en scène des pastiches de Batman et de Catwoman qui se poursuivent comme toujours, jusqu’à ce qu’une bombe explose et ravage la ville (les planches présentant les visages des habitants innocents, sur le point d'expirer, dans l'explosion, sont magnigiques). Les deux vont en vadrouille se venger et ils ne feront pas dans la demi-mesure.
C’est brutal, net, premier degré et franchement crétin. Frapper le premier plutôt qu’être frappé, tuer pour ne pas être tuer pourrait être un des crédos de Miller.
Miller demeure évidemment un immense dessinateur, ses scénarios arrivent à passer depuis toujours malgré leur gout rance.
Il reste donc, pour le lecteur à considérer cette œuvre de Miller, soit comme un brulot politique et une œuvre de propagande plus que contestable (dans ce cas ils passeront leur chemin) ; ou bien une nouvelle BD événement d’un maître du genre et ils se rueront dessus en faisant mine de ne pas comprendre les intentions de l'auteur.
Pour ma part, je pense que Sainte Terreur qui nous propose de terroriser les terroristes, quoique franchement nauséabond idéologiquement, reste superbe, car c'est dessiné par ce génie insuportable et infréquentable (?) du neuvième art qu'est Frank Miller.
"On Friday night, a comedian died in New York. Someone threw him out a window and when he hit the sidewalk his head was driven up into his stomach. Nobody cares. Nobody cares but me. " Roarshach's Journal, 13/10/1985.