Je tiens à préciser que ma réaction à la chronique ne se voulait pas une "défense" du contenu, proprement dit, de l'album de Miller, que je n'ai (toujours ?) pas lu. Je parlais bien de l'attaque faite (ici... et ailleurs...) sur l'opportunité même pour Delcourt de publier ce titre "dans-le-contexte-actuel", comme si cela participait d'une sorte de volonté polémique délibérée. Aux dernières nouvelles, je ne suis pas sûr que les rayons BD des Fnac soient souvent envahis de militants salafistes en patrouille, prêts à se faire sauter avec tout le magasin s'ils trouvent un titre ne convenant pas à leur vision du monde. -- Et quand bien même ?... Je suis totalement d'accord avec les propos de Flocon tenus plus hauts. Et si l'album est si mauvais que tout le monde le dit, alors le plus sage, le plus sain
(j'insiste : sans t final...), me semblerait être de dire : bon, bah oublions ça, et passons à autre chose. Ou plus simplement encore : n'allons pas le lire, si on n'en a pas envie. Sinon, on commence par censurer Miller, et dans cinq ans on finit par censurer
Les nombrils.
Concernant Miller en général, et la comparaison qui est faite avec Eastwood et quelques autres, je classerais volontiers l'auteur de
Sin City dans la catégorie des "anarchistes de droite". Alors que Clint est un républicain bon teint, par exemple : je ne suis pas sûr que la majorité des républicains U.S. trouvent Miller très fréquentable... Ce qui n'en fait pas un fasciste pour autant. C'est encore autre chose.
À côté de ça, en ce qui me concerne, moi, je me considère, en dehors de toutes mes évidentes et formidables qualités personnelles en tant qu'individu, comme un sujet de fiction parfaitement chiant, transparent, inodore et sans saveur. Je suis un homme blanc, hétérosexuel, approchant bientôt la trentaine, appartenant socialement à la classe moyenne, politiquement plutôt à gauche mais sans être militant ou encarté dans un parti précis, et faisant un métier assez banal. Et si je ne devais lire ou voir que des histoires de trentenaires blancs hétéros de classe moyenne plutôt à gauche menant une vie banale, en vérité je vous le dis, je crois que j'en aurais très vite marre.
En conséquence, l'une des choses que je peux attendre d'un artiste - quel que soit le medium dans lequel il s'exprime -, peut être aussi de m'apporter un éclairage différent, une vision qui m'étonne et peut-être me déstabilise, un décalage par rapport à mes modes de pensée habituels. Ne fût-ce que le temps d'un roman, d'un film, d'une BD, ou même d'un poème, d'un tableau. Bon, et que ce soit fait avec suffisamment de talent, aussi, parce que je suis pas maso au point de me farcir des œuvres qui heurtent mes convictions juste par esprit de contradiction, hein.
Mais s'il faut faire un choix entre une œuvre esthétiquement géniale même si je ne me retrouve pas dedans idéologiquement, et une œuvre nullissime même si elle me flatte dans mes convictions, j'aurais plutôt tendance à m'attacher à la première.
Les convictions de Miller ne sont pas les miennes, et peut-être que quand je lirai cette
Terreur sainte je trouverai ça nul moi aussi, que la pilule haineuse sera trop dure à avaler ; ou peut-être que par la force du graphisme "pur" suffira à ce que je me dise : ah ouais, quand même, ça valait le coup. On verra bien. Ou pas. Mais je doute fortement que la censure préalable soit la solution au problème.